REPONSE DE FIDEL CASTRO RUZ, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DE CUBA AUX DECLARATIONS DU GOUVERNEMENT DES ETATS-UNIS SUR LES ARMES BIOLOGIQUES
Datum:
Voilà à peine trois jours, qu’un personnage fort connu, Otto Reich, sous-secrétaire d’état, a été pris dans un mensonge honteux lorsqu’il affirmait le 12 avril que quatre avions cubains avaient atterri dans la capitale vénézuélienne sans qu’on sache « ce qu’ils y faisaient et ce qu’ils transportaient ». C’était, semble-t-il, le début d’une campagne contre Cuba ou d’une vengeance en raison de l’extraordinaire échec du coup fasciste encouragé par lui, ou les deux choses à la fois.
Sommé publiquement par le ministère des Relations extérieures de Cuba, le mardi 7 mai, le Département d’état a expliqué qu’il ne possédait encore aucune confirmation et a exprimé son désir de n’en parler plus.
L’idée obsessionnelle de détruire Cuba, qui dure déjà plus de quarante trois ans, a conduit et conduit encore la politique des Etats-Unis à travers un chemin tortueux jonché de mensonges, d’erreurs, d’échecs et de maladresses. Ce que le gouvernement des Etats-Unis proclame au monde aujourd’hui et ce qu’il fait à l’égard de Cuba constitue sans doute la contradiction la plus marquante et démoralisatrice de sa politique extérieure. La grande puissance n’a jamais été devant une situation si gênante et elle n’a aucun autre choix que mentir, mentir et mentir. Pour ce faire elle ne manque pas des personnages sans scrupules occupant de postes publics importants et des porte-parole de presse dans l’obligation permanente et amère de redresser des torts et d’expliquer l’inexplicable des déclarations de leurs chefs.
Même des hommes comme Colin Powell - fis d’émigrants jamaïcains, qui malgré sa formation militaire ou peut-être pour cette même raison n’est pas considéré comme un guerrier, puisqu’il connaît la guerre et qu’il a vu mourir beaucoup d’hommes – vu par un grand nombre d’Américains comme éventuel candidat présidentiel, se voit mêlé aux manigances pénibles et peu louables de ces personnages. Lui, mieux que toute autre personne, est conscient de leur pauvre expérience et de leur précaire valeur intellectuelle et politique.
A qui pourrait tromper le nouveau personnage impliqué dans une manoeuvre sinistre contre Cuba? Il s’agit de John Bolton, un autre sous-secrétaire d’état, rien de moins que détaché au contrôle des armements. Que prétend-on avec cette injure proférée par ce fonctionnaire dans un discours violent prononcé contre Cuba à la Fondation Heritage, fort connue par ses positions d’ultradroite ?
La déclaration, censément destinée à analyser les dangers du terrorisme qui pèsent sur les Etats-Unis, débute ainsi : « Outre la Libye et la Syrie, une autre menace provient d’un autre pays signataire de la Convention sur les armes biologiques, un pays qui ne se trouve qu’à 150 kilomètres du territoire continental des Etats-Unis, à savoir Cuba.
Après avoir répété les épithètes déjà connus et des bêtises chargées de haine, chose habituelle chez des gens arrogants et desinformé, monsieur Bolton, de son propre cru, ajoute que :
« Nous savons que Cuba collabore avec d’autres états qui appuient le terrorisme.»
« Castro a dénoncé à plusieurs reprises la guerre livrée par les Etats-Unis contre le terrorisme. Selon lui, le terrorisme demeure une tactique légitime pour faire avancer les objectifs révolutionnaires. L’année dernière, Castro a visité l’Iran, la Syrie et la Libye, des pays inclus dans la liste des états défenseurs du terrorisme. Voici ce qu’il a déclaré à l’Université de Téhéran : ‘ L’Iran et Cuba peuvent, coopérant de concert, faire fléchir les Etats-Unis. Le régime des Etats-Unis est faible, et nous l’apprécions de tout près.
« Jusqu’à présent, il y a eu une tendance à sous-estimer la menace que représente Cuba à notre sécurité. En 1998, dans un rapport officiel du gouvernement des Etats-Unis, on a aboutit à la conclusion que Cuba ne représentait aucune menace militaire significative aux Etats-Unis et à la région. Le rapport signalait cependant que ‘Cuba dispose d’une capacité limitée d’entreprendre certaines activités militaires et de renseignement qui pourraient menacer les citoyens américains à un moment donné. »
Monsieur Bolton a tout de suite cherché une excuse pour masquer le fait suspect qu’aucun fonctionnaire officiel des Etats-Unis n’avait jamais eu l’idée de lancer une accusation aussi infâme contre Cuba. Monsieur Bolton rend responsable William Cohen de cette faiblesse, celui qu’il y a quatre ans quand ledit rapport a été émis, occupait le poste de secrétaire à la défense du gouvernement des Etats-Unis. Bolton a ignoré lui-même, que lors d’un discours prononcé devant la conférence des parties à la Convention d’armes biologiques à Genève, le 19 novembre 2001, à peine cinq mois et deux semaines avant, avait fait allusion à de nombreux pays considérés par lui comme de producteurs potentiels d’armes biologiques, à cette occasion il n’a pas nommé Cuba. À quoi obéissait ce changement brusque et inusité ?
Le feuilleton de monsieur Bolton du 6 mai dernier, conclut : « Pendant quarante ans, Cuba a réussi à maintenir une industrie biomédicale bien développée et ultramoderne, soutenue jusqu’en 1990 par l’Union soviétique. Cette industrie, l’une des plus sophistiquées de l’Amérique latine, est à la tête de la production de produits pharmaceutiques et de vaccins qui sont commercialisés partout dans le monde. Depuis un certain temps, des annalistes et des déserteurs cubains mettent en cause le but poursuivi dans ces installations biomédicales.
« Voilà ce que nous savons. Les Etats-Unis considèrent que Cuba est en train de réaliser au moins un travail offensif limité de recherche et de développement de guerre biologique. Cuba a fourni des technologies à double usage à d’autres états renégats. Le fait que cette technologie puisse appuyer des programmes d’armes biologiques dans ces états nous inquiète. Nous exhortons Cuba à arrêter toute coopération en matière d’armes biologiques avec les états renégats et à s’acquitter pleinement de toutes ses obligations en vertu de la Convention sur les armes biologiques. »
Le chapelet de mensonges olympiques de monsieur Bolton trouve immédiatement l’écho attendu dans la presse internationale.
« Washington, mai 6 (ANSA). Le sous-secrétaire d’état John Bolton a accusé aujourd’hui Cuba d’aider des ‘gouvernements ennemis ‘ dans des programmes d’armes biologiques.
« Cuba dispose au moins d’un programme d’armes biologiques offensives et il est possible qu’elle soit en train de transférer ses acquis à d’autres états hostiles aux Etats-Unis, a dit Bolton.
« Le sous-secrétaire Bolton a prononcé un discours devant l’Heritage Foundation, l’un des groupes ultraconservateurs de Washington. »
« Washington, 6 mai (DPA). Les Etats-Unis ont accusé aujourd’hui Cuba de mettre au point des armes biologiques offensives et d’en transférer ses connaissances à des pays ennemis des Etats-Unis et ils ont exhorté le gouvernement du président Fidel Castro à mettre un terme à cette coopération.
« Washington, 6 mai (REUTERS). Lundi, les Etats-Unis ont accusé trois autres pays – Cuba, la Libye et la Syrie – d’essayer de mettre au point des armes de destruction massive et averti qu’ils prendraient des mesures pour éviter que ces armes soient fournies à des groupes terroristes. »
«’Les états qui appuient le terrorisme et qui cherchent des armes de destruction massive doivent arrêter leurs activités ‘, a-t-il déclaré. ‘ Les États qui renoncent à la terreur et qui abandonnent les armes de destruction massive peuvent joindre notre effort. Or, ceux qui s’y refusent, deviendront nos cibles‘.»
« Washington, 6 mai (EFE). Les Etats-Unis ont ajouté aujourd’hui Cuba, la Libye et la Syrie dans la liste des pays qui forment l’axe du mal, consacré à la fabrication d’armes de destruction massive et ils ont averti qu’ils prendraient des mesures pour empêcher que ces armes soient fournies à des organisations terroristes.»
« Washington, 6 mai (NOTIMEX). Les Etats-Unis ont incorporé aujourd’hui Cuba au dit axe du mal car, ils ont estimé qu’elle a la capacité de mettre au point des armes biologiques, ce qui constitue une menace à leur sécurité, plus forte que celle que représentent l’Iraq, l’Iran et la Corée du Nord.
« Washington, 6 mai (AFP). Lundi, les Etats-Unis ont fait savoir à Cuba que toute prolifération d’armes biologiques devait cesser. Ils ont d’ailleurs exhorté le gouvernement de l’île à suspendre toute sorte de livraison d’équipements biotechnologiques à des pays considérés potentiellement dangereux par Washington, comme l’Iraq et la Libye. »
Transcrire la liste et la longueur des articles et des dépêches sur ce sujet serait interminable.
Le travail était déjà fait ! Tout le monde est informé et doit savoir, en particulier l’opinion publique nord-américaine, fortement bombardée par le mensonge perfide, que Cuba est une puissance biologique, qu’elle dispose d’un programme de production de ces armes et qu’elle constitue un danger pour les Etats-Unis. Mais comme cela est dit par le très illustre sous-secrétaire d’état au contrôle des armes et de la sécurité internationale, John Bolton, il faut y croire. Cependant un vieux proverbe dit : Le mensonge n’a pas de pieds. Aux Etats-Unis même, d’aucuns s’étonnent et commencent à entrevoir le jeu.
« Washington, 7 mai (NOTIMEX). Les Etats-Unis ont refusé aujourd’hui de présenter les preuves qu’ils prétendent posséder et qui serviraient à soutenir les accusations selon lesquelles Cuba dispose d’une capacité limitée pour mettre au point des armes chimiques et biologiques.
« Les porte parole de la Maison-Blanche et du département d’état ont affirmé que l’accusation faite à Cuba ne repose pas sur des suppositions mais sur l’information confidentielle concernant le potentiel biologique et chimique de l’industrie pharmaceutique cubaine.
« Cette accusation a surpris non seulement la communauté internationale, mais aussi les membres eux-mêmes du Congrès des Etats-Unis.
« Des annalistes politiques ont signalé, ajoute la dépêche, que l’accusation à l’île de la part de l’administration du président George W. Bush, pourrait faire partie d’une stratégie arrêtée par la Maison-Blanche pour chercher une justification d'un éventuel endurcissement de la politique isolationniste à l’égard de Cuba.
« La déclaration selon laquelle Cuba pourrait représenter une menace terroriste à la sécurité des Etats-Unis a lieu aux moments où l’on analyse au Capitole plusieurs propositions visant à flexibiliser la politique de Washington à l’égard de l’île.
« Cependant, les annalistes politiques soutiennent que devant cette possibilité, et prenant en considération que son frère Jeb essayera cette année d’être réélu comme gouverneur de la Floride, le président Bush veut gagner les bonnes grâces de l’exil cubain.
« Etant donné que plus de quatre décennies d’embargo économique contre Cuba n’ont pu évincer Fidel Castro du pouvoir à La Havane, seule l’immense majorité des exilés cubains aux Etats-Unis veut que cette politique isolationniste continue en vigueur et qu’elle soit endurcie.
« La possibilité d’inclure Cuba en tant que membre du dénommé ‘ axe du mal ‘ avec l’Iraq, l’Iran et la Corée du Nord à la tête, permettrait à Bush de bénéficier du soutien du Congrès pour renforcer plutôt que d’atténuer l’asphyxie économique à laquelle est soumise l’île. »
« Washington, 7 mai (AP). «’Je crois que l’adoption de nouvelles mesures vers une ouverture commerciale sera retardée ‘, a dit Graham, président du Comité sélect de renseignements du Sénat. ‘ Les actions unilatérales, en particulier, seront touchées’. »
« Cependant, la dénonciation faite par Bolton a surpris Graham. En mars, a-t-il dit, que le Comité qu’il préside a effectué une audience secrète sur des questions concernant la sécurité et que l’administration n’a pas abordé la question des armes biologiques. »
Le 7 mai, un journaliste a demandé au porte-parole de la Maison-Blanche, Ari Fleisher : s’il existait une preuve quelconque ou s’il ne s’agissait que d’une présomption nord-américaine ? À quoi il a répondu : « Non, il ne s’agit pas d’une présomption. Je vous assure que le secrétaire Bolton n’aurait pas dit cela s’il n’avait pas eu des causes, des raisons et des faits solides. Ces déclarations se basent sur une analyse ferme et sur des informations disponibles qui ont été examinées par le gouvernement des Etats-Unis. »
C’est la réponse typique donnée par quelqu’un privé d’arguments. La seule chose qu’on a bien étudié c’est le mensonge et la tromperie. Triste rôle celui de ce porte-parole ! D’ailleurs, pourquoi faut-il croire ce que dit monsieur Bolton ? Quiconque puisse se rappeler des quinze prétextes incroyables conçus par les hautes autorités des Etats-Unis, vers la fin de 1961, pour initier en 1962 une attaque militaire directe contre Cuba -documents rendus publiques après avoir été déclassifiés- ne sera pas étonné d’assister à ce grossier mensonge. Nous exigeons des preuves ! Qu’il présente alors la moindre preuve ! Il n’en a pas et il ne peut en avoir parce qu’elles n’existent pas et ne peuvent exister. Puisqu’il n’a même pas un atome de vérité dans son affirmation, il n’a pas alors à se draper dans la soi-disant sensibilité de ses sources. C’est une ruse trop vieille et un argument trop stupide qui ne sert qu’à montrer le manque de respect et la pauvre opinion qu’il a du peuple nord-américain, dont l’intelligence devrait bénéficier d’un peu plus de respect.
J’en affirme plus : si un de nos scientifiques de n’importe quelle institution biotechnologique avait collaboré avec un pays en matière d’armes biologiques, ou s’il avait essayé de le faire par initiative propre , il serait présenté tout suite aux tribunaux de justice pour un acte de trahison au pays.
La Loi contre les actes de terrorisme, adoptée par l’Assemblée nationale de Cuba, dans son article 10 établit : « La personne que fabrique, favorise, vende, transporte, envoie, introduise dans le pays ou ait sous n’importe quelle forme ou endroit (...) des agents chimiques ou biologiques ou autre élément dont les produits ayant la nature ci-dessus mentionnée découlant des recherches, de la conception ou combinaison » sera pénalisée de dix à trente ans de prison, privation de liberté perpétuelle ou peine capitale.
Il s’agit d’un gros mensonge, d’un coup traître à la vente d’aliments à Cuba, en vertu d’une loi de l’année 2000, pleine de modifications et de raccommodages fait par ceux qui soutiennent viscéralement le blocus, qui l’ont transformé en une loi presqu’inapplicable malgré avoir été adoptée. On essaye également de leurrer et de décourager un nombre toujours croissant d’Américains qui sont de plus en plus écoeurés par la cruelle et inhumaine mesure prise à l’encontre du peuple cubain, ce qui se heurte à l’idéalisme et à l’éthique d’une nation qui a été en réalité trompée sur Cuba pendant des décennies.
La seule vérité du mensonge de Bolton c’est que Cuba se trouve à 150 kilomètres du territoire continental des Etats-Unis.
Dire que notre pays a dénoncé à plusieurs reprises la guerre livrée par les Etats-Unis contre le terrorisme est une affirmation fausse et manipulée. J’ai dit, et je le soutiens, que ce fléau ne sera pas réglé par la guerre qui ne servira qu’à engendrer les haines et les passions fanatiques, mais il le sera grâce à la coopération sincère et décidée de tous les pays du monde et par la création d’une véritable culture et d’une conscience universelles contre le terrorisme. Ici, nous avons été les premiers à formuler cette forme de coopération le jour même de la tragédie survenue à New York.
Affirmer que pour Castro le terrorisme est une tactique légitime permettant de promouvoir les objectifs révolutionnaires est une invention calomnieuse, fruit du mensonge et de la tromperie, car comme on le sait notre mouvement révolutionnaire n'a jamais pratiqué des méthodes qui ne s’ajustaient pas à notre doctrine, à nos principes et à notre conception de la lutte armée. Je vous conseille, M. Bolton, de bien vous informer et de ne pas vous laisser entraîner par les histories racontées par vos petits amis de la Fondation. Jamais la population civile et les personnes innocentes ont été victimes des nos actions. La tactique conçue a toujours été la lutte contre les unités ennemies armées jusqu’aux dents. Vous voulez maintenant appeler terrorisme à n’importe quelle résistance armée, indépendamment des raisons légitimes qui la justifient. Vous seriez capable de qualifier de cette manière les luttes livrées par les colons américains qui se sont soulevés contre la domination anglaise. George Washington et ceux qui ont conquis l’indépendance des Etats-Unis, au terme de longues années de lutte et d’énormes sacrifices n’étaient pas des terroristes.
Quelqu’un vous a embobiné, monsieur Bolton, lorsqu’on vous a parlé de mon discours à l’université de Téhéran, ce n’était pas un, il y en a eu deux aux deux universités ainsi que d’autres propos que j’ai dit à l’occasion de ma visite du mausolée où gisent les dépouilles mortelles de l’imam Khomeini. Je les ai soigneusement révisés. Pas un seul paragraphe semblable à celui que vous incluez mensongèrement dans votre discours du 6 mai à la Fondation Heritage n’y apparaît. Je n’ai jamais dit que l’Iran et Cuba, coopérant de concert, pourraient faire fléchir les Etats-Unis. Cependant, j’ai affirmé dans un des trois, que l’impérialisme était orphelin d’idées, que celles-ci étaient plus puissantes que les armes et qu’un jour il s’effondrerait. J’ai également dit que le peuple iranien, grâce à son héroïsme et sans recourir aux armes, avait réussi à vaincre le Shah. Que cela prouvait la force des idées, qu’il n’y a personne si puissante dans le monde qui ne puisse être vaincue par les idées. « C’est justement l’espoir que nous caressons. Finalement j’ai ajouté : « Il y a une superpuissance qui dispose de milliers d’armes nucléaires, d’avions, de cuirassés, de porte-avions, de missiles intelligents [...] Et malgré ses armes et ses richesses, elle ne pourra vaincre l’être humain. »
Je n’ai même pas fait la moindre allusion à l’emploi des armes au cours de cette lutte. J’ai dit plutôt le contraire. C’est ce que je pense et comment je voyais la situation et c’est ainsi que je l’ai dit. Je n’ai pas l’habitude de cacher mes pensées ou de manipuler mes propos. Mes discours que j’ai prononcés dans la capitale iranienne ont été diffusés par la télévision et la radio de Cuba. Ni monsieur Bolton n’a rien découvert et moi je n’ai renié non plus mes idées. J’ai avancé d’autres idées à propos de doctrines et de concepts politiques. Je conserve les cassettes et les transcriptions originales de ces discours. Je peux donc prouver ce que je viens de dire.
Je dois ajouter que lorsque j’ai visité l’Iran j’ai eu l’honneur de connaître un pays d’une culture millénaire, de profondes convictions religieuses, d’une grande force spirituelle, désireux d’éradiquer la pauvreté, de combattre le trafic de drogues et autres fléaux similaires, un pays décidé de mettre l’éducation, la santé, l’emploi et le bien-être à la disposition de plus de 65 millions de personnes. Aucun des dirigeants que j’ai y rencontré, ne m’ont pas fait allusion aux armes biologiques ou à toute autre arme. J’ai pu constater l’énorme différence entre leur culture et leurs mœurs et ceux de l’Occident. Je n’ai pas seulement visité ce pays, mais aussi d’autres, dont l’Algérie, la Malaisie, le Qatar, la Syrie et finalement la Libye où j’ai vu la maison de la famille de Khadafi, totalement détruite et où j’ai été informé des pertes humaines, dont une fillette, causées par le bombardement inattendu des F-16.
Des milliers d’années d’histoires sont concentrées dans ces zones du monde et elles ne doivent pas être détruites tout comme ses habitants ne doivent pas être liquidés. Des milliers de personnes à travers le monde ont pu voir avec indignation les images télévisées des événements affreux survenus en Palestine.
Quand monsieur Bolton a repris mon discours prononcé en Iran, il a mélangé de forme irresponsable et peu honnête des fragments de mes paroles avec des fragments et des déclarations d’autres personnes avec ceux des agences de presse étrangères, avec des informations de dépêches transmises par des tiers ou avec son propre cru. I a crée un tel embrouillement avec tout ce matériel, qu’il n’en est même plus capable de s’en sortir. Mes déclarations nettes, précises et claires sont dans les discours susmentionnés et dans le communiqué de presse en date du 10 mai 2001 émis par les deux délégations où, soit dit en passant, figure la position de Cuba contre le terrorisme au point 6 du document accordé :
« Tout en condamnant le phénomène du terrorisme sous toutes ses manifestations, en particulier le terrorisme d’état, les deux parties ont décidé d’établir des liens étroits de coopération aux niveaux bilatéral et international pour combattre et éliminer ce néfaste phénomène, le crime transnational organisé et le trafic de drogues, tenant toujours dûment compte des principes cardinaux du droit international, notamment ceux relatifs à la souveraineté et à la non-ingérence dans les affaires intérieures des États. »
Cette déclaration a été faite cent vingt-sept jours avant les événements du 11 septembre.
Je remercie monsieur Bolton des grands éloges qu’il fait de notre industrie pharmaceutique, « l’une des plus avancées et qui marche à la tête en Amérique latine dans la production de médicaments et de vaccins commercialisés dans le monde entier ». C’est ce qu’il dit textuellement . Si seulement l’on pouvait en produire plus. Même votre pays pourrait bénéficier de certains de ses progrès, mais vous-mêmes l’interdisez ! Cependant, il ment impudiquement lorsque il affirme perfidement devant l’opinion publique américaine et mondiale que les Etats-Unis sont d’avis que Cuba réalise au moins un travail offensif limité de recherche et de développement de guerre biologique, ceci est une affirmation autant mensongère que grave.
Nos chercheurs et nos médecins ont été formés dans un principe élevé de solidarité et d’éthique. Des millions de personnes dans le monde peuvent en faire foi. Ces professionnels travaillent pour le bien-être et la santé des êtres humains. Au cours de ces quatre décennies, 34 307 médecins et travailleurs cubains de la santé ont prêté des services gratuits dans un grand nombre de pays pauvres en vue de préserver la vie et d’assurer la santé de millions de personnes. Personne dans le monde ne pourrait faire preuve d’un tel dévouement et d’un tel esprit de sacrifice. En ce moment, 2 671 travailleurs de la santé remplissent leur mission dans des endroits reculés et inhospitaliers de l’Amérique latine, de la Caraïbe et de l’Afrique. Difficilement ces hommes et ces femmes ne pourraient être induits à produire des virus et des bactéries pour tuer des enfants, des femmes, des personnes âgées ou des ressortissants de n’importe quel pays. La fierté et la haute morale de notre peuple, ce qui lui a permis de résister tout au long de ces 43 ans aux agressions et au blocus, reposent sur la rationalité de sa politique, sans aucune contradiction entre son éthique et ses principes.
39 800 jeunes provenant de plus de cent pays du tiers monde ont fait des études à Cuba dans 33 spécialités techniques et supérieures. Même dans des conditions de période spéciale, conséquence du cruel blocus économique imposé par les Etats-Unis, 8 053 jeunes latino-américains, caraïbéens et africains font des études de médecine chez nous – une carrière qui coûte plus de 200 000 dollars aux Etats-Unis – et ce sans payer un seul centime.
En dépit des mensonges proférés par Bolton et bien d’autres comme lui, Cuba jouit, compte tenu des services de santé prêtés à l’humanité, d’un grand prestige. C’est ainsi qu’on peut combattre vraiment une autre modalité de terreur que nombreux ne veulent pas voir : les maladies qui tuent chaque année plus de 11 millions d’enfants qui pourraient se sauver s’il n’aurait pas une attitude égoïste du monde industrialisé. Un nombre incalculable de personnes survivent ou récupèrent leur santé grâce aux efforts dévoués consentis par les médecins provenant d’un pays petit et pauvre, avec l’application de vaccins et de méthodes préventives ou thérapeutiques mis au point par Cuba. Nous aimerions savoir si le gouvernement des Etats-Unis fait quelque chose de semblable ou s’il serait prêt à coopérer en faveur de ceux qui, par euphémisme, sont nommés pays émergents, selon des programmes similaires où aucune nation économiquement développée n’a pas été exclue.
Des centaines de bourses pour étudier dans l’École latino-américaine des sciences médicales ont été octroyées à des jeunes nord-américains qui ne disposent pas de ressources nécessaires pour suivre ces cours dans leur pays.
Les enfants cubains sont vaccinés contre 13 maladies. Ils jouissent d’une très bonne santé. Le taux de mortalité infantile sur 1 000 naissances vivantes est inférieur à celui des Etats-Unis. L’assistance médicale est accessible à l’ensemble de la population gratuitement. Il n’existe pas à Cuba, comme cela se passe malheureusement aux Etats-Unis qu’avec 280 millions d’habitants, 16% de la population n’a pas d’assurance médicale dont plus de dix millions d’enfants. Dans un pays si riche et si avancé dans le domaine de la science, où meurent chaque année pour ces causes des centaines de milliers de citoyens, qui en est le responsable ?, qui tue ces personnes ? qui condamne de tels faits ? Comment peut-on inventer, sur la base de quelle morale peut-on affirmer là-bas que les Cubains sont en train de mettre au point des programmes de guerre biologique ? Qui va d’ailleurs croire à cette infâme calomnie ? D’autre part, au cours de ces 43 ans de Révolution, personne n’a, depuis notre territoire, organisé un acte terroriste contre les Etats-Unis. Pas une seule goutte de sang, pas une vis n’a pas été perdue du fait d’actes terroristes organisés depuis Cuba. Une telle déclaration ne pourrait être formulée par ceux qui aux Etats-Unis accusent notre pays de terroriste ou de soutenir ou encourager le terrorisme. Des milliers de nos compatriotes sont morts et des dizaines de milliers d’actes de sabotage ont été enregistrés à la suite des activités terroristes et des agressions provenant des Etats-Unis à l’encontre de Cuba. Leurs porte-parole, peuvent-ils par hasard nier ces réalités ? Je ne parle pas du peuple américain, mais de son gouvernement. Même aujourd’hui, on n’a pas encore élucidé la question concernant les facultés octroyées à des fonctionnaires du gouvernement des Etats-Unis pour réaliser des exécutions extrajudiciaires et tuer des personnes dans n’importe quel coin du monde. Moi même, j’ai été très souvent la cible de ces plans sinistres. Cela s’est passé autrefois. Est-ce qu’on fait appel encore ou pas à des méthodes aussi répugnantes ? Pourquoi monsieur Bolton ne nous en parle pas un peu ?
Pour ce qui est des armes de destruction massive, la politique de Cuba a été irréprochable. Personne n’a pu jamais présenter une seule preuve mettant en évidence qu’un programme de mise au point d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques ait été conçu dans notre patrie. Ceux qui n’ont pas la moindre idée de ce qu’est l’éthique, l’attachement à la vérité et la transparence dans la conduite d’un gouvernement comme celui de Cuba, pourraient au moins comprendre qu’agir autrement ne saurait avoir un autre nom que celui de stupidité colossale. Un tel programme ruine l’économie de tout petit pays. Cuba n’aurait pu être capable de transporter ces armes. On commettrait en plus l’erreur de les mettre en fonction d’un combat contre un adversaire qui est doté d’un nombre infiniment supérieur d’armes de ce genre et qui recevrait, comme un grand cadeau, le prétexte de les utiliser.
Du point de vue politique, nous vivons une époque où il y a et il y aura toujours plus d’armes plus puissantes que celles provenant de la technologie, à savoir les armes de la morale, la raison et les idées. Sans ces armes, aucune nation n’est puissante, alors qu’avec ces armes, aucun pays n’est faible. Un tel apophtegme exige une motivation exceptionnellement profonde, du sang froid et de l’intelligence. On devrait savoir que pour le peuple cubain les valeurs qui inspirent la liberté, la dignité, l’amour de la patrie, son identité, sa culture et le sens le plus strict de justice que puisse être conçu par l’être humain sont par-dessus toute autre valeur sur la Terre. Ce ne sont pas des armes de destruction massive, mais des armes de défense morale massive et nous sommes prêts à lutter et à mourir pour elles.
Je comprends que pour un monsieur comme Bolton, enivré du pouvoir militaire, économique et technologique de la superpuissance au nom de laquelle il parle, ne peut pas saisir ces choses-là, mais il devrait quand même faire un effort.
Cuba n’a rien à cacher. Bien au contraire, elle est fier du développement atteint dans le domaine des recherches biomédicales.
Bref aperçu historique :
o 1979 : création du groupe de génie génétique au Centre national de recherches scientifiques.
o 1981 : mise en place de la première institution biotechnologique scientifico-productive destinée à la production de l’interféron leucocytaire.
o Programme de l’industrie médico-pharmaceutique et biotechnologique : il émerge dans le cadre du développement scientifique, économique et social atteint par le pays.
o Création des conditions adéquates pour l’inspection et la certification par les organismes internationaux et les organes de contrôle nationaux des pays avec lesquels le pays entretiendrait des relations commerciales.
o Développement, entre 1990 et 1997, du gros du programme d’investissements comprenant 40 installations.
o Développement d’une industrie totalement humanitaire consacrée à la création et à la production de médicaments pour prévenir des maladies et sauver des vies, ainsi qu’à la production d’aliments.
o Equipements technologiques à usage universel fournis par des sociétés commerciales de renom à l’échelle internationale.
o La biotechnologie cubaine, le système de santé et la défense civile, en vertu d’accords pris par Cuba avec la Convention d’armes biologiques, soumettent chaque année à l’ONU le rapport correspondant sur les mesures de promotion de la confiance.
o Un grand nombre d’agences de contrôle de différents pays ont visité les installations productives biotechnologiques cubaines, démarche préalable indispensable pour commercialiser nos produits sur ces marchés.
o Dans les années à venir, plus de 50 nouveaux produits seront placés sur le marché, dont médicaments biologiques, vaccins et diagnostics.
o Notre pays compte déjà une base de propriété intellectuelle composée par plus de 150 objets d’invention et plus de 500 brevets déposés à l’étranger. Les résultats scientifiques des recherches sont publiés dans les principales revues internationales.
o 1990 : début des exportations d’un nombre toujours croissant de produits.
o 1992 : Cuba souscrit la Convention sur la biodiversité, ratifiée en 1994.
o 1995 : début des modalités historiques de commercialisation : transferts de technologies, contrats de développement à risque avec des entreprises étrangères, associations productives et commerciales.
o Plus de 40 pays reçoivent aujourd’hui des produits et des techniques de la biotechnologie cubaine.
Des accords portant sur le transfert de technologies ont été souscrits avec 14 pays :
Inde : 4 transferts, 4 produits.
Chine : 2 transferts, 4 produits.
Brésil : 2 transferts, 2 produits.
Egypte : 4 transferts, 1 produit en cours de négociation.
Malaisie : 6 transferts.
Iran : 4 transferts, 4 produits.
Russie : 1 transfert, 1 produit.
Afrique du Sud : 1 transfert, 1 produit.
Tunisie : 1 transfert, 1 produit.
Algérie : 1 transfert, 3 produits.
Grande-Bretagne-Belgique : 1 transfert, 1 produit.
Venezuela : 1 transfert, 2 produits en cours de négociation.
Mexique : 1 transfert, 1 produit.
Nouvelles négociations commerciales et productives dans 10 pays :
Malaisie, Pays-Bas, Espagne, Brésil, Venezuela, Viet Nam, Mexique, Ukraine, l’Allemagne et Etats-Unis (dans ce cas en cours de négociation sur l’utilisation du vaccin meningoccocyque et premiers contacts sur les éventuels tests cliniques avec le vaccin EGF contre le cancer poumon).
Produits brevetés à ce jour par les centres cubains de biotechnologie :
24 produits (médicaments biologiques-vaccins).
49 médicaments génériques avancés.
5 produits pour le traitement du sida.
15 nouveaux équipements médicaux.
24 systèmes de diagnostic.
Indépendamment de ces résultats, 60 projets font actuellement l’objet de recherches scientifiques.
Parmi les nouveaux produits qui font actuellement l’objet d’études scientifiques, citons :
29 nouveaux vaccins, dont 8 contre le cancer. 4 de ces derniers vaccins se trouvent déjà à la phase d’essais cliniques non seulement à Cuba mais aussi au Canada, en Argentine et au Royaume-Uni.
21 nouveaux produits pour le traitement du cancer qui viennent s’ajouter aux 28 cytostatiques connus qui seront fabriqués par une nouvelle usine.
Les centres cubains de biotechnologie ont demandé l’enregistrement de 150 produits, le nombre de brevets étant à ce jour de 505. La médaille de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a été décernée à quatre de ces brevets.
Un grand nombre de personnalités politiques, scientifiques et entrepreneuriales ont visité les institutions cubaines de biotechnologie. En 2000, seul un des centres principaux a reçu 1 520 visiteurs, dont 484 provenant des Etats-Unis.
Les portes de nos centres de recherche sont ouvertes à toute institution à caractère international.
Dans une note officielle et publique, Cuba a proposé au gouvernement des Etats-Unis trois importants projets d’accord plus avantageux pour les Etats-Unis que pour Cuba, vu les ampleurs des problèmes particuliers de chaque pays. Un, il s’agit d’un projet d’Accord sur le dossier migratoire ; deux, un projet d’Accord sur la coopération pour combattre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ; trois, projet de Programme de coopération bilatérale pour combattre le terrorisme. Aucune réponse n’a été reçue. Serait-ce par hasard celle de nous accuser de fabriquer des armes biologiques ? À qui prétend-on faire peur ?
On nous exhorte à suspendre toute coopération relative aux armes biologiques avec les états « renégats » et à nous acquitter pleinement de toutes les obligations en vertu de la Convention sur les armes biologiques. Quel est l’organisme international chargé de déterminer si un pays est ‘renégat’ ou pas ? Quelle norme de la Convention sur les armes biologiques a été violée par Cuba ? Prétend-on aussi, outre le criminel blocus dont nous sommes victimes, nous empêcher de commercialiser des médicaments et d’utiliser les produits les plus sains et les plus nobles qui sont le fruit du talent de nos scientifiques, pour les mettre au service de la santé des citoyens de n’importe quel pays du monde? Le gouvernement des Etats-Unis souhaite-t-il par hasard qu’un accord bilatéral supplémentaire à ceux proposés par Cuba soit mis en place, autrement dit, sur la coopération dans la lutte contre la production d’armes biologiques ? Proposez-les. On l’inclura alors dans la liste des projets en attendant une réponse.
Nous sommes désolés, monsieur Bolton. Après les mensonges, les calomnies, les tromperies et les insultes contenus dans votre discours du 6 mai, nous regrettons de vous dire que vous n’avez aucune morale pour demander de telles choses à Cuba et moins encore de nous demander quoi que ce soit avec un langage et un ton aussi menaçants. Ni prétendre, non plus de nous donner des leçons de politique et d’éthique. En tout cas, vous même et votre gouvernement pourraient vous inspirer de l’honnêteté et de la conduite digne de Cuba. Je peux vous assurer qu’il ne faut rien nous payer en échange de ce transfert de technologie.
Le 10 mai 2002