Discours prononcé par Fidel Castro Ruz à la Clôture du Troisième Congrès National des Conseils Municipaux d’éducation, au Théâtre Chaplin, La Havane, le 10 septembre 1962
Date:
Messieurs les membres du corps diplomatique ;
Chers visiteurs ;
Compañeras et compañeros des Conseils municipaux d’éducation ;
Mesdames et messieurs,
Les travaux de ce Congrès, ses analyses et ses conclusions, montrent l’œuvre impressionnante de la Révolution en matière d’éducation.
Si notre Révolution peut présenter un tel progrès, tant de succès en moins de quatre ans dans un domaine aussi capital que l’éducation, cela veut qu’elle va bien, qu’elle se bâtit sur des bases solides, très solides.
La révolution ne se fait pas en un jour, ni en un mois, ni même en un an. C’est un long processus, et ses fruits ne peuvent donc se voir ni en un jour, ni en un mois, ni en une année.
Quand on commence à poser les fondations de quelque chose, on met du temps à voir l’ouvrage complet. Au début, on ne voit que les fondations. C’est pareil pour la Révolution qui, durant les premières années, pose ses fondations et avance lentement, mais fermement, tenacement, constamment. Voilà pourquoi les années les plus dures, les plus difficile de n’importe quelle révolution, les années où la fermeté des révolutionnaires et des peuples est vraiment mise à l’épreuve sont les premières quand il faut pratiquement tout édifier à partir de zéro.
Au fil des années, bien entendu, on verra toujours mieux les fruits de la Révolution, on les verra toujours plus nettement. Il faut donc se demander ce que fait la Révolution dans chaque secteur de travail.
Par exemple, dans ce secteur de l’éducation, on voit déjà se profiler une grande œuvre, une œuvre révolutionnaire extraordinaire qui n’a pas de précédent dans notre patrie ni dans aucun pays d’Amérique, et qui ne soutient pas la moindre comparaison avec ce qui s’est fait en matière d’éducation dans l’histoire cubaine.
C’est là un motif d’encouragement pour les révolutionnaires, et un motif de découragement pour les réactionnaires, pour ceux qui, se vautrant dans la fange de leur misère morale, de leur égoïsme, de leur manque de foi, de leur mépris envers les masses, n’ont pas d’yeux pour voir.
Et pourtant, les chiffres sont éloquents. Quand la Révolution est arrivée au pouvoir le 1er janvier 1959 (applaudissements), plus d’un demi-million d’enfants n’avaient ni écoles ni maîtres ; près d’un million de personnes étaient analphabètes ; en cinquante-sept ans, on avait créé seulement quinze mille salles de classe ; environ 185 000 écoliers entraient dans le primaire, et environ 120 000 dans le secondaire. Environ 750 000 personnes faisaient des études dans tous les établissements d’enseignement. Et les enfants des familles les plus modestes n’avaient guère de chance de faire des études. Le petit paysan pouvait à la rigueur faire le primaire s’il y avait un maître d’école ; mais aucun enfant modeste d’une sucrerie, d’un petit village ne pouvait faire le secondaire, ce qui n’était à la portée que des jeunes vivant dans une localité où il y avait un établissement d’enseignement. Et on sait par ailleurs que la plupart de ces jeunes n’avaient pas le moyen d’aller à ces écoles, parce qu’ils devaient travailler pour aider la famille. Finalement, l’entrée dans l’enseignement supérieur et à l’université était très difficile pour les jeunes d’origine modeste, autrement dit pour l’immense majorité de nos jeunes.
Le budget de l’éducation atteignait à peine cent millions de pesos. Environ dix mille maîtres étaient au chômage. Voilà le panorama au début de la Révolution.
De quels progrès, de quelles avancées peut se vanter la Révolution ? Tout d’abord, le nombre d’écoliers dans le primaire est passé de 650 000 à 1 200 000 ; celui de salles de classe, de 15 000 à 30 000 ; celui des élèves du secondaire, de 120 000 à 250 000 ; celui du cours élémentaire, de 185 000 à 450 000.
L’analphabétisme a pratiquement été éliminé, des centaines de milliers d’adultes ont appris à lire et à écrire.
Mais il faut aussi compter les adultes qui font maintenant des études : 450 000 sont inscrits dans les écoles de progression, et près de 100 000 dans les écoles de perfectionnement ouvrier ; et plus de 50 000 dans les écoles du soir.
Autrement dit, la quantité de personnes faisant des études depuis le triomphe de la Révolution est passée de 750 000 à 2 000 000 (applaudissements). Deux millions entre enfants, jeunes et adultes ! Sans compter d’autres types d’écoles, qui ne sont ni du primaire, ni du secondaire dans ses deux cycles, ni techniques, ni universitaires, ni de progression, ni de perfectionnement. Il faut ajouter les écoles du « minimum technique », les écoles populaires, autrement dit ces écoles en cours d’organisation où des ouvriers reçoivent une formation, acquièrent de nouvelles connaissances grâce à la mécanisation et à la technicisation de certaines industries qui étaient très en retard, qui employaient beaucoup de personnel et qui, une fois modernisées, exigent bien moins d’ouvriers.
Car, que se passe-t-il dans notre pays ? Les ouvriers ne perdent pas leur travail, comme ça se passe, par exemple, aux États-Unis : ils continuent de toucher leur paie, de recevoir une rémunération de la société, et on les envoie faire des études. Autrement dit, alors que, dans d’autres pays, cet ouvrier est jeté à la rue, perd son emploi, dans le nôtre, tout en continuant de recevoir une rémunération, il fait des études et acquiert des connaissances techniques pour se reclasser ensuite dans l’industrie, afin qu’il y réalise un travail encore plus efficace, encore plus utile pour son pays (applaudissements).
Il faut ajouter aussi les Écoles d’instruction révolutionnaire (applaudissements), où vont des dizaines de milliers de travailleurs, si bien qu’on peut dire que plus deux millions de personnes font des études à Cuba d’une façon ou d’une autre. D’autant qu’environ 750 000 jeunes de familles modestes ont l’occasion de faire des études dans des établissements d’enseignement supérieur, tous frais payés : nourris, logés, blanchis, vêtements, chaussures, médicaments, sans la moindre restriction (applaudissements).
Tout ceci a suscité un intérêt extraordinaire pour les études. On a du mal à trouver aujourd’hui dans notre pays un citoyen qui ne veuille pas étudier, qui ne se sente pas poussé par le besoin de le faire. Il s’est créé un esprit de recyclage collectif extraordinaire, un véritable intérêt pour l’étude, ainsi que des conditions grâce auxquelles quelqu’un d’indifférent, d’absolument insensible à cette inquiétude extraordinaire de notre peuple restera à la traîne.
Bien mieux, la quantité d’élèves augmentera d’année en année, des centaines de milliers de jeunes, des centaines de milliers d’adultes de plus feront des études.
Notre pays, sans discussion, a pris la tête de l’Amérique dans ce sens (applaudissements). Nous pouvons dire avec orgueil, en tant que Cubains, que nous marchons à la tête du continent américain, tous pays confondus, en matière d’éducation (applaudissements).
Bien entendu, ça promet à l’avenir des fruits extraordinaires pour notre pays. Le pays qu’a hérité la Révolution était bien différent, ainsi que les conditions. Il n’existait pas un mouvement comme celui-ci dans l’éducation, c’est la Révolution qui l’a créé.
Avant, la quantité de techniciens de niveau universitaire et de techniciens en général n’était pas suffisante. Ou plutôt, elle était suffisante parce qu’il s’agissait d’un régime économique rachitique et misérable, avec très peu de techniciens, qui étaient même parfois sans emploi. Dans notre pays, il n’y aura jamais plus de techniciens en trop, bien entendu, parce que nous en aurons besoin de toujours plus. Le régime antérieur se caractérisait par sa misère infinie et permanente ; le régime actuel ouvre des perspectives à un progrès infini.
Y a-t-il des limites aux aspirations du peuple ? Aucune. Mieux notre peuple sera formé, et plus loin il ira. Il ne pourra jamais dire : « Je suis satisfait. » Jamais plus les maîtres, les médecins, les ingénieurs, les techniciens ne seront de trop parce que nous en aurons bien de toujours plus. Et même si notre pays forme dans les années suivantes des centaines de milliers de techniciens, nous aurons besoin d’en former toujours plus parce que les aspirations de notre pays au progrès ne s’arrêteront jamais et que nous ne pourrons jamais dire que les techniciens seront de trop. Quand nous en aurons dix ou vingt fois plus que maintenant, nous continuerons d’avoir besoin de toujours plus de techniciens, parce que c’est dans la mesure où la capacité technique de notre peuple se développera que se développera aussi son progrès matériel, dans la mesure où la culture se développera dans notre pays que se développera aussi le bien-être général de tout notre peuple.
Entre le présent et le passé, les circonstances sont très différentes, et c’est ça ce que signifie la Révolution. Prenez, par exemple, la santé publique – qui vient de faire l’objet d’un congrès international : l’état de la santé dans tous les pays latino-américains fait peine à voir. Et dans ce domaine les réalisations de notre Révolution ne souffrent aucune comparaison, bien au contraire, avec tout ce qu’elle a fait, avec toutes ses victoires.
Et ce mouvement ne cesse pas. Ce Congrès-ci a signifié l’élaboration d’une série de nouveaux objectifs. Tout ce grand mouvement en éducation a dû se faire au milieu de beaucoup de difficultés, dont le manque de maîtres et de professeurs. Mais ce problème, nous le réglerons. Comment ? Grâce à l’effort en cours pour former des cadres, des professeurs, des maîtres, ce à quoi la Révolution a accordé une importance extraordinaire. En fait, elle a accordé à la formation de ces cadres plus d’importance qu’à tout autre chose, parce qu’elle estime que la base de tout cet effort, c’est l’éducation, que sa fonction la plus importante est d’éduquer, que le travail le plus digne et le plus utile que puisse faire n’importe quel citoyen dans notre pays, c’est l’enseignement.
Voilà pourquoi la Révolution exalte le rôle, la fonction du maître. Elle s’efforce bien entendu d’élever aussi les conditions subjectives du corps professoral, sa conscience révolutionnaire, parce que nous savons aussi combien de vices souffrait notre éducation, combien de faiblesses avait notre personnel enseignant à cause du milieu dans lequel il devait exercer ses fonctions, de la politicaillerie, de la corruption, des privilèges régnant dans notre pays. C’est pourquoi la Révolution s’efforce, à travers les organisations syndicales et les organisations de masse, d’élever la conscience révolutionnaire du personnel enseignant, tout en formant de nouveaux cadres.
On connaît le mal qu’on a eu à régler le problème de l’enseignement dans les montagnes, un problème jamais réglé dans les conditions antérieures, et on sait aussi l’effort que nous continuons de faire pour l’y maintenir, en organisant la brigade de maîtres d’avant-garde dont nous avons besoin dans les montagnes jusqu’à ce que des légions de nouveaux instituteurs sortent des écoles où ils passent deux cycles : un de deux ans, d’abord, et un autre de deux ans aussi après, en plus de l’année où ils doivent être à l’École d’éveil de la vocation dans la Sierra Maestra.
Et pour éviter que ces normaliens commencent à enseigner en ayant passé seulement le premier cycle, on forme des instituteurs populaires, parce qu’il vaut mieux avoir un peu de patience et faire en sorte que les normaliens aient étudié les deux cycles pour qu’ils soient capables de faire classe dans tous les degrés du primaire. Tel doit être notre objectif dans les montagnes : assumer tout le primaire, et choisir ensuite les meilleurs élèves pour qu’ils fassent des études secondaires. C’est vrai que les conditions dans les campagnes, et surtout dans les montagnes, sont bien plus difficiles et qu’il est pratiquement impossible, à cause de la dispersion de la population, d’ouvrir des écoles secondaires… En tout cas, il faut au moins que les élèves y fassent tout le primaire.
Car j’ai oublié de donner un autre chiffre : non seulement à peine la moitié des enfants allaient à l’école, mais un grand nombre était en retard, entrait à l’école après avoir passé l’âge. Il a donc fallu préparer ces cours accélérés pour tous ces enfants pour qu’ils fassent toute l’école primaire, ce qui était très rare avant.
La Révolution est en train de former de nombreux instituteurs selon une nouvelle organisation, en contact avec la réalité. Et elle a donc organisé l’École d’éveil de la vocation dans la Sierra Maestra et l’École du premier cycle à Topes de Collantes ; elle organisera une seconde école du premier cycle à La Havane et, toujours dans la capitale, une école du second cycle où entreront les élèves qui auront conclu le premier cycle et d’où ils sortiront pour partir enseigner dans les montagnes.
Mais, en attendant que ces normaliens finissent leurs études, il faut maintenir l’enseignement dans les montagnes grâce à ces instituteurs d’avant-garde. Et s’ils ne suffisent pas, demandez plus de maîtres. Des deux ou trois mille jeunes qui sont sortis cette année des anciennes écoles normales d’instituteurs, nous espérons qu’un bon nombre d’entre eux entreront dans ces brigades d’instituteurs d’avant-garde et iront enseigner dans les montagnes (applaudissements). Et si ça ne suffit pas, il faut mobiliser les maîtres populaires : dans trois ans, mille huit cents qui ont conclu cette année-ci leur premier cours à Topes de Collantes recevront leur diplôme ; puis viendront les mille neuf cents qui ont conclu le cours de Minas del Frío, et encore derrière, les quatre mille cinq cents élèves qui entreront cette année à l’École d’éveil de la vocation de la Sierra Maestra (applaudissements). On a offert en effet quatre mille cinq cents bourses d’étude, et huit mille jeunes ont fait la demande pour entrer dans cette école de Minas del Frío.
Donc, à partir de ce moment, au moins trois mille jeunes se formeront chaque année. Mais ce n’est pas tout : huit mille étudieront ici, entre l’École du second cycle et l’École du premier cycle. C’est là une force que nous pourrons utiliser pour des cours de progression, pour les cours du soir. Autrement dit, même encore élèves, nous pourrons les mobiliser pour n’importe quel plan éducationnel qu’ils combinent études et travail.
Les ressources humaines augmenteront donc et permettront d’imprimer toujours plus d’élan à ce formidable mouvement éducationnel. Et cette œuvre de la Révolution – de même que toutes les autres dont nous pouvons être fiers – a dû se faire dans des conditions difficiles, au milieu des agressions, de l’hostilité, de l’action des réactionnaires et des rétrogrades, et de l’action de l’impérialisme.
Mais qu’est-ce qu’ils peuvent bien nous offrir ? Changer cette œuvre actuelle pour toute la pourriture du passé ? (La foule répond : « Non ! ») Et de quel droit ? Les ennemis de notre patrie, les ennemis de notre Révolution, face aux faits réels gravés dans la conscience et dans le cœur de tout homme et de toute femme digne de notre patrie, qu’est-ce qu’ils peuvent offrir aux peuples d’Amérique ? Face aux faits : pas face aux mensonges, aux trucs de propagande, aux arguments éculés des réactionnaires qui ont essayé, comme à chaque moment révolutionnaire de l’Histoire, de défendre leurs intérêts antisociaux, antihistoriques, antipopulaires.
Comment leurs mensonges peuvent-ils occulter ces réalités ? Car ces réalités de la Révolution, auraient-il beau les ignorer, auraient-ils beau fermer les yeux pour ne pas les voir, personne ne pourra les supprimer. Ce sont des faits. Surtout quand on compare la situation régnant sur tout le continent avec les triomphes imposants de notre Révolution qui a su remporter tant de succès au milieu d’une persécution si tenace, d’une hostilité si incessante, au milieu des agressions économiques, des agressions militaires et des menaces qui ont été suspendues au-dessus de nos têtes dès le premier jour. Comment les impérialistes peuvent-ils justifier leur prétention de détruire cette œuvre de progrès, d’avancées. Non, pas un simples progrès, pas une simple d’avancées, mais un progrès historique sous l’épée de Damoclès des impérialistes (applaudissements), d’avancées héroïques face à toute leur puissance, à toutes leurs ressources.
En effet, soulignons-le, tout s’est fait malgré qu’un pouvoir réactionnaire aussi grand que celui de l’impérialisme yankee ait essayé de l’empêcher, ait voulu l’empêcher. Et pas en y allant à moitié, non ! Ils ont essayé d’empêcher l’œuvre révolutionnaire de notre peuple en utilisant toute leur force, toutes leurs ressources, et ils n’ont pas pu ! Et notre peuple a avancé au milieu de ces difficultés. Et il peut se présenter maintenant au monde avec son œuvre, avec ses réalisations actuelles et, surtout, avec l’espoir de ce qu’il se propose de faire.
De quoi a besoin la Révolution ? De quoi a besoin notre peuple ? De paix ! Que veut notre peuple ? La paix! Il en a besoin pour travailler, pour progresser, parce qu’il a du pain sur la planche pour liquider la pauvreté qu’on lui a laissée, pour atteindre le niveau auquel il aspire, pour exploiter ses extraordinaires ressources naturelles. Or, cette paix et cette sécurité, nous ne les avons jamais eues. En effet, si nous avons investi beaucoup d’énergie et de grandes ressources en éducation, en santé, en économie, nous avons aussi été contraints, à cause des impérialistes, de dépenser de grosses ressources des ressources extraordinaires en hommes et en équipements pour garantir notre sécurité, notre défense. De plus, nous n’avons jamais cessé de vivre sous la menace de sabotages, d’infiltrations, d’attaques indirectes et d’attaques directes.
Quand les impérialistes croyaient pouvoir détruire la Révolution par une simple campagne de presse réactionnaire qui encouragerait la subversion dans notre peuple ou qui alors le démoraliserait, ils l’ont fait et ils ont échoué. Quand ils ont cru que des agressions économiques suffiraient pour faire s’effondrer la Révolution – suppression de nos contingents d’exportations de sucre aux USA, embargo sur leurs exportations de pièces détachées et de matières premières – ils l’ont fait et ils ont échoué. Quand ils ont cru que les sabotages et la subversion pourraient détruire la Révolution, ils l’ont fait et ils ont échoué. Quand ils ont cru qu’en organisant une invasion de mercenaires qui s’emparerait d’une partie de notre territoire national et leur permettrait de lancer une guerre de destruction et d’usure, qui nous aurait coûté des centaines de milliers de vies, ils parviendraient à détruire la Révolution, ils l’ont lancée et ils ont échoué. Tel est pris qui croyait prendre (applaudissements).
Ils avaient renversé de nombreux gouvernement par ces armes-là, par ces procédés-là. Coups d’État, subversion, invasions de mercenaires, dont l’antécédent le plus immédiat avait été l’invasion du Guatemala, dans le cadre d’une action similaire. Mais, à leur grand dam, sans qu’il puisse se l’expliquer, leurs forfaits ont échoué les uns après les autres, leur philosophie s’est effondrée, leurs campagnes d’intoxication, insidieuses, calomnieuses, les mensonges systématiquement instillés au peuple étasunien, se sont cassés le nez sur une réalité.
Comment se pouvait-il que les puissants Yankees, le Pentagone, la CIA, le Congrès, le département d’État, le pouvoir exécutif des États-Unis ne parviennent pas détruire cette Révolution ? Comment se pouvait-il que les puissants impérialistes ne parviennent pas à liquider cette Révolution d’un petit pays ? Comment était-ce possible ? Comment était-ce possible que ce peuple-ci résiste ? Comment était-ce possible que cette Révolution-ci reste debout ? Elle ne faisait d’ailleurs pas que résister, que rester debout : elle prenait des forces, elle gagnait un appui et de la sympathie hors des frontières de ce petit pays-ci, sur tout le continent et même au-delà du continent américain. Avec sa mentalité de puissant et de réactionnaire, le monopoliste yankee n’y comprenait goutte. Comment tant de revers, tant de coups, tant d’échec étaient-ils possibles ?
Ces échecs ne leur apprenaient rien. Même pas qu’ils menaient une politique stupide vis-à-vis de notre patrie ! Même pas que leurs agressions, leur hostilité donnaient des fruits inutiles ! Même pas que la dignité du peuple cubain était invincible ! Alors, donc, ils n’ont rien appris. C’était d’ailleurs impossible qu’ils apprennent : c’était la première fois dans leur histoire de pirates et de flibustiers, de gendarmes et de tueurs sur ce continent, qu’ils se retrouvaient devant un cas comme celui de Cuba. Avant, ils n’avaient jamais eu un problème comme celui de Cuba.
Est-ce qu’ils ont eu l’occasion de s’amender ? Oui, ils l’ont eue. Le président étasunien a eu l’occasion de rectifier. Quand il est entré à la Maison-Blanche, j’ai exprimé l’espoir, au nom de notre peuple, qu’il rectifierait les erreurs passées, qu’il rectifierait la politique passée.
Était-ce logique d’espérer que le représentant du régime des monopoles rectifierait ? Oui, c’était logique. Au nom d’une politique intelligente, le président d’un pays aussi puissant que les États-Unis aurait renoncé à cette lutte sans gloire, à cette politique d’agression criminelle et lâche menée contre notre patrie. En effet, ce n’est pas intelligent d’engager des batailles qu’on ne va pas gagner, ce n’est pas intelligent de prendre à son compte la politique de l’administration précédente et de s’enferrer dans une lutte qu’il était appelé à perdre. Il aurait été intelligent de saisir la réalité, de ne pas sous-estimer notre peuple, de ne pas sous-estimer notre Révolution, de comprendre que les États-Unis s’étaient lancés dans une guerre qu’ils n’allaient pas gagner, dans une lutte qu’ils allaient perdre.
S’ils se sont lancés dans cette guerre et qu’ils l’ont perdue, c’est leur faute, pas la nôtre. S’ils ont poursuivi cette politique erronée qui a représenté pour le président des États-Unis un sérieux revers, un sérieux discrédit, c’est leur faute, pas la nôtre. Ils ont voulu nous détruire, et tout ce que nous avons fait, nous, c’est nous défendre et ne pas nous laisser détruire (applaudissements).
Cette politique-là, c’est leur faute à eux ; se lancer contre nous dans une lutte sans gloire qu’ils n’ont pas gagnée et qu’ils ne gagneront jamais, c’est leur faute à eux (applaudissements).
Et quand les dirigeants d’un pays aussi puissant que les États-Unis se lancent dans une lutte contre un pays aussi petit que le nôtre, mais qu’ils ne pourront jamais vaincre, il est logique que leur politique maladroite les discrédite.
Ils ont recouru à tous les procédés, ils se sont trompés, ils ont échoué.
Plus ils comprennent qu’il leur sera toujours plus impossible d’écraser notre Révolution, plus ils se désespèrent et plus ils sont furieux.
Discuter, faire appel à la logique ? Est-ce par hasard que les impérialistes ont de la logique dans leurs arguments ? Est-ce que par hasard les impérialistes utilisent d’autres arguments que ceux qui découlent de leurs conceptions de pirates et de bandits ? Est-ce que par hasard les impérialistes ont une autre raison que la force, la menace, l’agression ? Au nom de quelle raison, de quelle logique peuvent-ils défendre devant le monde leur position face à Cuba ? Comment peuvent-ils prétendre que, devant leur politique d’agression et d’hostilité permanente, Cuba n’essaie pas de se défendre, que Cuba ne se défende pas, que Cuba ne soit pas prête à se défendre jusqu’à la dernière goutte de son sang, que Cuba ne soit pas disposée à prendre les mesures qu’il faut pour se défendre ? (Applaudissements.)
Face aux ennemis qui voulaient nous détruire, est-ce que par hasard notre obligation était de mettre la tête sur le billot, sous le tranchant de la hache impérialiste, de ne pas nous défendre, de ne pas adopter toutes les mesures nécessaires pour nous défendre, pour garantir ce dont nous avons besoin : la paix et la sécurité pour travailler, la paix et la sécurité pour travailler à une destinée meilleure ?
Au nom de quelle logique les impérialistes, qui organisent des sabotages, la subversion, des attaques lâches et criminelles, des invasions mercenaires, peuvent-ils prétendre que nous n’ayons pas le droit de nous défendre ? Ils parlent de leur sécurité. Ah ! et la nôtre, elle compte sur du beurre? Ils ont droit à la sécurité. Et nous, alors ?
Leurs sénateurs, leurs directeurs de journaux n’arrêtent pas d’invoquer la sécurité des États-Unis. Comme si un autre peuple, ce peuple-ci situé de l’autre côté de la mer, de l’autre côté du détroit de la Floride, n’avait pas le droit de penser à sa sécurité, de s’en préoccuper ! Ils disent que nous menaçons leur sécurité, comme si nous n’avions pas le droit, nous, de dire qu’ils menacent la nôtre ! (Applaudissements.)
Ils crient sur tous les toits qu’ils ont le droit de prendre toutes les mesures pour protéger leur sécurité ? Et nous, alors, nous n’en avons pas le droit ! Ils affirment que nous sommes un danger à cent quarante kilomètres ? Et eux, ils ne sont pas un danger pour nous ! (Applaudissements.)
Nous, nous ne pouvons réclamer aucun droit d’envahir ce pays-là parce qu’il constitue un danger, et nous prendrions pour un fou ou pour un imbécile celui qui proposerait de le faire pour en délivrer notre pays. Sans parler de la logique, sans parler du droit, sans parler des normes qui doivent régir les relations entre les peuples, quel que soit leur taille, quel que soit leur pouvoir. Et pourtant, là-bas, on ne prend pas pour un fou, on ne passe pas la camisole de force, on n’envoie pas à l’asile ces messieurs qui proclament qu’il faut envahir notre pays au nom de la sécurité des États-Unis, et qui exhortent à le faire. Et pourtant, là-bas, on considère ça comme quelque chose qui coule de source, alors que ça ne peut relever que du fait qu’il s’agit d’un pays puissant, que ça ne peut relever que de la philosophie de la force, de l’esprit de tueurs, de bandits, de pirates, de flibustiers qui inspiret les hommes publics dans ce pays-là ! (Applaudissements.)
On n’y envoie à l’asile de fous aucun de ces sénateurs qui réclament le blocus aérien et naval, autrement dit un acte de force, un acte de guerre. On n’y envoie à l’asile de fous – et Dieu sait s’il doit y en avoir ! – aucun de ces messieurs qui poussent à une invasion militaire contre notre pays, alors qu’ils le mériteraient bien. Parce que, même s’ils ne le croient pas, même s’ils ne le voient pas – ou alors s’ils font semblant de ne pas le voir – ce qu’ils réclament est tout simplement absurde, idiot, insensé. Qui plus est, réclamer une agression contre Cuba est devenu un slogan démagogique des politicards à la veille d’élections. Les discours tenus au Congrès des États-Unis donnent une idée de l’insanité régnant dans ce pays, du chaos qui y règne, de l’irresponsabilité des hommes publics de ce pays qui jouent à la guerre, qui jouent avec le feu, et qui exposent notre pays, leur propre peuple et le monde entier aux conséquences de leurs propositions absolument absurdes !
L’irresponsabilité y est telle qu’ils ont converti le problème cubain en un instrument de la politicaillerie interne pour berner encore plus ce pauvre peuple. Et ils n’hésitent pas à porter l’hystérie à des degrés inouïs, à essayer toutes sortes de pressions à des fins politicardes, à exercer des pressions sur l’administration en place pour qu’elle lance enfin une attaque contre notre pays.
Ils parlent une langue que nous ne comprenons pas, une langue que nous ne comprendrons jamais : celle de la menace, de la force, du chantage. Ils disent que nous sommes un danger d’agression… Eh ! bien, ils disent des âneries, parce que nous ne constituons un danger d’agression pour personne. C’est tout bonnement ridicule, absurde.
Ils parlent comme s’ils étaient les maîtres du monde, comme s’ils étaient les seigneurs de ce continent et comme si, par-dessus le marché, ils pouvaient dicter notre conduite. Ce langage, messieurs les dirigeants des États-Unis, nous ne le comprenons pas ! (Applaudissements.)
Les mesures que prend notre patrie en vertu de sa souveraineté légitime et imprescriptible, elle les prend sans demander des instructions à Washington, sans faire cas des avertissements de Washington, sans écouter des ordres de Washington ! Notre pays a pris et prendra autant de mesures qu’il faudra dans le cadre que lui offre le droit international et au nom de ses prérogatives de nation souveraine, pour garantir sa sécurité face aux menaces d’agressions impérialistes.
Nous n’avons même pas à prendre la peine de vérifier les visées agressives de l’impérialisme yankee : il suffit de lire la presse yankee, de lire les dépêches de presse des États-Unis, de lire les discours de leurs sénateurs, pour que les visées agressives des impérialistes sautent aux yeux du monde entier. Ils ne prennent même plus la peine de nier ces visées. Non ! Ils les proclament publiquement aux yeux du monde !
Que prétendent-ils donc ? Que nous ne défendions pas ! Que prétendent-ils donc ? Que nous ne fassions pas ce qu’il faut pour nous défendre, pour garantir notre sécurité ! (Applaudissements.) S’ils le prétendent, ils prétendent quelque chose d’absurde, quelque chose d’impossible, parce que notre peuple n’est pas né avec une âme d’esclave ni avec une âme de lâche ! (Applaudissements.)
Notre peuple est le descendant légitime de ces mambis qui n’ont pas hésité à faire face au puissant empire espagnol ; notre peuple n’a jamais hésité, à aucun moment de son histoire, à faire face aux difficultés les plus grandes, aux pires dangers ; notre peuple n’a pas hésité hier, alors qu’ils étaient sans armes, à faire face à la puissante armée de la tyrannie de Batista ; notre peuple et ses dirigeants n’ont pas calculé les obstacles, ni les dangers, ni le pouvoir des ennemis, ils font fait face courageusement et ils ont remporté la victoire ; notre peuple et ses dirigeants n’ont pas hésité à faire face aux énormes difficultés qu’impliquait l’attitude agressive et hostile d’un gouvernement appuyé par un autre aussi puissant que celui des États-Unis.
Ils se trompent s’ils croient nous impressionner par leurs menaces ! Ils se trompent s’ils croient que, du fait de leurs menaces, nous allons nous résigner au rôle de tendres agneaux ! Ils se trompent ! Et, à parler franc, nous ne voulons pas qu’ils se trompent. Jusqu’ici, ils se sont trompés à chaque fois, et leurs erreurs ont eu des conséquences chaque fois pires pour eux. Toutes les mesures qu’ils ont adoptées contre nous ont fait fiasco, et nous ne souhaitons pas qu’ils prennent cette décision désespérée et stupide de nous envahir.
Cette histoire du loup et de l’agneau, ça ne marche plus ici (applaudissements). Nous ne sommes plus des agneaux ! (Applaudissements.) Que le loup ne se trompe pas ! Que le loup ne se trompe pas, parce que ce pourrait son ultime erreur ! (Applaudissements prolongés. Le public debout scande des slogans révolutionnaires.)
S’ils déclenchent une invasion contre notre patrie, leur action ne reposera sur aucune justification légale ou morale, sinon sur la loi brutale de la force, et elle ne se différencierait en rien de celle de la Pologne par Hitler en 1939. L’invasion de Cuba par des forces militaires étasuniennes ferait des impérialistes des hors-la-loi selon le droit international, de vulgaires violateurs du droit des peuples, des génocides, et ils mériteraient en ce cas d’être rayés de la carte du monde ! (Applaudissements.)
Nous avons dit à d’autres occasions que nous ne voulons pas que l’impérialisme se suicide à nos dépens. Nous affirmons en toute sincérité notre souhait de vivre en paix, notre souhait que le jugement sain et le bon sens le plus élémentaire président aux actes de ceux qui ont entre leurs mains les destinées des États-Unis.
Mais comme leurs discours menaçants contre nous méritent une réponse, notre réponse aux menaces de l’administration étasunienne et aux exhortations hystérique des sénateurs à une invasion est la suivante :
Nous, dirigeants de cette Révolution, nous sommes prêts à mourir aux côtés de notre peuple ! (Applaudissements.) Nous ne reculerons pas, nous ne reculerons pas, nous n’hésiterons pas, nous resterons fermes !
Et nous pouvons affirmer sereinement – sereinement ! – que nous sommes prêts à mourir à nos postes. Ce que nous ne savons pas en revanche, c’est si les membres du gouvernement étasunien, si les généraux du Pentagone, si ces sénateurs va-t-en-guerre contre notre patrie sont prêts à mourir à leur tour !
La Patrie ou la mort !
Nous vaincrons ! (Ovation.)