Discours prononcé par Fidel Castro pour le Neuvième Anniversaire de l’attaque de la Caserne Moncada, le 26 juillet 1962
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Messieurs les membres du corps diplomatique;
Délégations d’amis qui nous visitez ;
Travailleurs ;
Paysans ;
Étudiants ;
Vous tous, citoyens,
C’est voilà neuf ans, en une journée pareille, qu’éclatèrent dans cette ville les premiers tirs de la lutte contre le régime militaire et réactionnaire de Fulgencio Batista, un gouvernement qui était l’expression la plus exacte du système politique de corruption et d’exploitation qui avait toujours existé dans notre pays depuis que les États-Unis étaient intervenus à la fin de notre guerre d’Indépendance.
Le 26 juillet a marqué la dernière étape, l’étape définitive de la bataille pour l’indépendance nationale que notre peuple livrait depuis 1868. Voilà pourquoi pour nous, travailleurs et paysans, cette commémoration ici, à Santiago de Cuba, suscite une émotion profonde.
Cette province d’Oriente évoque justement les souvenirs les plus glorieux de notre histoire : c’est ici, dans cette province, que le Cri de Yara a été poussé ; c’est ici, dans cette province, que la Protestation de Baraguá a été présentée ; c’est d’ici, de cette province, que sont parties les troupes qui, sous Antonio Maceo et Máximo Gómez, ont porté la guerre de libération jusqu’aux confins de Pinar del Río (applaudissements) ; c’est ici, dans cette province, que gisent les restes glorieux de notre Apôtre, tombé à Dos Ríos (applaudissements).
Pour nous, les hommes de cette génération-ci qui avons eu le privilège de participer à cette lutte définitive de notre peuple, la province d’Oriente évoque des dates d’une importance extrême dans notre Révolution, en premier lieu, celle du 26 juillet, mais aussi le 30 novembre, le 2 décembre et le 1er janvier (applaudissements) ; des noms comme Abel Santamaría, Frank País, Renato Guitart, Ciro Redondo (applaudissements), toute une liste interminable de héros qui sont tombés pour le triomphe de notre peuple. D’où la signification de cette date et notre intérêt de fêter ce quatrième 26 juillet depuis le triomphe de la Révolution dans cette province-ci (applaudissements).
Mais pourquoi tant de gens se réunissent-ils ici (applaudissements). Pourquoi, en la quatrième année du triomphe révolutionnaire et à neuf ans de l’attaque de la caserne Moncada, le peuple se réunit-il en un jour pareil ? Car le problème des organisateurs de ce meeting, ce n’était pas de faire venir les gens ici, mais de trouver assez de moyens de transport pour amener ici tous ceux qui voulaient venir (applaudissements). Et leur préoccupation, c’étaient tous les mécontents de ne pas pouvoir venir, autrement dit beaucoup de gens (applaudissements). Mais il y a à ça une explication que vous, hommes et femmes du peuple, comprenez très bien.
Vous savez bien que ce n’était pas comme ça avant (Cris de : « Non ! ») Vous savez qu’avant les politiciens devaient faire venir les gens à coups d’argent. Vous savez qu’ils devaient distribuer de l’argent et du rhum pour réunir des gens à leur meeting.
Pourquoi n’est-ce plus pareil avec la Révolution ? Pourquoi la Révolution ne doit-elle pas distribuer du rhum, mais l’interdire le 26 juillet ? (Exclamations.) Pourquoi la Révolution ne doit-elle pas distribuer de l’argent pour que des centaines de milliers de gens se réunissent à Santiago de Cuba (Exclamation de : « Nous vaincrons ! Nous vaincrons ! ») Vous-mêmes venez de donner la réponse : parce que la Révolution, le peuple la sent au plus profond, parce que la Révolution est du peuple, parce que la Révolution est le peuple ! (Applaudissements.)
Les politiciens du passé, notre peuple les connaissait sur le bout des doigts. Et ce passé est trop récent pour que nous l’ayons oublié. La différence entre le passé et le présent nous touche de très près.
Les contre-révolutionnaires (Cris de : « Au poteau ! Au poteau ! »), les réactionnaires et l’impérialisme ne pourront jamais expliquer ça. Non, jamais ! Ils ne pourront jamais comprendre, aveuglés par la haine, pourquoi le peuple appuie la Révolution.
Et c’est précisément le peuple qui est réuni ici, les grandes masses de notre pays, ceux qui bossent dur, ceux qui gagnent leur pain à la sueur de leur front (applaudissements).
Les exploiteurs, qui haïssent le peuple, n’ont jamais imaginé que le pays pourrait marcher sans eux, parce qu’ils ont l’ont toujours considéré comme organisé de façon que les grandes masses travaillent et soient exploitées par les minorités privilégiées. Non, ils n’ont jamais imaginé que le pays marcherait sans eux, et pourtant, il marche, il va de l’avant, il surmonte les obstacles, il se fortifie.
Les paysans de la Sierra Maestra, par exemple, sont réunis ici (applaudissements), et ceux de Baracoa et de Guantánamo (applaudissements), les travailleurs agricoles (applaudissements), les travailleurs urbains (applaudissements)… Bref, un peuple qui connaît son passé est réuni ici. Et ceux qui, avant, se trouvaient sans travail pendant sept ou huit mois (exclamations), et les paysans que les latifundiaires exploitaient sans pitié (applaudissements), et qui devaient frapper à la porte des politiciens pour trouver du travail au département des Travaux publics (applaudissements), et les travailleurs des fermes et des coopératives qui, avant, devaient mendier une journée de travail aux patrons et aux contremaîtres (applaudissements), les paysans qui sont maintenant propriétaires de leurs terres, de ces terres qu’ils ont dû cultiver au prix de tant de sacrifices, de ces terres qu’ils ont dû semer de café pendant des années, travaillant tantôt comme détenteurs précaires sur le lopin, tantôt, bien souvent, juste pour subsister, ou pour cinquante centimes, ou pour un peso (applaudissements), et qui peuvent maintenant se consacrer entièrement à la culture de leurs terres grâce à l’aide que leur apporte le Gouvernement révolutionnaire (applaudissements).
C’est tout un peuple qui est réuni ici, un peuple qui a connu la faim, le chômage, l’analphabétisme, la discrimination, l’humiliation, les mauvais traitements, l’abus de pouvoir, le passage à tabac (réactions), l’exploitation (réactions), le vol (réactions), le mensonge des politiciens (réactions), la politicaillerie (réactions), le jeu, le vice, le désespoir.
C’est tout un peuple qui est réuni ici, un peuple où il n’y avait pas d’espoir, ni pour lui, ni pour le frère, ni pour l’épouse, ni pour les parents, ni pour les fils (applaudissements et réactions). C’est tout un peuple qui est réuni ici, qui savait ce qu’étaient les campagnes sans école et sans maîtres, sans médecins et sans hôpitaux, qui savait que pour être hospitalisé, il fallait obtenir la faveur d’un politicien (réactions). C’est tout un peuple qui est réuni ici, qui savait qu’il devait dormir couché par terre à l’hôpital, qui savait que le pauvre n’aurait jamais l’espoir de faire des études, ni même de recevoir de bons soins médicaux, qui n’avait aucun espoir qui l’aide à vivre, aucun espoir de trouver du travail, qui n’avait aucun avenir.
Ce qui importe, ce n’est pas tant ce que la Révolution a fait jusqu’ici pour le peuple que le fait qu’elle a mis fin à l’humiliation dans laquelle il vivait, au désespoir dans lequel il vivait, au manque de dignité où il était contraint de vivre. La Révolution signifie pour notre peuple des conditions de vie très différentes, mais surtout l’espoir en l’avenir (applaudissements).
Quand les travailleurs des sucreries voyaient leurs enfants grandir, ils se demandaient : « Quel avenir les attend ? » Quand les détenteurs précaires voyaient leurs enfants grandir, ils se demandaient : « Quel avenir les attend ? » Quand les hommes et les femmes des villes, les travailleurs urbains voyaient leurs enfants grandir, ils se demandaient : « Quel avenir les attend ? » Et il n’y avait pas de réponse à cette question sur l’avenir des enfants. Et maintenant, oui, cette question a une réponse ! (Applaudissements.) Une réponse pour tous les travailleurs, pour tous les paysans, pour toutes les familles. Tous savent maintenant que l’éducation de leurs enfants est assurée, que leur santé est assurée, et l’avenir aussi, que leurs enfants ont des écoles, qu’à la fin du primaire, ils peuvent entrer dans le secondaire ou dans une école technique (applaudissements). Aujourd’hui, n’importe quelle famille, aussi modeste qu’elle soit, sait que ses enfants, qu’ils soient deux ou dix, ou six, ou quinze, ou même dix-sept, comme cela arrive parfois, peuvent devenir ce qu’ils se proposent, médecins, ingénieurs, ouvriers qualifiés. Tout ce qu’ils se proposent, parce que la Révolution leur offre justement toutes les chances (applaudissements).
Quel était leur avenir avant ? Quel était l’avenir des enfants d’un paysan qui possédait treize hectares de terre, ou la moitié, et qui avait huit ou dix enfants ? Quel était l’avenir des enfants des travailleurs du sucre dans une sucrerie, qui n’avait pas changé depuis trente ou quarante ans et où il n’y avait pas un seul emploi de plus ? Quel était l’avenir des enfants des ouvriers du bâtiment qui étaient sans travail ? Quel était l’avenir des enfants de tant de pères de famille qui n’avaient pas d’emploi ? Quel était leur avenir ? La misère, l’exploitation, la corruption, travailler pour les riches, ou si c’étaient leurs filles, servir de bonnes aux riches. Car de nombreuses familles modestes n’avaient pas d’autres solutions que de placer toutes leurs filles comme bonnes chez les riches.
Avant, seuls les enfants d’une minorité privilégiée, qui exploitait notre peuple, pouvaient faire des études. Aujourd’hui, ce droit des riches d’avoir un bon médecin, un bon médicament, un bon hôpital, une bonne école, une université, n’importe quoi pour leurs enfants, c’est tout le peuple qui l’a ! (Applaudissements et réactions.)
Bien entendu, si j’ai souligné ce point, c’est en pensant à l’avenir plutôt qu’au présent. Certes, la Révolution a signifié beaucoup de choses, pour le présent. Pour le paysan, par exemple, en plus de la terre, le libérer du fermage, des expulsions et de tous les abus qu’on commettait contre lui. Le libérer de la police montée rurale était l’un des meilleurs avantages que pouvaient recevoir les paysans ! (Applaudissements.) Et les ouvriers ? Les délivrer de cette plaie des parasites, de cette plaie des abuseurs, était déjà pour eux un gros bénéfice que leur offrait la Révolution. Rien que pour ça, le peuple était prêt à n’importe quoi !
Mais la Révolution n’est pas que ça. Je ne sais si vous vous souvenez des politiciens. Vous devez vous souvenir au moins de certains (exclamations de « Oui ! »), de certains de ces gens-là qui se promenaient l’attaché-case plein de cartes électorales, ou alors qui allaient en compagnie d’un curé pour devenir les parrains des enfants et leur demander ensuite leur voix aux élections… Je suppose aussi que vous vous souvenez de ces élections, de toute cette politicaillerie. Oh oui !, vous aviez aussi des politiciens et des journaux bourgeois, des journaux des riches, qui réclamaient certaines mesures, par exemple, arrêter de voler, développer l’industrie, créer une marine marchande, fermer les casinos (remous dans l’auditoire). Certes, il y avait des politiciens qui réclamaient certaines réformes.
Et la Révolution ne s’est pas contentée de liquider la corruption, la contrebande, les casinos, les abus, les sévices, toutes ces choses-là. Une marine marchande ? Eh ! bien, la Révolution est en train de la créer. Des industries ? Eh ! bien, la Révolution a mis en route un programme d’industrialisation.
Mais où sont donc passés ces politiciens d’avant ? Que sont-ils devenus ? Où sont-ils donc partis et pourquoi ? Est-ce qu’ils sont partis parce qu’ici on vole ? (Cris de : « Non ! ») Pourquoi sont-ils partis ? Parce qu’ici on ne peut plus voler ! Sont-ils partis parce qu’ici il y a de la politicaillerie ? (Cris de : « Non ! ») Parce qu’ici il n’y a plus de politicaillerie ! Sont-ils partis parce qu’ici il y a du vice, des casinos, de la corruption ? (Cris de : « Non ! ») Non, ils sont justement partis à cause du contraire : parce qu’il n’y a plus de casinos, plus de vice, plus de corruption ! Ils sont partis parce qu’ici il n’y a plus de démagogie ! Ils sont partis parce qu’ici il n’y a plus de mensonge ni de démagogie !
Quand il y avait ici des crimes, des assassinats, des abus, des tabassages de paysans et d’ouvriers, et des injustices de toute sorte, quand ici on expulsait les paysans en mettant le feu à leur chaumière, ces politiciens ne partaient pas. Quand ici les casinos ont disparu, et le vice, la corruption, les sévices, le vol, la politicaillerie, la démagogie, le mensonge, le sans-gêne et le racket, alors, ils sont partis.
Qui se souvient des noms de ces politiciens ? Depuis combien de temps est-ce que nous n’entendons plus parler d’un seul d’entre eux ? Et pourtant ces gens-là pensent qu’ils vont rentrer pour gouverner de nouveau notre patrie ! Vous vous rappelez que certains étaient ennemis de Batista ? Eh ! bien, maintenant, ils ne le sont plus. Vous vous rappelez que certains étaient des ennemis de Chaviano, de Ventura, de Salas Cañizares et de tous ces gens-là ? Eh ! bien, maintenant, ils ne le sont plus. Ce n’étaient pas des ennemis pour de bon, mais des ennemis de blablabla. Tout dépendait de qui était au gouvernement, ou de qui était sénateur ou représentant, mais, dans le fond, ils étaient tous d’accord avec l’exploitation de l’homme par l’homme, avec l’exploitation des paysans. C’étaient tous, au fond, des ennemis des intérêts du peuple.
Et maintenant ces politiciens de tous ces partis bourgeois se sont unis aux politiciens de Batista, aux criminels de guerre, aux pires assassins, et ils croient que le passé peut revenir dans notre pays (Cris de : « Non ! »). Qu’en pensez-vous ? (Cris de : « Non ! ») Qu’en pensez-vous, vous les paysans, les travailleurs, les étudiants ? Croyez-vous que la police rurale peut revenir dans notre pays ? (Cris de : « Non ! ») Croyez-vous que les passages à tabac peuvent revenir dans notre pays ? (Cris de : « Non ! »)
Je souhaitais connaître votre opinion. Croyez-vous que la loterie illégale pourra revenir dans notre pays ? (Cris de : « Non ! ») Que tous ces jeux illégaux pourront revenir dans notre pays ? (Cris de : « Non ! ») Croyez-vous que les loyers vont atteindre les prix qu’ils avaient avant ? (Cris de : « Non ! ») Croyez-vous que la morte-saison pourra revenir dans notre pays ? (Cris de : « Non ! ») Croyez-vous que l’analphabétisme pourra revenir dans notre pays ? (Cris de : « Non ! ») Croyez-vous que l’absence totale d’écoles et d’instituteur dans nos campagnes pourra revenir dans notre pays ? (Cris de : « Non ! ») Croyez-vous que les politiciens qui devenaient millionnaires, les ministres qui volaient des millions pourront revenir dans notre pays ? (Cris de : « Non ! ») Croyez-vous que les usines vont revenir aux Étatsuniens ? (Cris de : « Non ! ») Croyez-vous que les terres des coopératives et des fermes pourront redevenir aux monopoles étrangers ? (Cris de : « Non ! ») Croyez-vous que les gens dont les biens mal acquis ont été saisis pourront s’emparer de nouveau de la richesse du pays ? (Cris de : « Non ! »)
Est-ce qu’un ouvrier devra obéir de nouveau aux ordres d’un patron ? (Cris de : « Non ! ») Est-ce qu’un paysan devra payer de nouveau un latifundiaire ? (Cris de : « Non ! ») Est-ce qu’il devra vendre de nouveau son café et son cacao à un intermédiaire ? (Cris de : « Non ! ») Est-ce qu’un ouvrier sera disposé à travailler de nouveau pour que les richards et les fainéants continuent d’envoyer leur argent à l’étranger ? (Cris de : « Non ! ») Et pour qu’ils continuent de s’en mettre plein les poches ? (Cris de : « Non ! »)
Quand un travailleur ou un paysan s’est-il baladé en Cadillac ? Quand a-t-il vécu dans une belle villa ? Quand est-il allé à Miami ? Quand est-il allé à New York ? Quand est-il allé à Paris ? (Remous dans la foule.) Y a-t-il un citoyen, un paysan ou un travailleur prêt à travailler de nouveau pour ces exploiteurs ? Un seul ? Y en a-t-il un qui ne comprenne pas aujourd’hui qu’il était exploité misérablement par ces riches ? Y en a-t-il un qui ne le comprenne pas ? Vous le comprenez tous ? Vous expliquez-vous pourquoi la morte-saison existait ? Vous expliquez-vous pourquoi la faim existait ? Vous expliquez-vous pourquoi il y avait des analphabètes ? Vous expliquez-vous pourquoi il n’y avait pas d’hôpitaux ? Vous expliquez-vous pourquoi il n’y avait pas d’écoles ? Pourquoi il n’y avait pas de routes ? Pourquoi il n’y avait pas de travaux publics ? Pourquoi il y avait tant de misère et tant de chômage dans notre pays ? Vous vous l’expliquez ? (À chaque question, réponse de la foule.) Tout simplement, parce que l’argent, c’étaient les sociétés étrangères qui l’emportaient, et les riches, qui le dépensaient dans le luxe, en promenades, en voyages ! Et c’est justement pour ça qu’il y avait tant de retard, tant de pauvreté, tant de chômage, tant d’inculture, tant de misère dans notre pays.
Est-ce que vous croyez que tout ça peut revenir ? (Cris de : « Non ! ») Est-ce que vous croyez que tous ces gens-là peuvent revenir ? D’abord, qu’est-ce qu’ils gouverneraient ici ? (Cris de : « Personne ! ») Comment ces gens-là peuvent-ils rêver de gouverner de nouveau ce pays-ci ? Ces gens-là ne se rendent-ils pas compte que cette Révolution ne fait pas marche arrière?
Ils verraient aussitôt que notre peuple ne les acceptera jamais plus. Toute cette ordure a été évacuée à jamais, toute cette ordure ne pourra jamais plus revenir dans notre pays, parce que ça va contre nos sentiments, contre nos intérêts, contre notre volonté. Mais ce n’est pas tout. Comment pourraient-ils revenir ? Est-ce que nous sommes par hasard pieds et poings liés ? Est-ce que nous sommes désarmés ? (Cris de : « Non ! ») Comment pourraient-ils revenir ? Comment pourraient-ils nous enlever les fusils que nous avons ? Comment pourraient-ils nous enlever les armes qui sont aujourd’hui aux mains du peuple ?
Et puis, comment pourraient-ils avoir l’espoir de revenir ? Voilà neuf ans, ils avaient tout ; voilà neuf ans, ils avaient une armée organisée et entraînée, ils contrôlaient tout l’argent du pays, ils contrôlaient toutes les usines, toutes les banques, toutes les terres, et le peuple n’avait rien pour se battre. Voilà neuf ans, nous avons dû lancer cette lutte avec des carabines et de fusils calibre 22, et avec des revolvers et des pistolets (applaudissements) ; voilà neuf ans, nous avons dû attaquer une caserne – qui est aujourd’hui une école – où il y avait tout un régiment, et nous étions à peine quelques-uns, et nous étions mal armés et nous n’avions pas de formation militaire ; et voilà six ans, nous n’étions de nouveau qu’une poignée, de nouveau mal armés, qui avons organisé les premières guérillas dans les montagnes, et eux, ils avaient des armées, ils avaient des dizaines de milliers d’hommes sous les armes, des chars, des avions, tous les millions de la république, et l’aide des impérialistes yankees… et ils ont été battus !
Est-ce que vous vous souvenez de ce qu’il s’est passé le 10 mars, quand Prío s’est réfugié dans une ambassade et qu’il a abandonné le pays ? Est-ce que vous vous en souvenez ? Est-ce que vous vous souvenez qu’ils sont tous partis en abandonnant le peuple ?
Le peuple ne les aimait pas, ça c’est sûr, mais il était du moins prêt à défendre la Constitution. Même si c’était une Constitution bourgeoise, et mauvaise, c’était mieux en tout cas que le coup de main militaire. Eh ! bien, ces gens-là se sont réfugiés dans une ambassade et ils ont abandonné le pays.
Après, Batista a dit qu’il avait une balle dans le canon (remous dans la foule). Pourtant, le 31 décembre – et nos troupes étaient encore à Santa Clara ! – il est monté dans un avion avec tous ses généraux et il s’est largué !
Et maintenant les partisans de Batista et de Prío se sont unis, et ils croient qu’ils vont pouvoir revenir ici avec l’appui des Étasuniens (Cris de : « Jamais ! ») Ils oublient l’histoire, ils oublient que ceux qui sont maintenant au pouvoir, ce sont ceux qui ont lutté, ce sont ceux devant qui ils ont pris la poudre d’escampette le 31 décembre, c’est le peuple ! (Applaudissements.) Ils oublient que ce peuple, qui a tout démarré avec quelques misérables fusils, a maintenant des armes de toute sorte, des armes modernes, puissantes, pour se défendre et pour combattre. Un peuple invaincu !, comme vient de crier ici un travailleur (applaudissements).
Comment peuvent-ils rêver de revenir ici pour enlever leurs terres aux paysans, pour tuer de faim nos ouvriers, pour laisser nos enfants sans écoles, pour ramener ici le vol, la corruption, le passage à tabac, les abus de cette société pourrie, abusive, exploiteuse ? Comment peuvent-ils rêver à ça ?
Eh ! bien, ils le croient pourtant ? Et les Étasuniens croient aussi pouvoir réimposer ces gens-là dans notre pays ! (Cris de : « Jamais ! »)
Ils croient pouvoir ramener ici les théâtres où ne pouvaient entrer que les Blancs, les plages où ne pouvaient aller se baigner que les riches. Ils croient pouvoir ramener ici la discrimination, l’humiliation et toutes ces choses-là. Ils le croient, et alors on se demande : sont-ils assez fous ou assez irréalistes d’imaginer revenir ici ?
En fait, ça arrive à toutes les classes exploiteuses quand elles perdent le pouvoir : leur haine de classe les empêche de voir la réalité. Et puis l’appui des impérialistes (Cris de : « Raul ! Raúl ! »), l’appui des impérialistes leur fait croire qu’ils vont pouvoir nous gouverner de nouveau par la force. (Cris de : « Jamais ! »)
C’est trop tard, voilà tout. C’est trop tard ! Mieux, ça a toujours été trop tard ! Dès le premier jour. Et c’est maintenant plus tard que jamais, comme vient de le dire ici un citoyen (applaudissements).
Cette lutte, ce sont nos ancêtres qui l’ont lancée en 1868, et qui se sont battus depuis. Vous êtes les descendants de beaucoup de ces mambis qui se sont battus dans ces campagnes d’Oriente, vous avez entendu parler des histoires, des prouesses, des exploits de nos mambis en 1868 et en 1895. Tous ceux qui vivent dans les montagnes, dans les campagnes de notre province, au nord ou au sud, connaissent cette histoire, et l’histoire de l’intervention des Yankees qui, une fois les Espagnols pratiquement vaincus, sont venus finir le boulot et qui n’ont même pas laissé Calixto García entrer dans cette ville-ci, à Santiago de Cuba. Après, ils ont fait la pluie et le beau temps ici.
Blocus contre les voleurs ? Non ! Blocus contre les criminels ? Non ! Blocus contre ces gangs d’exploiteurs, de discriminateurs? (Cris de : « Non ! ») Contre ces gens-là, pas de blocus, mais de l’aide ! De l’aide à ces gangs qui vendaient notre patrie, qui vendaient notre peuple et l’exploitaient au profit du gang étranger et de ses monopoles !
Les impérialistes yankees, ils n’ont jamais eu l’idée d’enlever le pétrole à Prío ou à Batista, ou de leur supprimer nos quotes-parts d’exportation de sucre, ou d’interdire les exportations depuis chez eux de pièces de rechange pour nos usines, pour nos camions, pour notre transport… Non ! Ils ont interdit d’exporter des pièces de rechange destinées au pouvoir des travailleurs, au pouvoir des paysans, parce qu’ils ne veulent pas de ce pouvoir-là, parce que ce pouvoir-là signifie un encouragement, un stimulant à la lutte des paysans et des ouvriers de toute l’Amérique latine, et alors, fini les monopoles yankees sur tout le continent ! (Quelqu’un dans la foule lui crie : « Et ça les empêche de dormir aussi. ») Oui, ça les empêche de dormir aussi… (Applaudissements.)
Donc, ils nous suppriment nos contingents d’exportation de sucre, ils nous suppriment le pétrole, ils interdisent l’exportation de pièces de rechange pour paralyser nos industries, nos bus, notre transport, ils boycottent nos ventes à l’étranger, ils organisent des gangs de criminels, ils paient ceux qui assassinent des instituteurs, des alphabétiseurs, ceux qui mettent le feu à des magasins, à des usines, ceux qui posent des bombes, ils les entraînent à tuer, à tuer des personnes âgées, à tuer des enfants. Voyez donc ceux qu’ils assassinent : des gens du peuple, des gens modestes. Ils assassinent des jeunes qui enseignent, des pêcheurs, comme dans la base de Caimanera, ils assassinent des miliciens, des soldats. Des soldats qui ne sont pas comme ceux d’avant qui commettaient des abus, qui volaient, qui tabassaient, qui prenaient pour eux la poule ou le cochon, qui persécutaient les familles modestes, non, les soldats de maintenant défendent leur patrie, ils ne volent pas, ils construisent une cité scolaire, ils coupent de la canne à sucre, ce sont des modèles, des exemples de citoyens (applaudissements).
Et ces gens-là continuent de torturer, comme on le faisait avant. Rappelez-vous les gens qui apparaissaient dans les caniveaux, assassinés, torturés. Et maintenant c’est Ascunce et le paysan Lantigua, lardés de coups de couteau par les criminels, torturés, et c’est le pêcheur, lui aussi torturé. Ceux de la base, ceux de Miami, ceux de New York, ce sont justement ceux qui torturaient ici avant, ou qui assassinaient quarante-cinq paysans dans une après-midi à Oro de Guisa, par exemple, ou à Peladero, ou ailleurs où ils tuaient des familles entières. Toujours les mêmes, toujours les mêmes assassins qui tuaient des gens du peuple. Au service de qui ? Des monopoles !
Quand le grand magasin de La Havane, El Encanto, appartenait à des millionnaires, qui dépensaient l’argent qu’ils gagnaient à l’étranger ou le plaçaient sur un compte à l’étranger, et pas comme maintenant où cet argent sert à fabriquer des usines, à distribuer des médicaments, à envoyer des instituteurs où à faire des chemins, personne n’avait l’idée de l’incendier !
Quand la Compagnie d’électricité appartenait aux États-Unis, il fallait voir comment les impérialistes la bichonnaient ! Mais maintenant qu’elle appartient au peuple, qu’il existe un programme pour doubler l’électricité dans le pays, alors ils veulent détruire notre énergie électrique !
Quand la canne à sucre appartenait aux latifundiaires, personne n’y mettait le feu. Mais maintenant, les avionnettes ou leurs agents le font, parce que les plantations appartiennent aux paysans, qui n’ont plus de rentes à payer, ou parce qu’elles appartiennent aux coopérateurs, ou alors quand il s’agit d’un centre de travail où les ouvriers travaillent toute l’année. Quand la morte-saison existait dans notre pays, personne ne pensait à incendier les plantations ; maintenant qu’elle n’existe plus, que tout le monde travaille, ils veulent les incendier.
Voilà comment ils agissent. Mais qu’est-ce qu’ils se croient ? Qu’est-ce qu’ils se croient ? Qu’ils vont faire peur au peuple ? (Cris de : « Non ! ») Qu’ils vont le terroriser ? Qu’ils vont l’obliger à se rendre grâce au blocus ? Qu’ils vont le faire plier ? (Cris de : « Non ! ») C’est avec des méthodes de ce genre qu’ils veulent nous ramener ici les Batista, les Chaviano, les Ventura, les Prío et tout ce gang de voleurs, de corrompus, de lâches et de prévaricateurs, qu’ils veulent nous contraindre à accepter de nouveau les matraquages, l’inculture, les abus, la morte-saison et toute cette vie insupportable que vivait le peuple. Voilà ce que croient les impérialistes et ces gens-là.
Mais le peuple dit tout simplement : « Non ! » Le peuple dit : « Ils ne passeront pas ! » Ils se sont déjà trompés au moment de Playa Giron, ils croyaient pouvoir détruire tous nos avions, s’emparer d’un morceau de notre territoire d’où ils pourraient bombarder nos communications, nos routes, nos voies ferrées, nos autobus, nos camions, nos villes… (Quelqu’un dans la foule crie : « Ils se sont cassé le nez ! ») Ils sont venus et ils sont tombés sur un os ! Et ils se sont trompés une fois de plus.
En tout cas, comment est-ce que nous devons agir devant des faits pareils, devant ces réalités ?
Paysans et ouvriers, nous sommes réunis ici pour fêter dignement le 26 juillet, pour honorer dignement la mémoire de ceux qui sont tombés voilà neuf ans, jour pour jour (applaudissements), pour rendre hommage à tous ceux qui sont tombés, depuis le premier soldat mambi tombé en 1868 jusqu’au dernier milicien assassiné par les impérialistes (applaudissements et vivats à Fidel), pour leur exprimer notre gratitude. Mais nous sommes aussi réunis ici pour savoir ce que nous devons faire maintenant, pour savoir quelle doit être notre attitude envers la patrie, envers la Révolution. Nous sommes réunis ici, nous et vous, hommes et femmes du peuple, hommes et femmes modestes du peuple qui avez entre vos mains le destin de la patrie, vous le peuple qui gouvernez aujourd’hui pour tracer votre propre destin, vous le peuple qui gouvernez aujourd’hui dans votre propre intérêt, vous le peuple qui travaillez pour vous et pour vos enfants, pour cette génération-ci et pour les générations futures (applaudissements).
La population d’Oriente, la population patriotique d’Oriente qui a toujours répondu présent (applaudissements), qui a toujours été à l’avant-garde de toutes les guerres de libération (quelqu’un dans la foule crie : « Et nous le serons toujours, Fidel ! »), qui a donné des milliers et des milliers de héros à la lutte pour la liberté de notre pays, la population d’Oriente, donc, se réunit aujourd’hui pour fêter le quatrième anniversaire, non d’une Révolution désormais conclue, mais d’une Révolution qui se bat, d’une Révolution qui, non seulement, n’est pas finie, mais au contraire qui commence à peine (applaudissements).
La population d’Oriente, toujours plus en garde, se réunit aujourd’hui pour se placer une fois de plus à l’avant-garde de l’offensive contre les ennemis de la Révolution (applaudissements), pour décider quoi faire face aux dangers qui menacent notre patrie, face aux difficultés auxquelles peut se heurter la Révolution.
Vous comprenez ce qu’est la Révolution, n’est-ce pas ? (Approbation dans la foule.) Vous savez ce que veut dire Révolution (approbation dans la foule), ce n’est plus un mystère, ou un secret pour vous.
Donc, nous devons savoir quoi faire. Chaque paysan, chaque travailleur, chaque étudiant, chaque soldat et milicien de notre patrie, en tant que partie d’un peuple révolutionnaire et discipliné, doit savoir comment agir, quoi faire à ce moment-ci de notre Révolution, comment faire face aux difficultés, comment s’opposer aux ennemis.
Le peuple, on ne berne plus par des mensonges, le peuple comprend le sens réel de chaque mot. Quand ils gouvernaient dans notre pays, les bourgeois parlaient de « liberté ». Quelle liberté ? Celle de tuer de faim les paysans et les travailleurs.
De quelle liberté le mendiant peut-il parler ? De quelle liberté l’analphabète peut-il parler ? De quelle liberté le chômeur peut-il parler ? De quelle liberté l’enfant sans école peut-il parler ? C’était quoi, ces libertés-là ? Des libertés bourgeoises. (Dans la foule, quelqu’un crie: « La liberté de demander l’aumône, Fidel ! ») Exact, la liberté de demander l’aumône, la liberté d’être misérablement exploité, la liberté pour bien des petites gens de se retrouver en prison, ou dans une maison de passe. Voilà les seules libertés dont les bourgeois pouvaient parler. La liberté pour les politiciens de prostituer la politique, de voler, de corrompre, de piller le pays. Mais ils ne trompent plus personne aujourd’hui.
Le peuple a beaucoup appris, la Révolution lui a dessillé les yeux. Bien des choses que je dis ici, ce n’est pas moi qui les dis, mais vous-mêmes. (Dans la foule, quelqu’un crie : « Mais il y a encore beaucoup à apprendre, Fidel ! ») C’est vrai, vous avez raison : nous avons beaucoup appris, mais nous avons encore beaucoup à apprendre.
Alors, je vais vous poser une question, vous voulez bien ? Vous allez me répondre sincèrement ? (Approbation dans la foule.) Combien de vous savaient ce qu’était une Révolution voilà quatre ans ? (Réponse : « Personne ! ») Que ceux qui ne le savaient pas lèvent la main ! (Tout le monde le fait.) Et maintenant, que ceux qui savent ce qu’est une Révolution lèvent la main ! (Tout le monde le fait.)
Autrement dit, nous voulions une révolution, mais nous ne savions pas ce que c’était, n’est-ce pas ? L’instinct nous disait que tout ça était mauvais, qu’il fallait balayer tout ça, mais nous ne savions pas comment.
N’allez pas croire que c’était seulement le peuple qui était dans ce cas. C’était aussi notre cas à nous. Nous, nous avions une idée, mais nous n’avions pas l’expérience que nous avons maintenant.
Quand nous avons organisé l’attaque de la caserne Moncada, nous avions pour la plupart entre vingt et trente ans. Après, une partie a été assassinée et l’autre partie s’est retrouvée en prison. Après, nous avons repris la lutte, nous sommes restés vingt-cinq mois dans la Sierra Maestra, et quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous continuions d’être pour la plupart des jeunes gens, avec un moyenne d’âge de trente ans ou peut-être moins.
Nous avions très peu d’expérience. Beaucoup de compagnons qui avaient plus d’expérience ou qui étaient plus âgés n’avaient jamais eu l’occasion de vivre dans une révolution. Personne ne l’avait eue. Car la Révolution de 1933 contre Machado a été écrasée par l’impérialisme. Notre peuple avait eu l’expérience des guerres de 1868 et de 1895, mais il n’avait jamais eu celle du gouvernement.
Pensez un peu ! Nous venions de la Sierra Maestra. Là, oui, en vingt-cinq mois, nous avions appris à combattre les soldats, à tendre des embuscades, à encercler des troupes, nous avions appris à faire la guerre. C’est après que s’est posé un problème très difficile : comment gouverner le pays ! Pas d’organisation, un vieil appareil administratif… Il fallait tout faire à partir de zéro, et nous avions très peu d’expérience.
Mais nous n’avons jamais dit que nous savions, vous vous rappelez ? Nous avons dit que nous étions comme au moment où nous avions débarqué du Granma, vous vous rappelez ? (Approbation dans la foule.) Nous n’avons jamais trompé le peuple. Aucun de nous ne s’est présenté devant le peuple en grand homme d’État, en grand gouvernant. Non, nous avons dit : nous ne savons rien, mais nous allons apprendre ; nous ne savons pas grand-chose, mais nos intentions sont bonnes ; nous ne savons pas grand-chose, mais nous voulons travailler pour le peuple ; nous ne savons pas grand-chose, mais nous voulons nous acquitter de notre devoir envers le peuple, lui être fidèles, lui être loyaux (applaudissements). Et ça, nous l’avons fait ! Nous avons été solides, nous avons été fidèles, nous avons été loyaux au peuple, nous avons travaillé pour lui. Nous n’avions pas beaucoup d’expérience, mais nous avions en revanche une très grande volonté d’aider le peuple (applaudissements).
Nous, il nous est arrivé pareil qu’à vous. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas dire que nous savons beaucoup, mais nous en savons plus, en tout cas. Tout comme vous, qui ne saviez pas ce qu’était une révolution, tout comme beaucoup d’entre vous qui ne saviez pas ce qu’était le socialisme. D’ailleurs, on avait fait peur au peuple avec ce mot ! Vous croisiez un paysan qui payait une rente, qui avait faim, et vous lui demandiez : « Dis donc, tu es d’accord pour qu’on fasse une réforme agraire, pour qu’on confisque les terres du latifundiaire, tu es d’accord pour ne plus payer de rente ? » Oui, vous répondait-il. « Tu es d’accord pour que toutes ces terres qui sont aux Américains reviennent à notre pays, et toutes ces sucreries ? » Oui, vous répondait-il. « Tu es d’accord pour qu’on diminue les loyers, pour qu’on ouvre des écoles, pour que tous ces banques, au lieu d’appartenir à des gens qui prêtent à un taux d’intérêt très élevé, appartiennent à l’État ? » Oui, vous répondait-il. « Qu’on élimine l’analphabétisme ? » Oui. « Qu’il existe une armée du peuple, un peuple armé ? » Oui. À tout, il vous répondait oui. « Alors, tu es d’accord avec le socialisme ? » Ah, ça non ! se récriait-il. Il avait peur du mot ! Il avait peur du mot !
« Tu es d’accord pour que cesse la discrimination ? » Oui. « Tu es d’accord que toutes les plages soient ouvertes au peuple ? » Oui. Il était d’accord sur tout, sur toutes les choses du socialisme. Mais quand vous lui demandiez s’il était d’accord avec le socialisme, il se récriait ! On lui avait fait peur, avec ce mot-là ! On avait fait peur au peuple, au citoyen lambda, on le maintenait dans l’ignorance, il était analphabète, il ne lisait que les journaux et les revues des bourgeois, il n’écoutait que la radio des bourgeois, et on lui avait flanqué la trouille du socialisme !
Maintenant, vous dites : « Nous comprenons mieux ce qu’est la Révolution. » Maintenant, vous savez ce qu’est le socialisme. Qu’est-ce qu’il prône d’abord, le socialisme ? Que celui qui ne travaille pas ne mange pas. Autrement dit, tout citoyen doit travailler. Qui donc a peur du travail ? Le paysan a peur du travail ? (Réactions dans la foule.) Il ne peut pas en avoir peur, parce qu’il n’a fait que ça toute sa vie. L’ouvrier a peur du travail ? (Réactions dans la foule.) Non. Pourquoi ? Parce qu’il n’a fait que ça toute sa vie: travailler. Qui donc a peur du travail ? (Cris de : « Les bourgeois ! ») L’exploiteur, celui qui a un poil dans la main, celui qui faisait ses comptes et encaissait, qui vivait sans rien faire, qui vivait de la sueur des autres. Si vous lui parliez du travail, à ce monsieur-là, c’est comme si vous lui présentiez le diable en personne : il en était terrifié !
Le socialisme, qu’est-ce qu’il établit, donc ? Que personne ne peut vivre du travail d’autrui. Un paysan, un ouvrier, est-ce que ça l’inquiète que vous leur supprimiez leur droit aux exploiteurs ? (Réactions négatives.) Est-ce que ça l’inquiète qu’il n’y ait plus de parasites (réactions négatives), plus de fainéants (réactions négatives) ? C’est qui que ça préoccupe ? Les fainéants, les parasites, les tire-au-flanc !
Maintenant, le peuple sait que le socialisme, ça veut dire ne pas dilapider les ressources, ne pas gaspiller l’argent, l’empêcher de fuir à l’étranger, ça veut dire organiser l’économie, la planifier, investir l’argent qui se gaspillait avant dans le luxe et les voyages dans des usines, dans des moyens de production, afin d’élever le niveau de vie de toute la population, d’élever la formation technique du peuple. Qui est-ce qui ne comprend pas ça ? Le peuple le comprend, et il est d’accord.
Maintenant les contre-révolutionnaires disent aux paysans: « Ça, c’est du socialisme, et on va te socialiser la terre. » Et nous, nous avons parlé très clairement au petit paysan, nous lui avons dit : « Ne crois pas ces contes à dormir debout. Oui, c’est du socialisme, mais ce n’est pas pour ça que nous allons te socialiser ton lopin de terre. Pourquoi ? Parce que toi, paysan, tu es un allié de la classe ouvrière ; parce que toi, petit paysan, tu n’exploites personne ; parce que toi, petit paysan, tu travailles avec ta famille et tu produis. La classe ouvrière ne t’enlève pas ta terre ; au contraire, elle t’offre des crédits, elle t’envoie des instituteurs, elle t’envoie des médecins, elle te construit des chemins, elle éduque tes enfants, elle t’achète tes produits, elle te paie de bons prix, elle s’efforce de te fournir tout ce dont tu as besoin à la campagne. » Voilà ce que l’ouvrier dit au paysan (applaudissements).
Que les latifundiaires prennent peur, soit ! Mais celui qui n’exploite personne, celui qui travaille, le paysan, celui-là, la classe ouvrière l’aide.
Un exemple. Il n’y a plus personne pour cueillir le café dans les montagnes. Pourquoi ? Parce que, comme la morte-saison a disparu, les gens qui en profitaient pour cueillir le café n’y vont plus, puisqu’ils travaillent maintenant toute l’année dans les exploitations et les coopératives. Alors, la classe ouvrière mobilise les lycéens et étudiants pour aider les paysans. L’an dernier, elle les a mobilisés pour leur apprendre à lire et à écrire. Cette année, elle va le faire pour aider les petits paysans à la cueillette du café.
Quand nous avons visité la Sierra Maestra, nous avons constaté qu’il y manquait des vêtements, des chaussures et d’autres articles. Et le Gouvernement révolutionnaire a pris aussitôt des mesures pour envoyer des vêtements et des chaussures dans les campagnes et dans les montagnes, et nous savons, grâce aux instituteurs bénévoles, qu’ils sont bien arrivés.
Voilà quelles sont les relations entre les ouvriers et les paysans. Ce qui explique pourquoi les paysans sont de si bons alliés des ouvriers, pourquoi ceux des montagnes d’Oriente ont apporté, en plus de milliers de soldats directs de l’Armée rebelle, vingt-cinq mille miliciens (applaudissements), qui se sont battus dans l’Escambray et dans toute l’île aux côtés des ouvriers et pour défendre les ouvriers. Ces paysans des montagnes sont donc les meilleurs alliés de la classe ouvrière, et c’est pour ça qu’on parle de l’alliance entre eux. Les paysans produisent des tubercules, du café, des articles, contribuent à notre économie, et les ouvriers les aident à leur tour. Les ouvriers les défendent, et eux défendent les ouvriers. Voyez donc quelle alliance ! (Applaudissements.)
Les petits paysans n’ont rien à craindre, ils n’auront jamais rien à craindre des ouvriers, parce que ceux-ci respectent leur volonté : qu’ils cultivent comme ça leur chante, en s’associant ou en ne s’associant pas. C’est comme ils veulent. La Révolution respecte ce droit des petits paysans.
Maintenant, il est difficile de berner un paysan de la Sierra Maestra, ou de Baracoa, ou du IIe Front, à plus forte raison s’il a été au contact des troupes rebelles pendant la guerre. C’est pour ça que ce paysan-là, aux côtés de la classe ouvrière, est un bastion imprenable de la Révolution.
Depuis la base de Guantánamo, les contre-révolutionnaires et l’impérialisme ont essayé à plusieurs reprises d’organiser des guérillas en Oriente, mais ils n’y sont pas arrivés. Ils n’ont pas pu ! Parce que ce qui les attend dans les montagnes, ce ne sont pas des amis ! (Réactions dans la foule.) Sans parler des plaines. Nous avons pu constater que les paysans ont une organisation militaire fantastique. Je peux vous assurer que ceux qui débarqueraient, par infiltration ou par un autre moyen, du côté de la Sierra Maestra n’attendraient pas les premiers contreforts ! (Applaudissements.) Et puis, ces paysans sont des fantassins formidables. Ces paysans marchent mieux que n’importe lequel d’entre nous, nous les citadins, parce qu’à peine vous faites une halte pour vous reposer un peu, eux ils ont pris deux kilomètres d’avance. Des fantassins formidables !
Voilà pourquoi les travailleurs doivent maintenir solidement cette alliance entre les ouvriers et les paysans. Les ouvriers font le maximum pour aider les paysans : éducation, médicaments, vivres, approvisionnements, crédits, outils, meilleurs prix. Cette alliance repose donc sur une base très solide.
Le socialisme, ça ne veut pas dire socialiser le petit paysan. Le petit paysan est libre de s’associer ou pas, il peut faire ce qu’il veut. C’est un travailleur qui travaille avec sa famille, il n’exploite personne.
Mais le socialisme, en tout cas, ça veut dire que le spéculateur, c’est fini ; le socialisme, ça veut dire que celui qui veut gagner de l’argent sans travailler, ou celui qui veut vivre du travail d’autrui, c’est fini ; que l’exploiteur, c’est fini. Des tas de gens ne veulent pas bosser dur, et veulent aussitôt monter une petite affaire, un étal, n’importe quoi…
Il y a encore bien des parasites dans notre pays, des bourgeois de la ville et des bourgeois de la campagne, qui sont copains entre eux. Les chaussures qui arrivent au magasin, le bourgeois les réserve pour ses amis les bourgeois ; les vêtements qui arrivent au magasin, le bourgeois les réserve pour ses amis les bourgeois (réactions dans la foule). C’était pareil avec les aliments. Maintenant, nous sommes mieux organisés. Avant l’instauration des livrets d’approvisionnement à La Havane, celui qui avait un protecteur « se sucrait ». N’est-ce pas vrai ? Autrement dit, les bourgeois s’entraidaient ; pas question d’aider les travailleurs.
Qu’est-ce que nous avons dû faire ? Eh ! bien, établir un rationnement. Pourquoi ? Ah !, pour que ceux qui ont de l’argent ne s’emparent pas de tout (réactions dans la foule), pour que les travailleurs aient quelque chose. Évidemment, avant, ce problème ne se posait pas, parce que le travailleur n’avait pas les moyens d’acheter là. Qui est-ce qui avait de quoi acheter dans un grand magasin ? Mais aujourd’hui, plus d’une personne de la famille travaille, il y en a parfois deux, trois ou quatre. Avant, il n’y en avait qu’un seul. Maintenant, les cinémas sont toujours pleins, les spectacles publics sont toujours pleins, tout est plein.
Bien entendu, si vous laissez ceux qui ont de l’argent se distribuer les marchandises entre eux, les travailleurs sont lésés. C’est ce qui explique le rationnement. Mais ce que nous avons fait pour les aliments, il faudra le faire pour d’autres produits, en donnant la priorité à ceux qui travaillent (applaudissements). Quels sont ceux qui doivent avoir la priorité pour acheter des vêtements et des chaussures ? (Réponse de la foule : « Ceux qui travaillent ! ») Ceux qui travaillent !
Le Gouvernement révolutionnaire distribue en ce moment cinq mille réfrigérateurs, sans passer par les magasins. Vous savez pourquoi ? Parce que, sinon, celui qui a de l’argent l’achète, et il se peut que le travailleur ne puisse pas le faire. Qu’est-ce qu’on fait, donc ? Passer par les syndicats pour distribuer aux travailleurs ces cinq mille frigos, pour que les bourgeois ne les achètent pas. Cinq mille. Si nous avions cent mille, bon, alors là ça serait différent… mais il n’y en a que cinq mille. Comme il n’y en a pas assez, il faut les vendre aux travailleurs. Et quand cinq mille autres arriveront, on les vendra de nouveau aux travailleurs (applaudissements), aux travailleurs organisés et aux paysans pauvres. Vous écoutez bien ? La préférence est pour les travailleurs organisés et les paysans pauvres, autrement dit les travailleurs et les petits paysans (applaudissements).
Qui est-ce qui proteste contre ça ? Quels sont ceux qui sont d’accord ? (Réactions dans la foule : « Tout le monde ! ») Nous sommes tous d’accord, hein ? Que ceux qui sont d’accord lèvent la main ! Ça veut dire qu’ici il n’y a pas de bourgeois (réactions dans la foule).
Voilà, nous devons organiser les choses dans notre pays de façon à avantager toujours plus ceux qui travaillent et toujours moins ceux qui ne travaillent pas.
Peut-être dirons-nous l’année prochaine : « Eh ! bien, pour aller à Varadero, il faut être travailleur ou paysan pauvre, petit agriculteur. » Et il se peut que nous organisions peu à peu tous ces endroits-là de façon que tous ces biens… Pour qui doivent-ils être ? Pour ceux qui travaillent, pour ceux qui travaillent pour la société. Que celui qui travaille à son compte, celui qui veut travailler pour lui, qui ne veut rien faire pour la société, l’ambitieux, l’égoïste…, eh ! bien, qu’il gagne tout l’argent qu’il veut, mais quand il ira à un centre touristique, aux bonnes plages, aux meilleures choses, on lui dira : « Réservé aux travailleurs ».
Je vais vous expliquer pourquoi. Le peuple a beaucoup plus d’argent que tout ce que nous pouvons produire pour l’instant, parce que des centaines de milliers de personnes ont commencé à travailler, et que les industries que nous avions ne suffisent pas à satisfaire toute la demande actuelle. Mais l’économie va se développer. À la fin de l’année prochaine, nous aurons terminé l’usine de réfrigérateurs, de radio, de cuisinières, notre première usine d’articles de ce genre. À qui allons-nous les donner ? Aux travailleurs. Mais comme le peuple a de l’argent, il faudra distribuer les choses de façon que ceux qui travaillent touchent toujours plus de bénéfices sociaux. C’est ça ce que veut dire le socialisme (applaudissements).
Il faut que vous compreniez toujours mieux ces choses-là. Au profit de ceux qui travaillent. Notre société doit être toujours plus une société de travailleurs et pour les travailleurs, et toujours moins une société de parasites et pour les parasites. Quels sont ceux qui s’y opposent ? Rien que les parasites (la foule lui fait écho). Quels sont ceux qui s’opposent à la justice ? Les parasites, qui veulent vivre à ne rien faire. Et nous n’avons pas à en avoir peur. Il y a même des gens qui regrettent les sociétés américaines. Bien entendu, parce que la société américaine leur offrait des privilèges, des avantages.
Tenez, hier, nous visitions un musée à la Gran Piedra. Dans d’anciennes caféières françaises, et parmi les choses en exposition, il y avait des fers à esclaves. Et vous êtes vraiment impressionnés de penser à ces hommes attachés à des fers et vous vous rappelez que, quand les esclaves se sont soulevés en Haïti, qu’Haïti s’est libérée, une bonne partie des grands seigneurs s’est enfuie et certains se sont installés ici en amenant leurs esclaves derrière eux. Autrement dit, certains esclaves ont préféré continuer de l’être. Alors que les esclaves s’étaient libérés dans leur pays, ils sont venus comme esclaves de leurs maîtres qui continuaient de les enchaîner.
Et je disais à quelqu’un qui était là : « Ça me fait penser à certains employés de la compagnie de téléphone. » Dans certaines de ces compagnies, vous aviez des employés type aristocrate, des employés qui avaient la même mentalité que ces esclaves qui sont partis avec leurs maître et avec leurs fers, des employés qui continuent d’adorer le chef yankee qui leur parlait dans un anglais petit nègre, qui frétillaient de la queue quand il les saluait, et qui le regrettent…
Il y a des gens qui travaillaient dans des compagnies de monopoles et qui faisaient un travail très facile, très commode. Pas comme couper la canne, bien entendu, ou travailler dans une carrière, ou sur un chantier. Un travail bien plus pépère. Il y a des emplois qui sont privilégiés par rapport à ceux d’un vrai travailleur. Tandis qu’il soutenait l’industrie sucrière et que l’industrie sucrière soutenait l’oisiveté et les luxes des riches, l’ouvrier agricole gagnait pourtant une misère tout en faisant le travail le plus dur, tandis que la compagnie s’efforçait d’attirer des travailleurs d’un autre genre.
Avec ces gens-là, il faut adopter une autre attitude : s’efforcer de les convaincre ; s’ils sont perdus, leur expliquer. Mais s’ils se dressent contre la Révolution, être énergiques ; s’ils se mettent à dire des âneries, les contrer et les démasquer (applaudissements).
La grande masse révolutionnaire des travailleurs et des paysans n’a rien à craindre de ces gens-là. En fait, elle n’a rien à craindre de personne : elle a fait face à l’armée, censément invincible, et elle l’a liquidée ; elle a fait face à l’impérialisme, et nous sommes toujours en vie. Ainsi donc, ceux qui sont perdus, ceux qui sont nostalgiques des chefs yankees et des maîtres yankees, de celui qui s’adressait à eux en anglais, qui sont nostalgiques du joug, il n’y a pas de raisons de les craindre : il faut les contrer, leur reprocher leur manque de civisme, leur manque de patriotisme ; il faut leur parler du passé, de ce qu’il y avait ici avant ; leur parler de nos campagnes, de l’ignorance, de l’inculture, des jeux, de tous les vices qu’il y avait ici. Leur dire : « Écoutez, la Révolution a fait ici ceci et ceci et ceci, et là, elle a fait cela, cela et cela. »
Il se peut, c’est sûr, que de nombreux révolutionnaires ne fassent pas bien les choses, car, je vous l’ai dit, quand nous sommes arrivés au pouvoir, personne ne savait rien, vous comprenez ? Et des tas de gens ont dû commencer à faire des choses dont ils ignoraient tout.
Mais il faut être toujours plus exigeants avec les gens, parce que la réponse : « Je ne savais pas » n’est plus valable maintenant. Aujourd’hui, alors que le peuple a tant appris, aucun fonctionnaire ne peut vous dire : « Je ne sais pas », parce que vous avez aussitôt vingt citoyens qui lui disent ce qu’il faut faire, vous comprenez ? (Applaudissements.)
Le pouvoir révolutionnaire lutte contre tout ce qui va mal. N’allez pas croire qu’il se tourne les pouces quand les choses vont mal, pas du tout. Nous luttons tous sans relâche pour corriger n’importe quel défaut, pour surmonter n’importe quelle difficulté, pour améliorer tout ce qui est mal fait. Mais nous ne sommes pas des magiciens, nous sommes des êtres humains, et nous devons nous battre pour que chacun s’acquitte de ses obligations d’une manière disciplinée.
Donc, nous nous battons contre les difficultés, contre le bricolage. Mais pas question de laisser le contre-révolutionnaire s’emparer de la rue. Non, la rue, aujourd’hui et à jamais, elle est aux révolutionnaires. La rue est à nous ! (Applaudissements.) Et la parole est à nous, et l’offensive aussi ! Quand le contre-révolutionnaire prend la parole, il faut le contrer (applaudissements et cris de : « Au poteau ! ») Non, non, il suffit de lui dire ses quatre vérités, sur-le-champ, sur-le-champ ! Pas la peine de poteau, non, non, pas la peine. Juste le contrer, ce contre-révolutionnaire bonimenteur, qui fait courir des rumeurs, qui cherche à démoraliser, qui fait partie de la cinquième colonne de l’ennemi…
Bien entendu, vous avez des gens qui se lèvent du pied gauche et qui disent ensuite n’importe quoi. Mais ne les confondez pas avec la vermine. Le type qui est de mauvaise humeur à un moment donné, ce qui arrive à tout le monde, n’est pas de la vermine. La vraie vermine, vous la reconnaissez à son allure, à sa façon de s’habiller, à ses mines, à son regard, à la haine qu’elle suinte… (Quelqu’un du public s’adresse à lui.) Quoi ? Non, celui qui met le feu aux plantations de canne, c’est autre chose. Ce n’est pas le charlatan dont je parle.
Non, je veux parler de la haine qu’on voit dans son regard. Vous n’avez jamais vu le regard de celui qui a perdu tous ses biens mal acquis ? (Réponse de la foule.) Vous avez vu la haine qu’il ressent quand il croise un Noir, ou un pauvre ? Quand il croise un travailleur, un paysan ? Quelle haine, quel mépris ! C’est à ça qu’on le voit. Le peuple sait faire la différence avec le râleur qui proteste à un moment donné…
Donc, les critiques, il faut faire sur les lieux de travail, dans les assemblées, dans les cellules du parti, dans les organisations de masse. Tout ce qui va mal, c’est là qu’il faut en discuter. Pas dans la rue, pas dans la rue, car les ennemis en profitent. Ce qui va mal, il faut en discuter dans les syndicats, dans les comités de base des organisations de masse, dans les cellules révolutionnaires, dans les salles de cours. C’est là qu’il faut en discuter. Dans la rue, en revanche, nous sommes des défenseurs de la Révolution.
La Révolution est l’œuvre de tout le peuple. Si elle a des défauts, c’est comme un fils qui en a. Nous voulons que la Révolution soit parfaite, mais une chose sont les critiques que lui font les révolutionnaires et une autre sont celles que lui font ses ennemis. Celles des ennemis, nous ne les acceptons pas. Les révolutionnaires critiquent pour surmonter les défauts, pour régler les problèmes, tandis que les contre-révolutionnaires critiquent pour détruire (applaudissements).
Mais la critique, il ne faut pas la faire seulement sur les lieux de travail, dans les organisations de masse, dans les syndicats. Les journaux révolutionnaires doivent aussi le faire. Et aucun administrateur ne doit se fâcher parce qu’on le critique ; il a le droit de répliquer, d’éclaircir les choses, d’expliquer les problèmes. Voilà les critiques que l’on fait dans les organes de presse de la Révolution, les critiques que les révolutionnaires se font entre eux. Les contre-révolutionnaires, non, parce que ce qu’ils veulent, c’est détruire ; ils ne critiquent pas pour aider, mais pour détruire, pour semer la démoralisation, le pessimisme, le découragement. Un révolutionnaire, quelqu’un du peuple, un travailleur, un paysan ne doit jamais se laisser démoraliser par un contre-révolutionnaire, par un mensonge, par une intrigue, il ne doit jamais se taire face à un contre-révolutionnaire (applaudissements), parce que ce genre d’individu est pareil à celui qui, pendant la guerre, abandonne sa position en cas de danger et s’enfuit en essayant d’entraîner les autres.
Les travailleurs et les paysans doivent avoir une morale de travailleurs et de paysans. Les bourgeois croient que les travailleurs et les paysans sont des ignorants et qu’on peut leur faire gober n’importe quoi, alors qu’ils ont trop appris pour que les bourgeois leur fassent avaler des couleuvres.
Il faut faire confiance à la Révolution, il faut faire confiance au peuple, aux masses ; malgré toutes les difficultés, malgré tous les inconvénients, malgré tout ce qui peut aller mal, parce que, contre tout ça, nous nous battons sans trêve, et nous devons le faire, les choses iront toujours mieux.
N’importe qui d’entre vous comprend que c’est inévitable partout où il y a un mauvais administrateur, et ça se passe à beaucoup d’endroits ; dans quelques années, nous aurons des milliers d’administrateurs formés dans les écoles de la Révolution, et qui sauront aborder les problèmes, traiter les ouvriers, des milliers d’administrateurs issus de la classe ouvrière.
Tous ces problèmes seront alors réglés. Mais le travailleur et le paysan doivent être fermes et énergiques face à leurs ennemis de classe et aux agents de l’impérialisme – fermes et énergiques ! – devant ceux qui veulent nous ramener au passé. Guerre à quiconque veut nous ramener au passé ! Guerre à quiconque veut faire faire marche arrière à notre patrie ! Guerre à quiconque veut nous ramener à l’esclavage !
Hier, parlant des fers d’esclaves, je pensais que quand on prônait la liberté des esclaves, les bourgeois s’exclamaient : « Non, impossible, le pays courrait à la ruine. » Ils parlaient alors du péril noir, pour faire peur, et ils disaient : « Pas de liberté pour les esclaves, parce que le péril noir va s’instaurer ». Maintenant, ils parlent du péril rouge. Autrement dit, pour pouvoir s’opposer à la liberté des hommes, ils semaient la peur du Noir ; aujourd’hui, ils sèment celle du socialisme et du communisme. Pour s’opposer à quoi ? À la liberté des esclaves. Avant, ceux qui étaient des esclaves avaient des fers aux pieds, mais certains n’en avaient pas et n’en étaient pas moins esclaves, comme les paysans qui devaient payer avec la moitié de leur production, ou les travailleurs qui touchaient cinquante centimes ou un peso en travaillant pour des latifundiaires.
Donc, quand nous, nous parlons de la liberté des esclaves, quand nous, nous parlons de justice, eux, ils tentent de semer la peur. Et vous aviez des gens qui étaient sans doute si corrompus et si avilis qu’ils préféraient ce régime d’esclavage, qu’ils préféraient le capitalisme ; et vous aviez même des gens qui étaient si avilis, alors qu’ils étaient fauchés comme les blés, qu’ils préféraient le capitalisme ! Comme le chien soumis que vous traitez à coups de pieds et qui continue de vous lécher les bottes (réactions dans la foule).
Quelqu’un de digne, le travailleur et le paysan, n’a pas cet esprit de soumission. Ce sont ceux qui défendent le capitalisme et les gringos capitalistes qui ont cet esprit de soumission !
Voilà pourquoi il faut organiser des cercles d’études, organiser les écoles, ce qui est déjà fait, utiliser tous les écoles d’instruction révolutionnaire, il faut, comme le disait Raúl, « s’armer de munitions pour le cerveau ». Il faut apprendre, il faut étudier, il faut lire les journaux, il faut lire la presse révolutionnaire, les revues révolutionnaires, écouter les programmes révolutionnaires, et apprendre ! Pour savoir discuter avec nos ennemis, avec les parasites, avec la vermine, avec les chiens soumis et contre-révolutionnaires, avec les égoïstes ! (Applaudissements.)
Mais la Révolution, ce n’est que ça ? Le principal devoir du révolutionnaire, c’est de parler, de discuter ? Non ! (Dans la foule, quelqu’un crie : « Travailler ! ») Voilà, un ouvrier vient de le dire. Quel est le principal devoir du révolutionnaire ? (La foule répond : « Travailler ! ») Si nous voulons un avenir meilleur pour nos familles, si nous voulons avoir plus de logements, plus d’usines, plus de routes, plus de vêtements, plus de chaussures, plus d’aliments, plus de poisson, plus de viande, plus de volailles, plus d’œufs, plus de lait, plus de riz, plus de haricots, plus de tous ces articles, qu’est-ce qu’il faut faire ? On va attendre qu’on les produise à notre place ? Nous devons le produire nous-mêmes ! Si nous voulons plus, qu’est-ce qu’il faut faire ? Travailler !
Pour produire plus, il faut d’abord travailler. Mais pour que le travail humain soit productif, il faut deux choses : des instruments de travail et des techniques. La terre fertilisée et la terre non fertilisée ne produisent pas pareil ; la graine sélectionnée et la graine non sélectionnée ne produisent pas pareil ; un attelage de bœufs ne produit pas autant qu’un tracteur. La machine est donc la grande amie de l’homme.
Le travail est la source de toute la richesse, mais il sera toujours plus simple, toujours moins dur dans la mesure où nous aurons des machines et des techniques, autrement dit une capacité technique.
Pour ça, il faut trois choses ; l’industrialisation, la mécanisation et l’étude. N’importe quel travailleur le comprend. Ce n’est pas pareil, par exemple, de couper la canne à sucre à la main et à la machine, qui coupe autant que vingt-cinq ou trente ouvriers. La construction, les travaux agricoles, les usines seront toujours plus technicisés et mécanisés. Autrement dit, plus le travail se mécanisera, et moins il y aura d’heure de travail, de sacrifices, et plus il y aura de production. C’est la voie à suivre.
Si nous voulons plus de vêtements, de chaussures, d’aliments, de logements, nous devons les produire, et penser, non tant à ce qu’il nous manque qu’au fit qu’il nous manquerait moins si nous étions en condition de produire plus.
L’attitude des ouvriers face au travail. Le travail n’est pas un châtiment, c’est une fonction honorable et digne pour chaque homme et pour chaque femme. Le travail créateur, le travail non soumis à l’exploitation, le travail au bénéfice du travailleur et du peuple est la fonction la plus honorable que puisse remplir l’homme.
Le pain le plus agréable est celui qu’on gagne par son travail. Les vêtements, les chaussures, le logement obtenus par notre travail sont ceux qui nous habillent le mieux et ceux qui nous satisfont le plus.
C’est le travail qui différencie l’homme de l’animal. L’animal vit de ce que lui offre la nature ; l’homme vit de ce qu’il produit en transformant la nature, en l’exploitant. Tout le développement de l’espèce humain vient du travail. Le travail a été le grand maître de l’humanité, son grand propulseur ! Voilà pourquoi l’homme maîtrise toujours mieux la nature grâce à l’expérience qu’il a acquise au long des millénaires. Et l’homme finira par produire tout ce dont il a besoin pour vivre dignement.
Et notre Révolution aidera notre peuple à satisfaire un jour tous ses besoins, quand notre peuple sera un peuple de travailleurs, quand il aura les machines et les usines suffisantes, quand il aura la formation technique requise.
Ne l’oublions jamais : seul le travail nous permettra de satisfaire nos besoins ! Voilà pourquoi, travailleurs et paysans, il faut avoir une attitude digne devant le travail, une attitude révolutionnaire devant le travail. Tous ! C’est notre obligation à tous. Il faut lutter contre toutes les formes de paresse, de fainéantise, contre toutes les formes d’absentéisme. Il faut travailler ! Il faut lutter contre nos erreurs, contre le bureaucratisme, analyser toujours où l’organisation a des défauts. Les masses ont le devoir de lutter pour qu’on travaille et pour qu’on soit productif, parce que la seule solution à nos besoins, à nos pénuries, c’est notre travail.
Notre peuple aura tout ce qu’il sera capable de produire ; ce que nous serons capables de produire, personne ne nous l’enlèvera ; ce que nous serons capables de produire sera à nous, et nous n’aurons que ce que nous sommes capables de produire. Et nous n’aurons pas ce que nous ne serons pas capables de produire sur notre terre riche, à partir de nos ressources naturelles.
Que personne n’aille croire que l’abondance s’obtient du jour au lendemain. Quelqu’un croit-il que l’abondance s’obtient du jour au lendemain ? (Réponse : « Non ! ») Que nous allons avoir de tout en abondance du jour au lendemain ? Que nous allons avoir toute la viande que nous voulons du jour au lendemain ? (Réponse : « Non ! ») Non, tout ça prend du temps, exige du travail, des efforts !
Tout le monde donc doit travailler : les paysans, les ouvriers agricoles, les ouvriers, les travailleurs du bâtiment, les travailleurs de l’administration, les techniciens… Ça nous permettra de passer des pénuries d’aujourd’hui à l’abondance de demain. Pour l’instant, tout ce que nous pouvons faire, c’est bien distribuer ce que nous avons, car nous ne pouvons pas distribuer ce que nous n’avons pas.
Et sachez que nous recevons un grande aide, une aide extraordinaire de l’extérieur (applaudissements). Nous ne faisons pas que consommer ou investir ce que nous produisons, mais consommons et investissons ce que les pays socialistes, les pays amis de notre Révolution nous envoient (applaudissements). Une aide extraordinaire.
Que nous recevions cette aide maintenant, d’accord, mais nous ne devons pas aspirer à demander toute la vie à d’autres peuples de nous envoyer le produit de leurs efforts. Nous ne pouvons devenir un peuple parasitaire. D’accord qu’ils nous aident maintenant, c’est correct, mais nous devons créer nous-mêmes notre propre richesse, élever nos capacités de production pour que nous soyons capables de produire tout ce dont nous avons besoin, de le produire ou de l’échanger pour les articles que nous produisons.
Mais est-ce que vous savez quels sont ceux qui s’efforcent de nous démoraliser en cas de pénuries ? Vous le savez ? Les bourgeois ! Les bourgeois ruraux, les latifundiaires qui traînent encore ici, en se plaignant, en protestant, qui profitent de tout pour semer le pessimisme. Ces bourgeois infectent encore l’esprit de la Révolution.
Il faut que notre peuple renforce toujours plus son esprit. Dans la mesure où nous organiserons notre société comme une société de travailleurs, nous consoliderons l’esprit prolétarien de notre Révolution et nous éliminerons l’esprit pusillanime des bourgeois. Et notre peuple sera alors meilleur, mieux préparé (réactions dans la foule).
J’ai autre chose à vous dire. La lutte révolutionnaire, compañeros, n’est pas finie, tant s’en faut : la lutte révolutionnaire commence. Vous comprenez ? Vous avez dit que vous compreniez mieux maintenant ; dans quatre ans, vous comprendrez encore mieux. Il nous manque encore beaucoup, en organisation, en préparation, en formation, en discipline, pour que notre peuple soit plus fort, plus capable, plus apte à vaincre les difficultés. La Révolution se renforcera à mesure que disparaîtront les parasites, les exploiteurs qui restent encore.
Oui, travailleurs et paysans, nous ne faisons que commencer. Nous fêtons aujourd’hui le neuvième anniversaire du 26 juillet. La lutte, la bataille a commencé ce jour-là, et elle a terminé cinq ans, cinq mois et cinq jours après, le 1er janvier 1959, quand finalement cette caserne-ci, avec tous ses soldats, s’est rendue devant l’avancée victorieuse de nos forces. Ça a été le triomphe de notre lutte pour la conquête du pouvoir. Mais une fois le pouvoir aux mains du peuple, une autre lutte a commencé, plus difficile, la lutte contre l’impérialisme. C’est ça, la lutte plus prolongée qui nous attend, une lutte qui commence. Il faut que nous le comprenions : la lutte commence. Il faut que nous comprenions que notre Révolution court encore beaucoup de risques… ou plutôt, au lieu de risques, que nous avons des batailles à livrer dorénavant. Il faut que nous comprenions que les menaces impérialistes continuent de peser sur notre pays, que, faites bien attention à ça, les menaces d’agression impérialistes contre notre patrie sont encore grandes.
Les impérialistes ont utilisé différentes tactiques : les sabotages, les bandes armées contre-révolutionnaires, l’invasion de mercenaires, le renforcement du blocus économique. Ils croyaient pouvoir nous vaincre par la faim.
Mais, à mesure que les impérialistes constatent que le blocus est un fiasco, que la Révolution résiste, à mesure que l’impérialisme accroît sa course aux armements, que sa situation est plus désespérée, ses menaces d’agression directe contre notre pays s’accroissent.
Nous ne devons pas baisser la garde, négliger notre défense. Nous devons au contraire la renforcer, renforcer nos moyens de lutte et de combat contre l’impérialisme.
Notre pays ne court plus de risques d’invasion mercenaire, car, compte tenu de l’armement que nous possédons maintenant, de nos forces de combat, nous liquidons n’importe quelle invasion de mercenaires (applaudissements).
Les impérialistes yankees ne se résignent pas à notre Révolution, loin de là, ils continuent de planifier des agressions contre notre pays. Le seul danger que court notre patrie, c’est celui d’une invasion directe des forces armées yankees. Et, face à ce danger, nous devons nous préparer, nous devons organiser nos défenses, nous devons prendre les mesures nécessaires. Les impérialistes sont en train de s’armer jusqu’aux dents. (Un avion survole le meeting et la foule s’agite.) Ne vous agitez pas, compañeros, ne vous occupez pas de cet avion… Nous n’avons pas que celui-là, tant s’en faut ! (Applaudissements et slogans révolutionnaires.) Nous avons cet avion, etc., etc., etc. (Applaudissements.)
Donc, nous devons être conscients, ne pas dormir sur nos lauriers, ne pas baisser la garde, comprendre que les impérialistes… (Passage d’un autre avion.) Encore un ? (Applaudissements et slogans de : « Nous vaincrons! Nous vaincrons! ») Ce n’est rien, compañeros, ce n’est rien, c’est juste le préambule.
Je vous disais donc que nous ne devons pas oublier les dangers qui pèsent sur nous, ni en avoir peur (Cris de : « Non ! ») Quel danger pèse encore sur notre Révolution ? Une invasion directe. Et nous devons nous préparer à ça, nous devons organiser nos défenses pour repousser une invasion directe des impérialistes.
Quand notre Révolution pourra dire qu’elle est en mesure de repousser une invasion directe, eh ! bien, le dernier danger qui pèse sur elle aura disparu. Elle doit donc prendre des mesures pour garantir l’efficacité de sa lutte et répondre à n’importe quelle attaque directe des impérialistes yankees. Car Kennedy s’est fourrée dans la tête d’attaquer notre pays (remous dans la foule). Monsieur Kennedy, le gouvernement étasunien, a refusé catégoriquement de donner la moindre sécurité au sujet de ses plans vis-à-vis de notre pays, n’a donné à aucun moment la moindre sécurité que notre pays ne serait pas victime d’une agression.
Voyez ce qui se passe dans la base yankee qu’ils occupent de force. Cette base, ils s’en sont emparé pendant l’Intervention et ils occupent ce morceau de notre territoire contre la volonté de notre peuple (cris de : « Qu’ils s’en aillent ! ») Cette base, bien entendu, nous n’allons pas la récupérer de force, nous n’allons pas faire ce qu’ils veulent justement que nous fassions, car ce serait le prétexte qu’ils cherchent. Mais qu’on sache que cette base est là contre la volonté de notre peuple, que cette base est une partie de notre territoire, du territoire national de Cuba, que les impérialistes yankees l’occupent contre la volonté de notre peuple, qu’ils l’utilisent comme un centre de corruption, de conspiration, comme un refuge de criminels, de formation de bandes contre-révolutionnaires, d’assassinat de Cubains. Un ouvrier y a été assassiné voilà à peine quelques mois, et ils viennent de déclarer que l’enquête n’avait donné aucun résultat. Un modeste pêcheur, assassiné cruellement. Ils occupent ce morceau de notre territoire qu’ils utilisent et auquel nous n’avons pas renoncé, que nous n’allons pas récupérer de force, mais auquel nous ne renoncerons jamais et que nous ne cesserons pas de réclamer jusqu’à ce qu’ils le rendent à notre pays. Cette base est un poignard enfoncé en plein cœur de la terre cubaine (applaudissements), et ils y font tous les jours toutes sortes de provocations, ils tirent, des soldats ivres tirent contre nos lignes, ils commettent…
Tenez, il y a un film où on voit un Américain ivre mort en train de lancer des pierres… ils lancent de pétards, ils tirent… Qu’est-ce qu’on pourrait attendre des tas d’ « habitants » qui y vivent, des soldats mercenaires, des ivrognes invétérés, sinon des provocations contre nos soldats et contre notre territoire ?
Face à ces provocations, nos soldats ont l’ordre de ne pas tirer, de les supporter fermement, et, de fait, ils font preuve d’une morale et d’une discipline bien supérieures à celles des soldats de l’impérialisme : ce sont des garçons sérieux, fermes, disciplinés, qui ne tombent dans le piège d’aucune provocation (applaudissements)
Mais nous savons que les impérialistes, que le gouvernement étasunien n’a pas renoncé à ses plans d’agression contre notre pays, et que plus l’impérialisme accélérera sa course aux armements, que plus sa situation sera désespérée, que plus son Alliance pour le progrès échouera…
Rappelez-vous ces dirigeants qui ont rompu avec nous. Vous vous souvenez de Frondizi ? Eh ! bien, les militaires, incités par les missions militaires du Pentagone, l’ont flanqué à la porte. Vous vous souvenez de ce monsieur Prado ? Eh ! bien, les militaires l’ont aussi flanqué à la porte ! Ces dirigeants sans dignité ni vergogne, ces valets dociles de l’impérialisme, ont été flanqués à la porte à la suite de coups d’État qui signifient quelque chose d’encore plus réactionnaire.
Mais tout ça liquide les espoirs que l’impérialisme avait mis dans sa comédie de l’Alliance pour le progrès. Donc, plus l’Alliance pour le progrès échouera, plus l’impérialisme recevra des coups de partout, et plus les dangers d’un coup de griffe contre notre patrie augmenteront.
Quand les impérialistes se convaincront que le blocus a échoué, quand ils verront que les mesures que prend le Gouvernement révolutionnaire pour augmenter la production, surtout la production agricole, donneront leurs premiers fruits, alors les dangers d’une attaque armée contre notre pays augmenteront.
Voilà pourquoi nous devons être en état d’alerte. Nous ne devons pas dormir sur nos lauriers. Nous devons être conscients du danger. N’oublions pas Playa Girón : la veille même, ils niaient avoir fait des plans pour essayer de nous prendre par surprise, mais nous étions avertis du danger, nous ne nous sommes pas laissé prendre par surprise, nous étions prêts et nous les avons vaincus.
Nous devons être conscients qu’à mesure que l’impérialisme constatera que tous ses efforts, que tous ses plans contre la Révolution échouent, que ses bandes mercenaires sont annihilées, que ses saboteurs sont détruits, que ses contre-révolutionnaires sont écrasés, le danger d’un coup de patte de part augmentera. Mais, une fois de plus, ils se tromperont, parce que, une fois de plus, nous serons en état d’alerte, une fois de plus nous adopterons les mesures requises, une fois de plus nous renforcerons nos défenses militaires autant qu’il le faudra afin d’être à même de repousser n’importe quelle attaque impérialiste. Et quand nous serons en condition de dire qu’une attaque directe de l’impérialisme se brisera contre nos défenses, alors le pire danger aura disparu pour notre pays.
Bien entendu, notre pays court les mêmes risques que toute l’humanité progressiste. Si l’impérialisme déclenche une guerre contre les nations progressistes, il la déclenchera aussi contre nous. Si les impérialistes déclenchent une guerre mondiale, ils la déclencheront aussi contre nous. Car le monde des peuples est très vaste ; car la force des différents peuples du monde se rassemble toujours plus. Les peuples se rapprochent, l’ennemi est commun. L’humanité progressiste, l’humanité qui se bat pour le socialisme et pour l’indépendance nationale et pour la paix a un ennemi commun : les va-t-en-guerre yankees. Ce sont eux qui menacent l’humanité.
L’Union soviétique a dû se préparer (applaudissements) ; l’Union soviétique a dû allouer d’énormes ressources à sa défense face au danger d’une attaque impérialiste, face au risque que le néofascisme, incarné par l’impérialisme yankee, répète le triste exploit du nazisme allemand. L’Union soviétique et tout le camp socialiste sont contraints d’investir des énergies et des ressources énormes face au danger d’une attaque impérialiste, alors que, pourtant, les pays socialistes veulent la paix, que le socialisme lutte pour la paix, que le socialisme a besoin de la paix.
L’impérialisme, en revanche, fomente des guerres d’extermination ; les monopoles impérialistes ont besoin de la guerre pour faire des affaires, pour faire des profits ; les monopoles bellicistes ont besoin du danger de la guerre et constituent donc une menace à l’humanité.
N’importe quel danger que courra l’humanité progressiste, nous le courrons nous aussi ; n’importe quelle guerre que les impérialistes déclencheront contre le camp socialiste, ils la déclencheront contre nous aussi. Nous devons donc nous préparer. Pas seulement parce que nous savons que l’impérialisme nous menace, pas seulement parce que monsieur Kennedy, qui est un type têtu, s’est mis en tête d’attaquer notre pays – et nous le savons – mais parce que le monde vit constamment sous la menace de l’agression impérialiste, que les nations progressistes vivent sous le danger de la guerre dont les menacent les impérialistes, et nous savons que n’importe quelle guerre que les impérialistes déclencheraient contre l’humanité progressiste, ils la déclencheraient aussi contre nous.
Aussi devons-nous faire face courageusement et résolument aux réalités, au danger. Nous ne voulons pas d’agression, nous ne voulons pas la guerre ; nous voulons la paix, nous voulons l’amitié avec tous les peuples (applaudissements).
Voilà notre politique étrangère. Mais nous ne sommes pas fautifs des besoins qu’on nous impose, des dangers dont les impérialistes nous menacent, nous devons savoir regarder ces dangers bien en face. Et notre peuple doit se préparer à n’importe quelle éventualité, à n’importe quelle attaque, afin de pouvoir dire : « Cette île, pas question ! Cette île, les impérialistes ne pourront jamais s’en emparer ! » (Applaudissements et slogans de : « Fidel ! Khrouchtchev ! »)
Pour notre peuple, il n’y a rien de difficile, rien d’impossible. Notre peuple a été le dernier à se libérer de la couronne espagnole, mais il a été le premier à se libérer de l’impérialisme yankee ! Notre peuple marche aujourd’hui à l’avant-garde de l’Amérique latine (applaudissements). Nous sommes le premier pays socialiste d’Amérique latine, nous sommes le premier pays à nous être libéré de l’impérialisme yankee.
Cet honneur historique, ce que cela promet à notre pays, entraîne des risques. Et nous courrons tous les risques qu’il faudra. Cela entraîne un danger, et nous courrons tous les dangers qu’il faudra (applaudissements). Si cela exige des sacrifices, eh ! bien, nous supporterons tous les risques qu’il faudra.
Nous savons que notre peuple est solide, que le peuple travailleur et paysan est solide ; les faibles, ce sont les parasites, les bourgeois qui s’efforcent de nous imprégner de leur faiblesse. Et nous devons leur dire : si vous n’êtes pas capables de vous imprégner de notre courage prolétarien, de notre esprit prolétarien, de notre dignité prolétarienne, ne venez pas infester le prolétariat, ne venez pas infester les travailleurs de votre lâcheté, de votre médiocrité d’esprit, de votre misère morale (applaudissements).
Le peuple est solide. Le peuple qui se libère, le travailleur et le paysan qui ont conquis leur liberté, peuvent répéter ces vers :
Si nous mourons, qu’est-ce que la vie ?
Nous l’avons déclarée perdue
Quand le joug de l’esclave,
Vaillants, nous avons brisé. (Applaudissements.)
Autrement dit, notre peuple est déjà fait, et il se forge maintenant et il se forgera toujours plus. C’est un peuple solide, un peuple discipliné, un peuple courageux.
Et, vu ce qu’est notre peuple, les impérialistes trouveront à qui parler ici, en Amérique latine (applaudissements). Ils nous méprisaient, et il s’avère que nous sommes très supérieurs à ce qu’ils pensaient.
Et, de fait, seul un grand peuple, seul un peuple conscient, seul un peuple courageux peut aller ainsi de l’avant, peut écrire la page d’histoire qu’il est en train d’écrire. Cette page, nous n’y renoncerons jamais ! Cette page, nous continuerons de l’écrire ! Comme Cubains, nous continuerons de l’écrire ! (Applaudissements.)
Comme Cubains, nous ne reculerons pas d’un pas ! (Réactions dans la foule : « Jamais ! ») Nous pourrons rester fiers de nous appeler Cubains !
Mais ceux qui sont nés sur cette terre-ci ne sont pas tous Cubains. Celui qui est né ici par accident et qui, à sa naissance, a été entouré de privilèges et qui s’est cru seigneur naturel et au-dessus de ses concitoyens, celui qui s’oppose maintenant à sa patrie, celui qui, à cette heure-ci, se tourne contre le drapeau glorieux qui a vu couler le sang de générations de Cubains, pour servir des intérêts étrangers, pour servir les intérêts des ennemis de la patrie, celui-là, il n’est pas Cubain, il portera éternellement la honte d’avoir cessé d’être Cubain ! Ceux-là, ce sont des traîtres ! Ceux qui, dans la lutte entre la patrie et l’ennemi prennent le parti de l’ennemi, ce ne sont pas des Cubains ! Ceux-là, personne au monde ne les admire !
Le Cubain qui suscite l’admiration dans le monde, ce n’est pas celui qui est parti à Miami., Celui qu’on regarde avec respect, avec sympathie, avec admiration, où qu’il aille, c’est le travailleur, c’est le paysan ! Car les peuples du monde s’étonnent que notre peuple ait pu mener cette lutte. Et nous pouvons dire aux peuples d’Amérique et du monde, à travers leurs représentants ici présents, à travers les délégations qui nous rendent visite : « Faites confiance à Cuba ! Cuba restera ferme, Cuba restera victorieuse ! » (Applaudissements et slogans de : « Nous vaincrons ! » et de « Cuba, oui ! Yankees, non ! ») Cuba ne sera pas écrasée ! Cuba ne sera pas vaincue !
Si nous en sommes sûrs, c’est parce que nous avons une grande confiance, une confiance infinie en notre peuple, et c’est cette confiance qui nous a conduits à la victoire, qui nous a accompagnés dès le premier instant de la lutte et qui nous a toujours accompagnés, et aujourd’hui avec plus de raison que jamais.
Avant, nous étions à peine quelques-uns. Cette après-midi-là, après l’attaque de la caserne Moncada, nous nous sommes retrouvés à un petit groupe. Aujourd’hui, neuf ans après, cette après-midi-ci, nous sommes réunis à des centaines de milliers de Cubains pour défendre le même drapeau, pour défendre la même cause, pour empoigner les mêmes armes (applaudissements).
Nous avons grandi, nous sommes des centaines de milliers, nous sommes des millions. Et ce n’est pas que nous, les Cubains : il y a aussi les Latino-Américains ! (Applaudissements.) Et il n’y a pas que les Latino-Américains : nous faisons partie de l’humanité progressiste, nous sommes socialistes, nous sommes marxistes-léninistes ! (Applaudissements et slogans de : « Fidel ! Khrouchtchev ! Nous les suivons tous les deux ! » et de : « Fidel, c’est sûr, sur les Yankees tape dur ! »)
Nous sommes marxistes-léninistes, et le marxisme-léninisme est la doctrine qui guide un milliard d’êtres humains, un milliard d’ouvriers et de paysans comme vous ! (Applaudissements.)
Un ouvrier vient de crier : « Vive l’unité des ouvriers et des paysans ! » (Applaudissements.) « Vive l’internationalisme prolétarien ! » (Vivats.) « Vive la Révolution des ouvriers et des paysans ! » (Vivats.), la force des paysans et des travailleurs, la force du puissant mouvement prolétarien du monde entier fait partie de notre force, et c’est sur cette force-là que notre peuple peut compter (applaudissements).
Voilà pourquoi nous avons confiance plus que jamais en la victoire. Tant pis pour les lâches qui ne sont pas nés avec assez de trempe pour vivre dans un pays comme celui-ci et être membres d’un peuple comme celui-ci, à une heure comme celle-ci ! (Applaudissements et cris de : « Qu’ils s’en aillent ! ») Tant pis pour ceux qui n’ont pas assez de nerfs, parce que nous, nous sommes fiers d’être nés à cette époque-ci, fiers d’appartenir à un peuple comme celui-ci (applaudissements), de faire une Révolution comme celle-ci (applaudissements) et de vivre à cette heure-ci de l’humanité !
S’il est vrai que nous vivons une heure pleine de risques, que toute l’humanité progressiste court les risques d’une agression impérialiste, il n’en reste pas moins que nous vivons aussi l’heure la plus lumineuse de l’humanité, l’heure où les petites gens des peuples se sont hissées au site le plus élevé dans toute l’histoire de l’humanité, l’heure qui voit disparaître les empires du privilège et de l’exploitation, l’heure du monde où s’effondre l’empire bourgeois. Nous avons la chance de vivre cette heure-là : l’heure des prolétaires, l’heure des paysans, l’heure des exploités, l’heure de la liberté, l’heure de la justice, l’heure de la création ! (Applaudissements.)
Et notre Révolution fait partie de cette heure-ci, notre peuple fait partie de cette heure-ci, et notre meeting ne peut que faire partie de cette heure-ci, de cette Révolution de masses (applaudissements), de cette Révolution prolétarienne (applaudissements), de ce peuple-ci qui s’est surpassé, qui a grandi, qui s’est couvert de prestige, de gloire et d’espoir légitime. Nous savons en effet que c’est vrai, que nous préparons l’avenir, que nous luttons pour lui, que nous pouvons le regarder en souriant, pleins de confiance aux lendemains, sans peur du présent, sans avoir peur de rien.
Ceux qui ont peur de l’avenir, ce sont ceux qui y voient leur défaite, qui y voient leur fin, qui y voient la disparition de leurs privilèges (applaudissements). Ceux qui voient leur triomphe, leur bonheur dans l’avenir n’en ont pas peur, pas plus qu’ils n’ont peur du présent : ils n’ont peur de rien. Et s’ils n’ont peur de rien, c’est que le passé c’est la mort et l’avenir c’est la vie ! (Applaudissements.) Et voilà pourquoi nous sommes prêts à donner notre vie pour cet avenir, et que nous préférons la mort physique à la mort morale du passé (applaudissements).
Voilà notre façon de penser quand nous faisons face résolument à tous les dangers : nous ne pensons pas au sort de n’importe lequel d’entre nous, mais au sort du peuple tout entier. Notre vie, celle de n’importe lequel d’entre nous, ce n’est pas notre vie, notre vie c’est le peuple (applaudissements). Nous vivons tous dans le peuple ! Et c’est dans ce peuple-ci que vivent ceux qui sont tombés, que vivent ceux qui sont enterrés au cimetière Santa Ifigenia, ceux qui sont tombés le 26 juillet ! (Applaudissements.) C’est dans ce peuple-ci que vivent tous ceux qui sont tombés dans les montagnes, que vivent tous les martyrs, que vivent tous les combattants, car c’est pour le peuple qu’ils sont tombés ! C’est en pensant à ça qu’ils sont morts ! (Applaudissements.) Et ils sont morts satisfaits, ils sont morts orgueilleux ; ils ont forgé la grandeur et l’esprit indomptable de notre peuple, ils ont rendu possible cette Révolution-ci !
Et c’est ça qui fait notre force : force morale, force de raison, force de justice et force au service de la raison et de la justice ! (Applaudissements.)
Sachons être conscients de cette heure-ci, de ses dangers, de nos tâches. Organisons-nous et, surtout, organisons l’avant-garde révolutionnaire en prenant les meilleurs, les plus travailleurs, les plus dévoués, les plus passionnés. Organisons l’avant-garde de notre peuple. Ce grand peuple-ci a besoin d’une magnifique avant-garde, constitué par ce que notre peuple a de meilleur dans tous les domaines.
Organisons donc le Parti uni de la Révolution socialiste de Cuba (applaudissements), avant-garde de nos ouvriers et de nos paysans. Renforçons nos organisations de masse, nos syndicats ouvriers, notre Fédération des femmes, notre Union des jeunes communistes, nos Comités de défense de la Révolution, nos associations d’étudiants et de lycéens, nos associations paysannes, nos associations culturelles et sportives (applaudissements prolongés). Élevons la capacité de combat, les moyens techniques et la discipline de nos glorieuses Forces armées révolutionnaires (applaudissements). Luttons contre nos défauts, contre nos erreurs, contre nos faiblesses. Luttons contre toutes les lacunes et les faiblesses dans les rangs de la Révolution. Luttons contre l’esprit bourgeois, contre la lâcheté et l’indolence bourgeoises ! (Applaudissements.) Fortifions notre esprit prolétarien, faisons notre devoir au travail ! Sachons agir plutôt que parler, travailler plutôt que perdre notre temps à nous plaindre ! Car c’est en travaillant et en produisant que nous ferons disparaître les causes principales de nos plaintes.
Face aux pénuries : travail, productivité. Face aux pénuries : plus de production dans l’agriculture, plus de production dans l’industrie (applaudissements).
Luttons contre nos déficiences dans la production ! Tirons de notre riche terre tous les produits que nous pouvons pour satisfaire nos besoins ! Étudions tous, dépassons-nous tous ! Que les jeunes se dressent ! Que les élèves et les étudiants s’élèvent (applaudissements), qu’ils étudient, qu’ils s’efforcent, car la patrie a besoin d’eux, car la patrie a besoin de dizaines de milliers d’ingénieurs, de médecins, de professeurs, d’instituteurs ! (Applaudissements.) Que tout le monde s’efforce, jeunes et vieux, hommes et femmes !
Peuple,
Quand un peuple est maître de ses destinées, voilà ce qu’il arrive ; quand un peuple prend conscience de son histoire, voilà ce qu’il arrive. Il devient une seule force, il devient un seul bras, une seule étreinte, une seule pensée ! (Applaudissements.)
Fini l’égoïsme, fini l’individualisme ! L’homme seul n’a aucune force : seule la société est forte, seul le peuple est fort.
Et le paysan le sait bien. Quand il ne peut porter un madrier tout seul, il en appelle d’autres à son aide. La Révolution, c’est pareil ; et l’avenir, ce sera pareil. Personne ne peut rien tout seul ; ensemble, nous pouvons tout. Ensemble, nous pouvons tout ce que nous voulons ! (Applaudissements.) Tous ensemble, nous porterons le grand madrier de la Révolution ! Tous ensemble, nous bâtirons l’avenir, parce que notre force à tous est la force de chacun de nous multipliée ! Et c’est grâce à la force des masses, grâce à la force du peuple, c’est en nous sachant frères, Blancs et Noirs, jeunes et vieux, hommes et femmes, de la ville ou de la campagne, que nous irons de l’avant (applaudissements).
Tous ensemble, nous conduirons cette cause-ci jusqu’au bout, et derrière nous, les jeunes, et derrière les jeunes, les générations à venir ! (Applaudissements.) En ayant confiance dans le peuple, en ayant confiance en l’avenir, forts de cette confiance que nous a donnée le 26 juillet, que nous a donnée le Granma, que nous a donnée la Sierra Maestra, forts de cette confiance dans le peuple qui n’a jamais failli à son devoir, qui n’y faillira jamais !
Nos compagnons de la Moncada, du Granma, de la Sierra, nos compagnons de la grande lutte anti-impérialiste, nos compagnons de Playa Girón, nos compagnons de la grande bataille pour le socialisme, se sentent encouragés, satisfaits, motivés par l’esprit et l’enthousiasme de la province d’Oriente (applaudissements). Cet esprit nous dit que le berceau de la Révolution est ici, que ses meilleurs défenseurs sont ici (applaudissements). Son berceau et son principal bastion !
Cette confiance, cet esprit, cet enthousiasme de la province d’Oriente est vraiment contagieux. Conservez-le. Sachez que les bourgeois et les petits-bourgeois ou ceux qui ont un esprit petit-bourgeois vont s’efforcer ensuite de contrecarrer l’effet de cette journée d’enthousiasme et de ferveur révolutionnaires. Je sais ce qu’ils vont commencer à dire. Ils parleront de nouveau des difficultés, ils diront que ces jours-ci tout marchait très bien, et qu’après ça recommencera à aller mal. Je vais donc vous expliquer que le Conseil d’approvisionnement a doublé pendant cinq jours les approvisionnements destinés à Santiago de Cuba, compte tenu de la présence de milliers et de milliers de personnes. On a fait un effort extraordinaire pour que les familles de Santiago puissent loger et nourrir tous ceux qui sont venus à ce meeting. Les approvisionnements continueront de s’améliorer, on fait un gros effort dans ce sens. En tout cas, c’est l’argument qu’utiliseront les bourgeois parce qu’ils ne sont pas d’accord, bien entendu, que les biens et les aliments soient distribués d’une façon équitable.
Donc, soyez forts et résolus face aux démoralisateurs, face à la cinquième colonne qui veut détruire le moral de combat du peuple, face aux lâches qui veulent lever le drapeau blanc devant l’impérialisme ! Forts et résolus face aux ennemis de classe ! (Applaudissements.)
Et quelle grande satisfaction, quelle émotion de constater, en ce 26 juillet, avec quelle dignité notre peuple rend hommage aux martyrs de la Révolution, à ceux qui sont tombés ! Quel meilleur prix, en effet, quelle meilleure réponse, quel meilleur fruit que notre peuple !
Notre peuple n’a pu se forger que comme il l’a fait : à force de sacrifice, de douleur, de sang ! Mais il s’est forgé, et il est là et bien là, indestructible, invincible ! (Applaudissements.)
Travailleurs, paysans, lycéens et étudiants : devant le souvenir de nos morts, jurons d’être fidèles à la patrie ! Jurons d’être fidèles à la Révolution ! Jurons d’être des révolutionnaires solides ! Jurons de fortifier notre esprit prolétarien ! Jurons de tremper notre esprit en vue des heures dures, des heures difficiles ! Jurons de la défendre ! Jurons, comme Maceo, que quiconque tentera de s’emparer de Cuba recueillera la poussière de son sol baignée de sang ! (Applaudissements.)
Travailleurs, paysans, étudiants et lycéens, hommes et femmes de la patrie, allons fermement de l’avant ! Disons aujourd’hui à nos morts : « Héros de la patrie, la patrie ou la mort ! Nous vaincrons ! » (Ovation.)