Message de Fidel à Katiuska Blanco
Ton livre, Angel, va être présenté aujourd’hui en ce dernier jour de notre Foire du livre désormais fameuse. Je t’écris avec un stylo à pointe fine pour avoir l’espace suffisant.
Comme je connais ta modestie, tu ne liras sûrement pas la très belle lettre que tu m’as adressée, que tu m’as adressée – je me redis, ça doit être l’émotion – Ta lettre représente pour moi le témoignage vivant de quelqu’un qui a été le meilleur élève de sa promotion à l’école de journalisme et une internationaliste conséquente dans le cadre d’une lutte historique juste après son diplôme. Tu sais aborder la valeur immortelle des idées. Si je reproduis ta lettre, tu ne pourras pas empêcher sa diffusion :
« Le 21 février 2008
« Cher comandante Fidel,
« J’ai senti que je ne pouvais vous écrire que dans le silence et l’écoulement des heures. Il est maintenant cinq heures du matin, et les mots se font torrent, se font obsession qui déborde telle une cataracte. Les lumières de la ville et celles qui couronnent la place – rouges et clignotantes – palpitent encore dans le lointain, derrière la vitre de la fenêtre, et je pense à vous.
Bien que je connaisse l’importance capitale de votre décision, vous qui faites partie de l’Histoire de l’humanité, et la commotion qu’elle n’a cessé de susciter dans les rues, à la maison, dans les êtres et dans l’air que nous respirons tandis que soufflent les vents de Carême, je vous avoue que ça n’a pas été pour moi le moment le plus difficile. Je vous ai vu alors que, vous débattant entre la vie et la mort, vous ne vous inquiétez que de tenir parole. Je vous ai bien écouté quand vous m’avez dit une phrase brûlante, ce 1er août 2006.
Vous m’avez parlé, courageux et sûr de vous, des dernières rafales que vous aviez à tirer contre le temps, vous concevant encore et toujours comme un fusil guérillero, comme un soldat de l’éternelle bataille en faveur du monde que vous menez depuis cette tranchée héroïque qu’est notre Cuba chérie. Je n’attends de vous, depuis toujours et maintenant plus que jamais, que grandeurs et aurores.
« Toute votre vie a défilé en images dans ma mémoire. Je suis sûre de votre sagesse et je sais que vous avez repris des forces, ce qui me réconforte. Je sais que vous vous disposez, comme si c’était le premier jour, à consentir cet effort mambi que réclamait José Martí pour être libres et justes face à l’Empire. Je suis convaincue de votre vision stratégique, si bien que je vous conçois non comme un soldat, mais comme un commandant des idées, et mon cœur chante alors comme Violeta Parra : Merci à la vie qui m’a tant donné !
« J’ai aussi beaucoup pensé au ministre Raúl, à tout ce qu’il a vécu ces dernières années et à cette phrase de lui : "Fidel est mon compagnon." Dans les choses de la Révolution, peu importent les postes et les nominations ; il continuera d’être un violon à la manière belle et noble dont le fut Engels.
« Je vous embrasse affectueusement, ainsi que les enfants de la maison et mon compagnon.
« Je suis sûre que votre voix portera.
« Katiuska. »
J’ajoute, chère Katiuska, que j’ai exercé aujourd’hui mon droit de vote comme membre de l’Assemblée nationale qui m’a offert toutes les facilités dans le cadre de ses prérogatives. Je te demande pardon, à toi et à tout le monde, d’avoir retranscrit des mots en rapport avec ma personne qui naissent de ta générosité, pure et sincère. Si je l’ai fait, c’est parce que je n’avais pas d’autre moyen de montrer la réaction naturelle, aussi bien à Cuba qu’ailleurs dans le monde, à l’annonce de ma décision de ne briguer ni d’accepter aucune responsabilité au Conseil d’Etat. J’ai été poussé par un sentiment de gratitude devant ta lettre si bellement poétique. Quand j’ai exercé aujourd’hui, 24 février, mon droit de parlementaire, je n’ai voté contre aucun des candidats proposés par la commission de candidatures. La défense se doit d’être hermétique face aux plans de l’Empire. Je ne pense pas publier de Réflexions d’ici plusieurs jours.
Je salue ta jolie famille et je la remercie du bonheur qu’elle apporte à ta noble vie.
Je te prie d’accepter mon salut le plus affectueux.
Merci pour ton respect et ton affection envers la figure d’Ángel comme si c’était quelqu’un de ta proche famille.