Discursos e Intervenciones

Intervention de Fidel Castro Ruz à la table ronde d’information sur les faits de l’ambassade du Mexique, studios de la télévision cubaine, le 5 mars 2002

Fecha: 

05/03/2002

Je souhaiterais faire d’abord un commentaire : je suis ces tables rondes depuis longtemps, et c’est celle d’hier qui a analysé un problème avec le plus de clarté et de précision. J’ai beaucoup regretté d’apprendre que les fortes rafales de vent qui avaient soufflé hier sur la ville avaient provoqué des coupures de courant à beaucoup d’endroits. Voilà pourquoi j’ai suggéré qu’on la retransmette, mais je crois savoir qu’à cette heure-ci ou à midi, un certain nombre de problèmes n’avaient pas encore été réglés et qu’on ignore encore combien de personnes peuvent suivre cette table ronde-ci..

Je l’ai revue aujourd’hui, parce que, comme nous avions décidé que je donnerai mon avis, je voulais me rappeler quels étaient les points que vous aviez abordés et sur lesquels je pouvais ajouter tel ou tel détail pouvant contribuer à l’éclaircissement des faits.

Vous avez parlé hier, par exemple, de la réunion de Castañeda avec les dissidents. Je voudrais dire ce qui suit.

Dans les semaines ayant précédé la visite du président Fox dans notre pays, une perspective qui nous a tous beaucoup réjouis, les Etats-Unis menaient leur campagne désormais habituelle en prévision de la réunion de Genève – une obsession, comme quelqu’un l’a dit ici –une campagne intense en Amérique latine, car, comme leur manœuvre est de plus en plus discréditée et qu’elle leur coûte cher – témoin le fait qu’ils n’ont pas été élus l’an dernier membres de la Commission des droits de l’homme, sans qu’on sache quels sont les pays qui ont voté contre parce que le scrutin est secret – leur soif de vengeance est terrible et ils ont mis au point en Amérique latine un plan contre Cuba à Genève.

On a discuté ici de cette question, mais il a paru prudent de ne pas tout dire. Qu’il me suffise de dire que nous connaissons toutes les manœuvres que le département d’Etat a orchestrées dans ce continent, toutes les conversations, toutes les pressions. Bien mieux, l’ensemble de la conspiration, quels sont les pays sur lesquels ils peuvent compter et quels sont ceux sur lesquels ils ne peuvent pas… Nous en avons eu un petit aperçu, le sommet de l’iceberg, quand le ministre des Affaires étrangères de l’Argentine, ce pays qui est le paradigme du néo-libéralisme, est accouru à Washington pour vendre Cuba comme une marchandise. En fait, vous en avez certains qui la vendent tous les ans. Cette pratique ne date pas d’hier. Bref, la question a été analysée, mais sans qu’on dise tout. Et ce n’est pas moi qui vais révéler ici tout ce que nous savons.

Nous nous réjouissions donc énormément de la visite de Fox. Elle nous a plu, car c’était un geste vraiment nouveau. Les présidents mexicains nous rendaient visite généralement en fin de mandat ; lui, il a dit dès le début qu’il allait faire une courte visite à Cuba. Il était invité, bien entendu, parce que quand un président mexicain souhaite venir, toutes nos portes lui sont ouvertes. L’expression « portes ouvertes » semble presque une ironie en l’occurrence… Donc, nous nous réjouissions beaucoup, parce qu’elle nous donnait l’occasion d’analyser bien de thèmes d’intérêt économique, culturel, international. Ce ne sont pas les thèmes qui manquent.

Par exemple, le fait que le Mexique soit maintenant membre du Conseil de sécurité pour deux ans. Quand il a présenté sa candidature, personne n’a dû venir nous demander de la soutenir, nous l’avons fait spontanément, et nous savons que le président Fox a beaucoup apprécié ce geste dont nous l’avons informé directement.

En plus des questions d’intérêt commun et des problèmes internationaux, nous souhaitions avoir l’occasion de discuter de cette question de Genève, de bien connaître ses positions, de lui exposer les nôtres. Et c’est ce que nous avons fait. Aussi bien les conversations officielles auxquelles ont participé un certain nombre de personnes, que les conversations personnelles, ont été très bonnes, et nous avons eu l’occasion d’exposer nos points de vue.

Ce jour-là – car la visite a été très brève, comme vous le savez – je l’ai accompagné à différents endroits, j’ai été avec lui presque tout le temps après le dépôt de la gerbe au monument de Martí : à la Vieille-Havane, à la centrale électrique de cycle combiné qui fonctionne un peu au-delà de Guanabo avec du gaz issu de notre pétrole lourd – lourd, mais très utile, car il devient la source énergétique qui permet de produire toute notre électricité, contrairement au fioul importé qui nous coûterait bien plus cher.

Nous avons conversé en chemin, et je lui avais parlé de la mère d’Eusebio Leal, une femme très dévouée, prête à tous les sacrifices, que nous aimons tous beaucoup, et je lui ai même suggéré qu’une visite de sa part à sa mère toucherait Leal autant que la décoration. Et nous sommes allés lui rendre visite.

Nous sommes allés ensuite au Centre de régénération nerveuse, le CIREN, où de nombreux Mexicains sont traités avec de grands résultats. Nous y avons eu une rencontre émouvante, en présence de presque tous les malades. Puis je l’ai abandonné quelques minutes, pour ainsi dire, jusqu’au soir où il était prévu que nous aurions une conversation privée. En fait, il y en a eu beaucoup car nous conversions de toute une série de questions en chemin, et le climat a été excellent jusqu’à la fin.

Notre ministre des Relations extérieures a eu lui aussi une conversation dans l’après-midi avec son homologue.

Je ne me rappelle plus l’heure exacte, mais nous nous sommes retrouvés lui et moi dans mon bureau à peu près à l’heure prévue, et nos conversations ont été très franches.

Durant toute la préparation du programme, on ne nous avait jamais parlé d’une réunion éventuelle avec les fameux « dissidents » fabriqués de toutes pièces par la propagande, dirigés par la Section d’intérêt des Etats-Unis, dont ils sont les éternels invités, qui mènent grand train parce que c’est à ça que servent les millions que distribuent l’US/AID et d’autres institutions créés à des fins similaires. Chaque fois qu’arrive un illustre visiteur, les USA exercent des pressions publiques, indépendamment de celles qu’ils exercent par d’autres voies, exigeant presque qu’il rencontre les meneurs de ces groupuscules. Personne des Etats-Unis ou d’ailleurs ne peut venir ici, quel que soit son niveau politique, sans qu’on exige de lui une réunion, parce que c’est la manière de perpétuer cette fiction.

Ces individus ont d’excellents rapports avec cette radio mercenaire dont le nom est à lui seul une insulte pour notre patrie, une insulte de plus en plus grande à mesure que notre peuple et nos enfants connaissent mieux Martí. Oui, d’excellentes relations, même s’ils violent des lois – que nul ne l’oublie – des lois discutées et votées par notre Assemblée nationale, fournissant de fausses informations, menant des campagnes, toujours en synchronisation avec la politique de l’empire contre Cuba, en tout, qu’il s’agisse des manœuvres cyniques à Genève ou du reste de la politique de l’impérialisme contre notre pays, et aussi en connexion, ne l’oublions pas non plus, avec la mafia terroriste de Miami.

Maintenant qu’on parle de terrorisme dans le monde, et qu’on en envoie certains à une base navale nord-américaine, le monde a bien pris conscience de ce que signifiait le terrorisme. Personne n’ignore dans notre patrie tous les méfaits commis contre elle depuis Miami où on n’a cessé de promouvoir et de financer des crimes contre notre pays. Des dizaines d’années de terreur contre notre peuple, des faits absolument tolérés par les autorités nord-américaines pendant plus de quarante ans… Alors, que personne ne vienne nous présenter de simples mercenaires qui servent cette politique-là, qui se déguisent d’une chose ou d’une autre, comme des gens ayant leurs propres opinions. En fait, ce qu’ils veulent c’est ça : de la publicité, jouer les victimes. Ce sont des provocateurs impénitents, des mystificateurs et des menteurs invétérés sur tout ce qui a trait à Cuba. Mais c’est tout ce sur quoi l’empire peut faire fond ici : des petits poissons dans un aquarium sans eau dans laquelle ils pourraient nager. En tout cas, ce n’est sûrement pas dans l’eau d’un peuple toujours plus révolutionnaire, toujours plus cultivé et doté de toujours plus de connaissances qu’ils trouveront de l’oxygène, ces petits poissons de couleur, très connus au-delà de nos frontières, très connus artificiellement à l’étranger. Il vaut la peine de le dire, n’est-ce pas ? parce que c’est un mécanisme monté par eux. C’est la Section d’intérêt des Etats-Unis ici qui les dirige, les convoque, les paie, de tout un tas de manières différentes.

Donc, c’est le tribut qu’ils veulent extorquer à n’importe quel visiteur.

Je ne dis pas que Fox est quelqu’un de faible, sans caractère. Bien au contraire. J’ai l’impression - et je n’hésite pas à le dire – qu’il a un sens élevé de la dignité personnelle, qu’il a du caractère. Il est évident pour moi que lui, qui connaît notre peuple, n’était pas très enclin à jouer un rôle qui ne lui plaisait absolument pas. C’est pour ça que la formule qui est apparue au dernier moment, dont on n’avait pas dit un seul mot, a été celle d’un petit déjeuner.

Quelqu’un a dû mettre au point ce programme, inventer ce petit déjeuner. Bien entendu, il est absolument libre, il peut parfaitement venir ici et nous dire : je veux ceci, je veux cela, je veux tel ou tel programme, parce que nous n’imposons aucune restriction à nos visiteurs, et nous ne nous tracassons pas pour quelque chose qu’on leur impose comme une espèce de fourches caudines – c’est une expression qui provient de l’époque romaine, où les prisonniers devaient passer sous des arcades ou quelque chose de ce genre en signe d’humiliation. Oui, c’est devenu un instrument d’humiliation et une complication pour tous les visiteurs qui ne savent pas quoi faire, ni comment faire. Ils peuvent nous le dire ou non, en tout cas c’est applicable à tous les visiteurs, de droite ou de gauche. C’est d’ailleurs ainsi que nous avons connu bien des gens de gauche, surtout en provenance des gauches européennes, qui doivent payer le tribut, de sorte que des personnes illustres, des personnalités sont contraintes de vivre des moments embarrassants. Après, ils ont une réunion avec moi, mais ils n’osent pas me dire que la Section d’intérêt, s’il s’agit d’un Nord-Américain, leur a organisé un déjeuner ou un truc comme ça en vue d’une réunion. Oui, la Section d’intérêt se charge de ça, c’est elle qui organise essentiellement toutes les rencontres avec les visiteurs et qui exerce aussi des pressions d’en haut.

J’exclus l’idée que Fox ait été déloyal. Je rends plutôt hommage au tact avec lequel il a géré un entretien que quelqu’un avait inventé. C’est quelqu’un de sérieux, qui a le sens de l’honneur. Il m’en parlé à la réunion qui a précédé le dîner, m’expliquant qu’il y aurait un petit déjeuner à l’ambassade le lendemain, qu’il en profiterait pour saluer les employés, que les fameux dissidents y auraient une réunion avec Castañeda et qu’il allait les saluer, un point c’est tout. Et c’est bien ce qu’il a fait : les saluer. Oui, mais les dépêches ont divulgué à l’extérieur la réunion en question à La Havane avec les ennemis de la Révolution et après seulement les questions dont nous avions parlé. La technique habituelle, quoi.

Je lui ai dit tout simplement : « Ecoutez, ne vous tracassez pas pour moi. Mais ce qui m’inquiète, en revanche, c’est que, comme il s’agit d’une question à laquelle notre population est très sensible, ce genre de contact aille ternir votre image à ses yeux. » Et je lui ai répété : « Pour moi, personnellement, ne vous tracassez pas. »

Mais le lendemain, on a eu droit à de nouveaux malentendus, parce que les dépêches ont divulgué qu’il m’avait remis une liste de prisonniers. De fait, cette histoire des listes de prisonniers, il y a belle lurette que c’est du révolu. Avant, c’est vrai, chaque fois que quelqu’un arrivait, d’Europe ou du Canada ou d’ailleurs, il recevait des Etats-Unis une petite liste de détenus dont il devait réclamer la libération. Une manière, en quelque sorte, de lui saboter sa visite, lui, et de nous harceler, nous. Mais, je le répète, ça fait belle lurette que nous avons dit : les listes de détenus, c’est fini pour toujours, un point c’est tout. C’est de la préhistoire. Vous pouvez bien les amener, si ça vous chante, mais personne n’en fera cas. Moi, je ne les regarde même pas.

Les dépêches affirment que Fox m’a remis une de ces listes. Et j’ai dû préciser qu’il ne l’avait pas fait et qu’il ne m’avait pas parlé de cette question. C’est quelqu’un qui a assez de doigté, de diplomatie. Il a remis une liste, en effet, mais pas à moi : à Felipe Pérez Roque, qui l’a raccompagné à l’aéroport. Comme les dépêches disaient que c’était à moi, j’ai dû rectifier : il ne m’a pas parlé de ça et il ne m’a remis aucune liste.

L’utilité de cette petite liste, c’est qu’elle nous permet de savoir quels sont ceux qui intéressent le plus l’empire, quels sont ses détenus favoris, bien que leur sort de ses mercenaires lui importe bien peu, à vrai dire.

Nous pourrions, nous aussi, leur envoyer une petite liste par l’intermédiaire de ceux qui voyagent aux Etats-Unis, mais nous ne le faisons pas. Nous parlerons en revanche tous les jours de nos prisonniers très chers, Héros de la République de Cuba, qu’on a transférés sans pitié dans de lointaines prisons, qu’on a même maintenus pour le plaisir dans des cachots jusqu’à leur arrivée à l’endroit définitif… Il faut voir maintenant quelles sont les conditions de vie qui attendent ces compañeros, à des milliers de kilomètres les uns des autres, sans la moindre communication entre eux. Mais nous n’avons pas besoin de listes, nous : nous avons la vérité en notre faveur, nous avons la raison en notre faveur, et nous ne cesserons pas de réclamer la liberté de nos prisonniers héroïques. Parce qu’eux, oui, ce sont des héros, pas des mercenaires. De vrais patriotes, pas des traîtres à la patrie !

J’ai donc dû apporter quelques éclaircissements à l’occasion de cette visite et des intrigues yankees. En tout cas, le président Fox m’a dit, et Castañeda l’a dit à Felipe, que le Mexique ne stimulerait ni ne favoriserait ni ne soutiendrait aucune manœuvre contre Cuba à Genève. Voilà ce qu’il m’a dit, avec beaucoup de dignité et de conviction.

Nous avons parlé de bien des thèmes, et nous avons totalement oublié cette histoire de la réunion, parce qu’elle n’avait pas la moindre importance, et celle de la petite liste. En comparaison de notre satisfaction pour cette visite, des thèmes que nous avons abordés, ça n’avait pas la moindre importance. Il n’y avait aucun raison pour que des frictions surgissent, et de fait il n’en est surgi aucune. En tout cas, pas de notre part.

Le jour de l’inauguration de la Foire du livre, j’ai dû, c’est vrai, expliquer à la presse quelques détails en rapport avec cette liste, que je n’avais pas reçue et dont personne ne m’avait parlé. Et j’ai dû aussi aborder cette curieuse phrase de Castañeda selon qui, désormais, les relations avec la Révolution cubaine avaient cessé pour laisser la place aux relations avec la République de Cuba. J’ai réfléchi tout haut : comment peut-on séparer une chose de l’autre ? Il n’existe de vraie république à Cuba que depuis qu’il existe une révolution ! Comment pouvait-on appeler une république cette caricature de république ?

La république à Cuba est inséparable de nos luttes à nous et des si longues luttes des indépendantistes au siècle dernier, et des exploits de notre peuple durant plus de quarante ans, des exploits sans parallèle dans l’histoire par sa capacité de résistance, par sa capacité de faire des choses qui nous ont placés au-dessus de n’importe quel autre pays du monde, si bien que nous disposons de toutes les conditions pour continuer de faire avec encore plus d’intensité et de conviction que jamais ce que nous sommes en train de faire. Comment peut-on séparer ça de la Révolution ? Nous n’avons pas accordé une grande importance à cette phrase. Une de plus ou une de moins, bah ! Encore qu’il ne faille pas jouer avec les mots…

Puis, il a eu cette réunion à Miami, et voilà qu’on ressort la fameuse petite phrase inintelligible ! Le fait que vous l’ayez analysée à votre table ronde a permis à la mafia de Miami et à certains de ses amis au Mexique même de lancer l’idée que c’est nous qui avions stimulé l’entrée de force à l’ambassade mexicaine, comme si quelque chose de ce genre pouvait s’inventer. Même si nous avions été des devins et que nous ayons disposé de je ne sais combien de boules de cristal, nous n’aurions pas pu savoir qu’à l’inauguration d’un consulat et d’une maison de la culture mexicaine, dont nous ignorions absolument tout, la petite phrase en question allait ressortir !

A cette inauguration, il y avait beaucoup de gens honorables et décents, mais il y avait aussi toute une tapée de terroristes. Je me demande d’ailleurs ce que les terroristes peuvent bien avoir affaire avec la culture ! Hier, à votre table ronde, vous avez blagué au sujet de la radio subversive, qui était en train de chercher des professeurs pour apprendre la géographie de Cuba à ses employés, parce que ceux-ci l’ignorent absolument, et ne savent pas combien de provinces il y a et où elles se trouvent, surtout depuis la nouvelle division administrative du pays. Ces gens-là ne sont pas même au courant de ça, je crois, ni des pouvoirs populaires, tout comme ils ne savent rien des élections, ni des délégués de circonscription… Allez d’ailleurs leur faire comprendre ça, eux qui ne connaissent rien d’autre que la manière de faire voter les morts et les magouilles électorales ! Ça oui, là-dessus, ce sont des champions olympiques ! Mais ça n’a rien à voir avec la culture. Toujours est-il que l’auteur du discours en question paradait. Paradait et jubilait.

Je n’ai pas dit – je suis catégorique – que Castañeda était responsable de ce qu’il s’était passé. J’ai dit que ses propos avaient été manipulés. J’ai d’ailleurs sous les yeux mes premières déclarations : « La si mal nommée Radio Martí s’est aussitôt emparée des mots prononcés la veille par M. Castañeda et les a cyniquement manipulés. »

Les messieurs de cette radio du gouvernement nord-américain se sont défendus ensuite des accusations portées par Castañeda selon qui ils avaient utilisé indûment ce qu’il avait dit – une réaction de ce genre – en disant qu’ils n’avaient rien changé à ce qu’il avait dit, qu’ils s’étaient bornés à le retransmettre textuellement. En fait, ils ont manipulé ses phrases de façon à en modifier le sens.

Castañeda est amateur de littérature, il aime écrire et prononcer des petites phrases historiques – je suppose, n’est-ce pas ? – car ceux qui disent ou écrivent quelque chose ont toujours ce genre de penchant… Alors, là-bas, à Miami, il a repris sa fameuse phrase : les relations de Mexique avec la Révolution cubaine ont cessé pour laisser la place à des relations avec la République de Cuba. Il l’a donc répété, mais je suis convaincu qu’il ne l’a pas fait de connivence avec la mafia terroriste de Miami ni avec le gouvernement nord-américain. Nous l’avons exonéré de responsabilité dans ce sens.

Les autres se sont emparés de ces phrases et les ont manipulées de façon à leur donner un sens tout à fait différent, à commencer par cette histoire de « portes ouvertes »… C’est pour ça que je riais au début. « Porte ouvertes » est une expression courante.

Qu’a donc fait la radio mafieuse ? Elle s’est emparée de la phrase et elle a commencé à la reprendre et à la répéter : au moins huit fois à partir de sept heures et demie du matin. Je ne sais pas combien de fois.

Randy Alonso. Soixante flashs dans la journée.

Fidel Castro. Le 27 février. Mais je crois savoir qu’elle a haussé le ton et qu’elle a fini par annoncer dans l’après-midi que « les portes de l’ambassade mexicain étaient ouvertes à tous les Cubains ». C’est la phrase exacte, n’est-ce pas ?

Randy Alonso. « "Les portes de l’ambassade mexicaine à La Havane sont ouvertes à tous les Cubains", a dit à Miami le ministre mexicain des Affaires étrangères, Jorge Castañeda. »

Fidel Castro. Ça, c’est l’intitulé. Bien souvent les titres – et c’est une forme de manipulation – n’ont pas grand-chose à voir avec le texte. Le pire, c’est que tout ça était précédé de la fameuse phrase selon laquelle les relations du Mexique avec la Révolution cubaine avaient été rompues. Qu’est-ce qu’il a fini par rester dans la tête de bien des gens qui rêvent d’y entrer et qui ne sont des hommes politiques, qui ne lisent pas les journaux et qui parfois n’écoutent même pas la radio ? Parce que ce sont des rumeurs qui arrivent à bien des gens, des rumeurs selon lesquelles le Mexique a rompu ses relations avec Cuba et que les portes de l’ambassade sont ouvertes aux Cubains.

Mais c’était bien là l’intention perfide, à commencer par le titre. Non, ce n’était pas une simple transcription : il s’agissait de prendre deux phrases, de les amalgamer en un titre et de les ressasser en leur donnant un autre sens. En tout cas, c’est ce que croyaient les gens, parce que nous leur avons demandé comment les premières nouvelles leur étaient arrivées. Nous, les premières nouvelles nous sont arrivées vers midi. En général, on capte tous les jours les émissions sur deux appareils différents et on les fait parvenir ensuite les informations pertinentes à qui de droit. C’est la routine.

Devant l’ambassade mexicaine, il avait juste deux sentinelles à midi. Neuf individus quelque peu suspects ont fait ensuite leur apparition, mais les sentinelles ne savaient rien de ce qu’il se passait, et presque personne ne savait rien de la nouvelle en question. De toute façon, en supposant qu’on le sache, ces gens-là diffusent tant de mensonges et tant d’âneries qu’on leur prête une attention tout à fait relative.

Donc, les deux sentinelles aperçoivent ces individus qui leur semblent suspects, informent puis leur demandent ce qu’ils font là. Ils leur répondent : « Eh bien, les relations entre le Mexique et Cuba sont rompues, et on dit que les portes du Mexique sont ouvertes à tous les Cubains. Alors, on voudrait savoir ce qu’il se passe pour entrer dans l’ambassade. » Au même moment, une fonctionnaire de l’ambassade informe avoir reçu durant toute la matinée des coups de téléphone de gens qui voulaient savoir si le droit d’asile y existait. Ceci, vers une heure de l’après-midi. C’est alors qu’on envoie un petit renfort à l’ambassade, une vingtaine de personnes pour renforcer la protection et aider les deux sentinelles du régiment de protection d’ambassades. Mais je reviendrai plus tard sur ce point.

Je disais donc que tout ceci ne modifie en rien l’opinion que nous avons du président Fox, ni notre appréciation de sa visite, ni du geste qu’il a eu de nous rendre visite pour discuter de questions intéressant les deux pays et intéressant l’Amérique latine et aussi le monde, car le Mexique est maintenant membre du Conseil de sécurité et a joué à un moment donné un rôle important dans l’arène internationale. Je tiens à sérier les choses. Je n’accuse pas Castañeda. Au contraire, je l’exonère, parce que je ne crois pas qu’il ait eu l’intention de provoquer tout ceci et qu’il soit tombé d’accord avec la radio subversive dans ce but.

Indépendamment des divergences politiques et idéologiques, je n’ai pas du tout l’intention de l’offenser ou de l’accuser. Je tiens simplement à expliquer quels sont les mécanismes qui ont provoqué le problème, à expliquer la vérité vraie : il y a tant de vérités entre guillemets dans notre monde et tant de mensonges qu’on veut nous faire accroire, en effet, qu’il ne me reste pas d’autres solutions que d’expliquer la vérité vraie à notre population, qui a le droit de la connaître.

Ceci dit, que s’est-il passé le 27 février ? J’en ai dit une petite partie : les sentinelles qui se rendent compte qu’il se passe quelque chose de bizarre.

Quand ai-je appris qu’il y avait des problèmes à l’ambassade mexicaine ? Eh ! bien, croyez-le si vous voulez, mais à 22 h 55 de ce même jour, le 27 !

Ce n’est pas le travail qui manque, allez, entre les visites, les délégations, les conversations, dont les journaux ne parlent pas. Ce jour-là, j’avais une réunion, depuis 20 h 20, avec une délégation chilienne conduite par celui qui avait été candidat présidentiel aux dernières élections et qui le sera sans doute aux prochaines, avec des sondages très favorables.

Ce n’est pas mon affaire, bien entendu, qu’il soit candidat ou non, qu’il soit de droite ou de gauche. A supposer que ces dénominations, si variées, ne soient pas confuses… J’ai parlé parfois avec des gens de gauche qui viennent ici, mais qui lorgnent là-bas vers le Nord et qui sont prêts à toutes les complaisances possibles et imaginables.

Donc, cette délégation était conduite par deux maires de Santiago de Chili, l’un du parti Union démocratique indépendante (UDI), et l’autre, de Rénovation nationale.

Nous avons eu des relations avec différents dirigeants de gauche et de droite dans ce monde, qui viennent bien souvent à Cuba parce qu’ils sont intéressés par telle ou telle expérience ou parce qu’ils ont besoin de tel ou tel service médical. Et nous ne demandons à personne : comment pensez-vous ? Oui, nous avons donc connu beaucoup de gens, de gauche comme de droite, des gens sérieux que vous admettez même s’ils sont à des milliers de lieues sur le terrain des idées et que vous ne partagiez absolument en rien leur idéologie… Toujours est-il qu’il y a des tas de choses dont vous pouvez discuter, en dehors de la politique.

Ainsi, j’avais connu le président Fox voilà quatre ans quand il était encore gouverneur de Guanajuato. Nous avons discuté pendant au moins cinq ou six heures de problèmes écologiques, de son Etat, de problèmes agricoles, de la sécheresse, d’un tas de choses qui intéressent un gouverneur, de développement technique, de marchés, de problèmes de toute sorte. Nous avons parlé énormément, il s’est intéressé à beaucoup de choses, au point que quand il a été élu président, il a déclaré qu’il allait demander la coopération de Cuba dans les domaines de l’éducation, de la santé et du sport, parce que c’était le pays qui avait le plus d’expérience. C’était la première fois dans l’histoire du Mexique qu’un président, en toute modestie, faisait ce genre de déclaration.

Et il a été objectif, parce que je crois qu’il a raison, que nous avons le meilleur système de santé, le plus juste, le plus équitable, et le meilleur système d’éducation et de sport au monde. Non, je n’hésite pas à le dire. Surtout que ce sont des domaines, surtout la médecine, l’éducation et la culture, où nous allons continuer d’aller énormément de l’avant. Les exploits que notre pays peut désormais faire en médecine, son énorme capital humain, aucun autre pays au monde ne les a ; des médecins capables de se rendre à n’importe quel endroit du monde, aussi difficile que ce soit, aucun autre pays ne les a. L’Europe et les Etats-Unis auraient beau se joindre pour en chercher des pareils, des médecins capables de prêter des services de santé intégraux, ils ne les trouveraient pas. Les médecins que nous pouvons réunir en une semaine, ils ne les réunissent pas eux en dix ans, et ils ne peuvent le faire à tout casser que pour une quinzaine de jours. Et ce ne serait guère plus que le cinquième de ceux que nous envoyons, nous, et qui sont loin de représenter le total de notre potentiel de santé. Oui, Fox a été honnête.

Le maire de Santiago de Chili, Joaquín Lavín, qui est aussi président de l’UDI, a voulu venir ici pour étudier notre système du médecin de la communauté. Et nous lui avons dit oui aussitôt avec beaucoup de plaisir. C’était surtout ça qui l’intéressait. Mais nous pouvions aborder à la réunion bien d’autres thèmes, nous n’interdisons pas à nos visiteurs, bien entendu, de parler de ce qu’ils veulent. Nous accueillons tous les visiteurs avec toute l’hospitalité requise.

Nous étions donc en train de converser. Je l’avais d’ailleurs déjà vu, parce qu’il avait visité l’Ecole de travailleurs sociaux et que j’y étais moi aussi. De toute façon, vous ne pouvez comprendre ce genre d’école, et la mission d’un travailleur social, que si vous l’insérez dans tout un programme très ambitieux de nature sociale. Et je souhaitais qu’il le connaisse.

J’y avais déjà été quand Oliver Stone était venu. Il voulait connaître une école. Nous y avions alors une réunion. C’était l’époque où l’on changeait les écoles qui participaient à la campagne contre le moustique porteur du dengue, celle de Villa Clara, celle d’Holguín et celle de Santiago. J’y suis allé et j’ai bien tout observé. Il y avait aussi plus de cent Nord-Américains en visite, membres d’un mouvement de jumelage entre des villes des Etats-Unis et de Cuba, et que j’ai revus ensuite à Matanzas. J’ai même contribué d’une certaine manière à expliquer en quoi consistait l’école. Oliver Stone était là, mais je me suis rendu compte qu’il fallait compléter les informations qu’on lui avait données par d’autres.

Bref, ce soir-là, je pensais même inviter les Chiliens à dîner à la fin de notre conversation. Avant, Lavín m’avait demandé un entretien à part qui s’est prolongé plus que prévu, parce que nous avons abordé d’autres thèmes pour connaître nos opinions respectives sur tel ou tel point. Pas un débat, juste une façon de se connaître. Et c’est alors que Carlitos frappe à la porte et me dit qu’il a des informations importantes à me donner. Je sors et il m’informe que des désordres sont en train de se produire à l’ambassade du Mexique, qu’un bus est entré violemment en se lançant contre la grille. Il m’informe à peu près dix minutes après cette histoire du bus.

J’explique donc au visiteur ce qu’il se passe, je lui demande de bien vouloir m’excuser et je lui dis que nous pourrions poursuivre la conversation le lendemain, à moins qu’il ne préfère attendre mon retour : « Ça va me prendre au moins une heure », lui ai-je dit. En fait, ça m’a pris deux heures et quelque.

Laissez-moi consulter ma chronologie :

« 23 h 15 : je demande aux visiteurs de me permettre de m’absenter au moins une heure.

« 23 h 16 : je sors du bureau et me rends au département de renseignements de la ville pour préciser la situation. »

J’étais tout près, dans la même direction, en sortant du palais. L’ambassade mexicaine est de l’autre côté de l’Almendares.

« 23 h 32 : j’analyse en détail la situation avec le chef de la Direction général des renseignements et les mesures à prendre » - celles qui ont déjà été prises et d’autres à prendre – « et je réunis les données pertinentes pour informer la population. »

Il fallait informer la population au plus tôt. Une question élémentaire. Je prends donc des notes sur un calepin. C’est là que j’obtiens les premiers renseignements sur ce qui a provoqué le problème, le discours à l’Institut culturel, dont les premiers fruits n’ont pas été, hélas ! les meilleurs, la manipulation qu’en a fait la radio subversive, si mal nommé « radio Martí ». Tout était absolument clair : à dessein et destiné à un public bien ciblé. Quelque chose – comme quelqu’un l’a dit ici hier – qui rappelait les faits du 5 août 1994, les désordres provoqués par de fausses nouvelles sur la prétendue arrivée de bateaux qui viendraient ramasser des gens.

Je collecte donc des données, j’éclaircis les faits, parce que je comprenais ce qu’il s’était passé, afin de rédiger sur-le-champ une note officielle. Presque comme le 5 août. L’autre fois, Felipe était là, et cette fois-ci aussi ; et Lage aussi les deux fois ; le lendemain, non, parce qu’il y a eu une longue réunion du Conseil des ministres et qu’il était mort de fatigue, après deux jours sans dormir, le 28 au soir. Le 27, venait s’ajouter Carlitos Valenciaga. Nous étions quatre, plus José, qui était à l’arrière. Moi, j’étais assis là où je m’assieds toujours dans la jeep. Je regrette vraiment d’avoir tout appris si tard.

Après, je leur demande de donner des instructions pour qu’on précise ce qu’a dit chacun, afin d’en disposer le lendemain, parce que dans la note officielle tout ce qu’on pouvait dire c’était ce qu’il s’était passé. Il fallait préparer d’autres données pour le lendemain. Mercredi 27 février, puis jeudi 28. Réunir des informations, à toute vitesse, pour que la note paraisse dans la presse du matin.

« 00 h 13 – je reprends mes notes que j’ai interrompues à 23 h 32, après ces analyses, la réunion et la collecte d’informations – : je fais une petit incursion à l’endroit, je converse même avec certains des groupes de gens qui continuaient de rôder autour de l’ambassade » – ils ont été très aimables, je dois le dire, mais c’étaient des groupes un peu à la traîne, parce que le moment critique avait eu lieu autour de 22 h 30 quand le bus avait foncé à toute vitesse sur la grille – « je poursuis jusqu’à l’ambassade et je m’arrête devant l’entrée, là où le bus avait pénétré. Je constate la situation et discute avec les responsables. Puis je laisse les compañeros qui sont sur place et rentre au palais de la Révolution. »

Tout ça le 27.

Randy Alonso. Nous sommes déjà le 28 dans la nuit.

Arleen Rodríguez. Oui, nous sommes l’autre jour.

Fidel Castro. Alors, je conclus la note ou plutôt je la dicte à toute vitesse et je reprends mon entretien avec mes invités qui m’avaient très aimablement attendu. Il est 2 h 55 du matin.

J’ai le privilège et la chance de pouvoir compter sur des compañeros qui font une note à la vitesse grand V, qui la distribuent et l’envoient partout. Là, le directeur de l’orchestre, c’est Carlitos (rires), si bien que chaque fois que je le cherche, je ne le trouve pas parce qu’il est toujours en train de faire quelque chose. Bon, ça c’est l’histoire du 27.

Je passe maintenant au 28 février. Je suis tranquille. Je sais que ceux d’en face se sont mis le doigt dans l’œil jusqu’au coude, qu’ils se sont emballés à tort et qu’ils ont commencé à faire des tas de crétineries, d’idioties. Parce que le pays d’aujourd’hui n’est pas celui de 1994. Ils ne savent pas à quoi ils se heurtent. Donc, le plus grand calme. Nous avions rempli notre devoir de protéger l’ambassade mexicaine. J’avais dit à nos forces : « Vous devez la protéger coûte que coûte ; vous ne devez pas employer d’armes sous aucun prétexte ; à mains nues. »

Le 28 février, à 15 h 13, je reçois un coup de téléphone du président du Mexique, très amical, très respectueux, qui me remercie de ce que nous avons fait, autrement dit des mesures de protection de l’ambassade. Des dépêches ont affirmé ensuite qu’il m’avait remercié d’avoir fait évacuer l’ambassade. C’est faux. Il m’a remercié à deux titres de ce que nous avions fait le 27 : d’abord, que je me sois rendu personnellement à l’ambassade, ensuite que nous ayons pris des mesures pour la défendre. Une conversation très aimable, très amicale, très constructive. Il a dit qu’il espérait qu’on trouverait une solution au problème. Une conversation de quelques minutes. Je dois être discret à ce sujet, vous comprenez. En tout cas, il me téléphone pour me remercier d’avoir protégé l’ambassade.

Maintenant, la suite. J’ai des détails de ce qui s’est passé le matin. Je ne veux pas mentionner de noms de fonctionnaires, c’est inutile, pour ne faire du tort à personne, bien que tout ceci ait été normal, légal et correct. Mais si vous dites des noms, alors ceux d’en face recourent aux menaces et à des choses de ce genre. Le matin, donc, à 9 h 30, notre ministère des Relations extérieures reçoit une communication selon laquelle le gouvernement mexicain veut éviter à tout prix une crise bilatérale et qu’il est très fâché de la situation qui s’est créée à l’ambassade : « Pour le Mexique, il est très important d’éviter une crise bilatérale. La manipulation des déclarations de Castañeda à Miami a été de toute évidence préméditée pour faire du tort. »

Bien, j’en suis à 12 h 30. « Arrivée à La Havane du sous-secrétaire des Affaires étrangères du Mexique, Iruegas, qui a été reçu à l’aéroport par le directeur pour Amérique latine de notre ministère. Selon les commentaires d’Iruegas, les déclarations de Castañeda à Miami ont été de toute évidence manipulées.

« Il répète que le Mexique était conscient de la condition des gens qui sont entrés à l’ambassade et qu’il demanderait notre aide pour régler la question de la manière la plus discrète possible.

« Iruegas a dit qu’il se rendrait directement à l’ambassade pour rencontrer les gens qui y étaient entrés pour leur suggérer de l’abandonner, en leur faisant clairement comprendre qu’ils ne pourraient pas voyager au Mexique en utilisant ces méthodes.

« Il a ajouté qu’il ferait son possible pour leur faire abandonner l’ambassade de leur propre gré et qu’en cas contraire, il converserait avec nos autorités pour envisager la façon d’utiliser la police de notre pays de la façon la mieux appropriée et la plus discrète. »

16 h 40. « Le vice-ministre des Relations extérieures et le directeur pour l’Amérique latine reçoivent le sous-secrétaire mexicain et le chargé d’affaires. Le sous-secrétaire informe avoir rencontré les personnes entrées dans l’ambassade qui demandaient au Mexique de les aider à partir de Cuba et à trouver du travail là-bas, mais qui refusaient d’abandonner l’ambassade. »

Ce sont des enfants gâtés ! Ils n’acceptent rien, seulement un soutien universel immédiat, une attitude qu’alimente d’ailleurs, comme vous l’avez signalé, le porte-parole du département d’Etat : Attention, attention à l’intégrité de ces « jeunes gens », le Mexique doit respecter les droits de l’homme et je ne sais combien de fadaises de ce genre ! Des pressions sur le Mexique, quoi ! Alors, vous pensez bien, ces gens-là connaissent tout ça par cœur…

« Le sous-secrétaire a informé avoir dit aux occupants que le Mexique se sentait agressé par ce qu’ils avaient fait et qu’ils n’y iraient pas parce que ce n’était pas là une façon d’entrer dans une ambassade. »

La position du gouvernement mexicain est sans faille, bien fondée.

« Le sous-secrétaire a demandé si nous l’autorisions à dire à ces personnes que nous leur donnions des garanties qu’elles pourraient sortir et qu’il ne leur arriverait rien, pour les faire sortir ainsi peu à peu dans des voitures de l’ambassade. »

Si nous l’avions fait autrefois, et c’est vrai que nous l’avons fait, c’est une erreur, parce que ça détruit tout le système de protection des ambassades et incite à y pénétrer de force.

« On lui a répondu que nous ne pouvions pas donner cette garantie, car ces personnes devaient être jugées pour le crime qu’elles avaient commis de détourner un bus et de recourir à la violence. Si ces actions restaient impunies, cela mettrait en danger la sécurité des sièges diplomatiques. On lui a expliqué que le mieux serait que ces personnes sortent de leur plein gré.

« Le sous-secrétaire a répété que ces personnes refusaient d’abandonner l’ambassade de leur gré et qu’il fallait agir au plus vite. Il a suggéré la possibilité de le faire au petit matin, discrètement, sans recours excessif à la force.

« A 23 h, l’ambassadeur mexicain, Ricardo Pascoe, qui était arrivé dans notre pays à 21 h 40, dans un vol d’Aerocaribbean en provenance de Cancún, téléphone chez lui au vice-ministre Núñez Mosquera pour lui réitérer la demande faite par le sous-secrétaire Iruegas et lui dire que, le cas échéant, il pouvait lui remettre une lettre signée de sa propre main contenant cette demande. »

Nous n’avions encore rien décidé. Il était onze heures du soir.

« Le vice-ministre a téléphoné au bureau de Felipe qui a retransmis l’appel à celui du compañero Valenciaga. Celui-ci a téléphoné au palais des Congrès où, une fois conclue la réunion du Conseil des ministres et des présidents provinciaux et municipaux du pouvoir populaire, et des premiers secrétaires du parti dans chaque province, j’étais en train de rédiger la seconde note officielle qui donnait les antécédents de treize des vingt et un occupants de l’ambassade mexicaine. »

Il me semblait très important que l’opinion publique nationale et internationale sache qui étaient ces gens-là. Pendant toute la journée, en effet, on avait recherché leur identité et leurs antécédents, parce que j’avais soupçonné aussitôt de quel genre étaient les auteurs de l’attaque. Du genre de ceux qui prennent la mer illégalement en vertu de la loi d’Ajustement et en vertu du même privilège qu’octroie cette loi aux Etats-Unis. Si vous êtes un délinquant, en effet, c’est l’endroit idéal pour voler. Il y a bien plus de choses à voler qu’ici. Si vous aimez voler, c’est sûr que le marché de là-bas est préférable au marché d’ici, d’autant qu’il est probable qu’on vous découvre ici un jour ou l’autre et qu’on vous punisse. Ailleurs, on ne punit même plus les vols. Le délit plonge la société dans le chaos, la dépasse, si bien que les pays deviennent ingouvernables. Ici, du moins on punit les crimes, et pas tous, il faut le dire. Mais quand vous analysez ce qui se passe, disons, au Mexique et dans bien d’autres pays, vous tombez des nues, vous restez stupéfaits.

J’étais donc en train de rédiger la seconde note, parce que j’avais en main le casier judiciaire de treize des vingt et un occupants. Une sacrée proportion !

Il fallait, avant de poursuivre le débat sur ce qu’il s’était passé ou non, que l’opinion publique sache qui étaient les locataires de l’ambassade, bien que nous ayons par ailleurs cette demande d’agir au plus vite, ce que je comprends parfaitement. Cette position du gouvernement mexicain me semblait intelligente, parce que si les nouvelles se savaient au Mexique… Là-bas, bien des gens sont amis de Cuba, bien des personnalités importantes de différentes forces politiques, pratiquement de tous les partis mexicains, qui s’opposent résolument à ce que leur gouvernement soutiennent les manœuvres des Etats-Unis à Genève. D’autant que des pressions s’exerceraient de l’extérieur pour promouvoir l’impunité des agresseurs…

Il est incontestable que, compte tenu de la façon dont les événements s’étaient produits, des imprudences commises, la situation allait se compliquer le lendemain, et nous souhaitions coopérer avec le gouvernement mexicain. Nous étions aussi inquiets des risques de problèmes politiques qui pouvaient surgir au Mexique à cause de ça, parce que tout était extrêmement scandaleux, à plus forte raison quand on connaîtrait l’engeance de ceux qui étaient entrés dans l’ambassade.

Deux problèmes donc : un, la nécessité d’informer ; deux, la nécessité de répondre vite à la demande du gouvernement mexicain dont les représentants attendaient notre réponse avec impatience, ce qu’on comprenait, pour les raisons que j’ai expliquées. Plus on tarderait à régler la question, plus le cas se compliquerait, et plus cela pouvait faire du tort au Mexique et causer des problèmes à l’intérieur.

Je n’ai pas à reprendre les arguments, n’importe qui comprend la situation, compte tenu de tout ce que vous avez dit ici et de tout ce qui a été publié. Oui, ça risquait de devenir un problème au Mexique même et nous ne le souhaitions absolument pas.

Il était essentiel que ça se sache, mais nous insistions pour que les fonctionnaires mexicains persuadent les occupants de sortir volontairement, parce que nous ne voulions pas utiliser notre personnel. Autrement dit, nous n’avions pas encore répondu à la demande du Mexique.

« Minuit. L’ambassadeur mexicain retéléphone au vice-ministre pour lui dire que la lettre est prête et lui demander comment il peut la lui remettre.

« Le vice-ministre lui répond qu’il le recevra à minuit et demi au ministère et il en informe aussitôt Felipe qui lui donne des instructions d’accepter le lettre.

« 00 h 30 – nous sommes le 1er mars, puisque l’année n’est pas bissextile – : quand je sors du palais des Congrès, on me demande s’il faut accepter ou non la lettre de l’ambassadeur mexicain. En voiture, j’appelle Carlitos, lui demande des précisions au sujet de cette consultation et lui indique de dire à Núñez Mosquera d’accepter la lettre » - Felipe avait fait pareil de son côté, mais je ne le savais pas – « et je lui dis de lui dire d’accepter le document et de faire savoir aux Mexicains de ne pas s’impatienter au sujet de la mesure dont ils voulaient qu’elle soit prise au plus vite. »

« 00 h 35 : l’ambassadeur mexicain et le sous-secrétaire remettent à notre vice-ministre et au directeur pour l’Amérique latine la note dans laquelle ils demandent expressément l’évacuation de l’ambassade ».

Notre vice-ministre, qui n’avait pas encore reçu mes instructions puisque, comme vous pouvez le constater, les Mexicains remettent la lettre juste cinq minutes après, leur dit simplement qu’ « il fera suivre». Il demande à l’ambassadeur où il sera, et celui-ci lui répond qu’« il attendra dans son bureau ».

« 00 h 37 : j’arrive au palais avec Lage, j’appelle Carlitos et lui demande d’envoyer une sténo-dactylo pour lui dicter la note informative intitulée "De quel acabit sont les individus utilisés par la mafia terroriste de Miami et le gouvernement des Etats-Unis". »

Mais il reste ensuite à s’entretenir avec l’ambassadeur, à lui donner une réponse à cette demande d’agir vite.

« 00 h 50 : notre vice-ministre téléphone à l’ambassadeur pour lui dire que la note qu’il a remise suit son cours et lui demander de ne pas s’impatienter. » C’est donc à cette heure qu’il l’informe des instructions reçues. Nous devions d’abord conclure la note 2, parce que nous constations clairement qu’il y aurait deux nouvelles : la note au sujet de l’acabit de ces gens-là, et si nous adoptions la décision de les faire évacuer.

C’est à 02 h 30 en fait que nous avons pu envoyer la note 2, après l’avoir révisée, aux journaux et à tous les organes de presse, pour que Granma et Juventud Rebelde la publient au matin, et à la radio. La télévision ne fonctionne pas à cette heure.

« 3 heures du matin. On décide d’envoyer la note aussitôt au Mexique afin que les médias du pays la connaissent » – pour que les Mexicains sachent quels étaient les gens qui s’étaient logés dans l’ambassade – « on l’envoie aussi à Ponce, du bureau de presse cubain, qui se trouve en compagnie de treize médias étrangers au carrefour de la 7e avenue et de la 10e rue, en train de surveiller l’ambassade dans l’attente qu’il se passe quelque chose » - en fait, ils assuraient une rotation parce qu’ils s’ennuyaient – « et on l’envoie aussi au Centre de presse international et à l’Institut de la radio et de la télévision. La radio a commencé à la retransmettre à partir de 3 h 30 du matin. » Je crois que ça a été un peu avant, mais c’était tard de toute façon.

« Nous n’avons répondu à la demande d’évacuation de l’ambassade qu’à trois heures et quart du matin.

« C’est en compagnie du ministre Felipe Pérez Roque et du vice-ministre que je reçois au palais de la Révolution le sous-secrétaire Iruegas et l’ambassadeur Pascoe. »

Il était trois heures et quart du matin, et ils voulaient une action à quatre heures.

« Compte tenu de la demande qu’ils avaient faite, on leur a dit que l’action commencerait à 4 h 30 du matin, et on leur a demandé leur avis sur la note qui serait publiée sur la question aussitôt après l’opération. »

En effet, en plus de la note 2, il a fallu rédiger avant leur arrivée un projet de note informant de l’action d’évacuation des gens qui avaient envahi l’ambassade. Elle était rédigée en fonction de l’idée dont on pensait que se déroulerait l’opération.

« L’ambassadeur et le vice-ministre mexicains se retirent à 3 h 39 du matin en direction de l’ambassade pour être présents à l’heure de l’opération.

« A 3 h 45 du matin, je sors du bureau en compagnie de Felipe, de Núñez Mosquera et de Carlitos. »

Nous avions dit à Lage d’aller se reposer. L’opération allait commencer et nous allions en observer le déroulement.

« 3 h 51 du matin. A la Direction des renseignements de La Havane, en compagnie du général de division Carlos Fernández Gondin, du général de brigade Armando Quiñones Machado et du chef du détachement opérationnel José Rodríguez, nous analysons le plan d’évacuation dans tous ses détails, en insistant beaucoup sur le fait que les hommes devaient y aller désarmés, utiliser la force physique minimale en cas de résistance, en exhortant dès le premier moment les assaillants à coopérer, en leur faisant savoir les instructions qu’ils avaient reçues. »

Bref, ils devaient faire connaître leur mission aux occupants qui se trouvaient tous ensemble dans la bibliothèque. Les fonctionnaires mexicains n’avaient pas pu les séparer, faute de place. Et le chef de l’opération avait reçu des instructions de les inviter aussitôt à coopérer.

« L’opération avait été planifiée d’avance en détail par les chefs et le personnel du Détachement spécial. »

Ils avaient toutes les cartes nécessaires, tous les renseignements, toutes les variantes face aux diverses éventualités.

« L’opération s’est réalisé à l’heure exacte prévue, en quatre minutes et trente-trois secondes, sans le moindre incident. »

Je le sais, parce que j’ai calculé la durée avec cette montre que vous voyez (il la montre) et qui est exacte. Les vues passées à la télévision ici-même ont été prises de l’extérieur de l’ambassade, l’entrée et la sortie. J’ai compté le temps exact qui s’est écoulé entre le moment où les hommes du Détachement sont entrés et celui où ils sont ressortis. Quatre minutes et trente-trois secondes. On avait calculé six minutes, mais ça a pris moins de temps.

« La coordination avec le vice-ministre mexicain, l’ambassadeur et le personnel diplomatique a été précise, sereine et extrêmement utile. »

Je dois le dire. Ils ont fait preuve de fermeté.

En revanche, j’ai moins aimé l’explication qu’a donnée ensuite l’ambassadeur en conférence de presse. Comme j’ai la manie du détail et de la vérité, je n’apprécie pas qu’il ait dit qu’ils étaient là un peu pour nous surveiller. Ou en tout cas pour surveiller comment se déroulait l’opération. Trois petits détails.

Randy Alonso. Oui. Excusez de vous interrompre un moment, comandante. Taladrid a signalé, quand nous parlions de l’opération, une différence entre la note officielle publiée dont vous avez dit qu’elle avait été discutée avec la partie mexicaine et qui parle de « souhait » - vous avez d’ailleurs dit vous-même que celle-ci souhaitait vivement que la situation se règle au plus vite à cause de la situation intérieure au Mexique – et les affirmations de l’ambassadeur en conférence de presse selon lesquelles il avait présenté trois conditions à notre pays. C’est un peu curieux, n’est-ce pas ? D’un côté, un souhait, de l’autre des conditions…

Fidel Castro. Oui, oui, j’ai vu cette déclaration, et je l’ai même demandée à Taladrid. Peux-tu nous lire les trois conditions dont il parle ?

Reinaldo Taladrid. L’ambassadeur Pascoe a affirmé :

La première condition, c’est que nous avons dit que le gouvernement mexicain n’aurait pas ensuite l’intention de présenter la moindre action judiciaire contre ces personnes. Autrement dit, nous n’avions pas dans l’idée d’engager un conflit juridique avec ces personnes, ni de les poursuivre devant la justice.

Deuxièmement, nous avons exigé que ce soit une évacuation faite par des policiers désarmés, parce qu’ils allaient entrer dans le siège diplomatique d’un autre pays, et que c’est par respect pour ce pays que nous demandions que les policiers entrent sans armes dans nos locaux.

Troisièmement, cette action policière devait se faire dans le respect le plus absolu des droits de ces personnes, nous demandions que ce soit une évacuation pacifique, étant entendu bien sûr qu’il s’agissait d’une expulsion.

Fidel Castro. C’est dommage, oui, c’est vraiment dommage, parce que le vice-ministre et lui-même ont eu une excellente attitude. Mais je vois dans l’obligation de dire comment les choses se sont passées exactement…

Le premier point est rigoureusement vrai, l’intention de ne pas engager de poursuites judiciaires. Mais le second et le troisième, je ne dirais pas qu’il s’agit d’un mensonge : je dirais donc, avec délicatesse, que c’est la différence entre la vérité et la fiction, et je peux le prouver, car j’ai ici la fameuse lettre qui dit textuellement :

Monsieur le ministre,

J’ai l’honneur de m’adresser à Votre Excellence au sujet des faits regrettables survenus aujourd’hui, 27 février, à 22 h 45, quand un groupe de personnes est entré violemment dans l’enceinte de l’ambassade.

Comme vous le savez, ce soir plusieurs centaines de personnes ont entouré nos bâtiments dans l’intention de les envahir.

Bien que les autorités policières aient tenté de préserver les locaux, un groupe de dix-sept personnes est malheureusement parvenu à entrer en projetant un bus contre la porte principale, ce qui a causé des lésions sérieuses à deux personnes qui se trouvaient dans le véhicule…

Je tiens à préciser qu’il y en a eu plus de deux. Il y a eu neuf blessés au total : cinq policiers ou civils, si l’on inclut le moment où ces gens-là ont jeté des pierres contre un autobus pour le stopper et un particulier au volant d’une voiture et d’autres personnes, comme un passager du bus qui n’a pas pu descendre à temps et qui a été grièvement blessé quand le bus a embouti la grille, et quatre autres de ceux qui ont détourné le bus ou qui ont voulu profiter de l’occasion pour pénétrer. Neuf blessés au total, donc, et non deux. L’ambassadeur poursuit :

…deux personnes qui se trouvaient dans le véhicule et qui ont pu être soignées par les services médicaux de la ville.

Oui, parce qu’ils nous ont demandé aussitôt d’envoyer des médecins pour les examiner et de faire évacuer les blessés graves. Il a fallu évacuer ces blessés-là et d’autres qui avaient été atteints par les pierres lancées contre le bus et aussi un chauffeur d’une voiture qui passait dans le coin et qu’ils ont tenté d’arrêter en lui jetant des pierres.

Quatre autres sont entrés, selon ce qu’ils ont dit…

Oui, parce qu’ils ne sont pas tous entrés dans l’autobus. Je crois que trois sont entrés à travers la nonciature, qui est mitoyenne, et ont été découverts le lendemain dans des toilettes.

Quatre autres sont entrés, selon ce qu’ils ont dit, un depuis la 14e rue, et les autres par les terrains de la nonciature mitoyenne. Au total, vingt et une personne sont encore dans l’ambassade du Mexique.

Bien que nous leur ayons demandé à maintes reprises d’abandonner l’ambassade d’une façon pacifique, ils ont refusé de le faire. Dans de telles circonstances, et bien que le gouvernement mexicain n’ait pas l’intention de présenter des accusations formelles contre ces personnes, je me vois dans la nécessité de demander à Votre Excellence de faire le nécessaire pour évacuer l’ambassade.

Je saisis l’occasion pour réitérer à Votre Excellence…

La formule habituelle et la signature (il les montre). Comme vous pouvez le constater, aucun des deux points n’apparaît ici.

A vrai dire, dans la note nº 3, que nous avons eu la délicatesse de lui montrer quand le projet avait déjà été rédigé, c’est moi qui ai introduit la phrase suivante : « Le gouvernement mexicain a exprimé le souhait que cette mesure soit prise de façon à éviter le moindre dommage physique aux intrus et avec l’emploi de la force minimal. » Oui, cette phrase, c’est bel et bien moi qui l’ai introduite, parce que j’avais déjà rédigé le projet et que je le lui ai montré. Iruegas, pour sa part, a suggéré un autre mot.

Randy Alonso. Intrus.

Fidel Castro. Oui, j’avais employé le mot "assaillants" et ils ont voulu mettre "intrus". Nous l’avons accepté tout de suite.

C’est aussi moi qui ai donné des instructions au chef du détachement de ne pas porter d’armes. En effet, qui d’autre aurait le droit de demander ou d’exiger que ces hommes entrent désarmés dans l’édifice ? Et si les autres avaient caché des armes à l’intérieur, ou si quelqu’un en avait introduit à travers la nonciature ou par n’importe quel autre endroit ? Oui, c’est moi qui leur ai donné des instructions de ne pas porter d’armes, tout comme c’est moi qui ai dit aux gardiens de l’ambassade de ne pas utiliser des armes au moment où ils étaient en minorité, qu’ils étaient un petit groupe de policiers face à plus de deux cents individus qui forçaient pour entrer dans l’ambassade et qui avaient déjà provoqué des tumultes. Et quand le bus a foncé sur la grille, ça a été un miracle qu’il n’ait pas tué les deux gardiens qui se trouvaient le plus près : ce sont deux de leurs collègues qui les ont poussés brusquement pour éviter qu’ils soient écrasés contre la grille.

Et puis il y avait aussi les autres aspirants à entrer dans l’ambassade, qui n’étaient pas très loin, et qui, voyant le bus enfiler à toute vitesse dans une rue, se sont précipités à leur tour vers la grille pour profiter de la confusion et tenter d’entrer. Les hommes qui protégeaient l’ambassade sont parvenus courageusement à empêcher que des centaines de personnes n’y pénètrent. Ça a été le mérite des gardiens qui y étaient là et qui n’étaient pas nombreux, je le répète.

A un moment donné, il y a eu beaucoup de bousculade, et deux journalistes ont même été pris dans la mêlée. Je ne sais pas s’ils ont reçu un coup ou s’ils ont perdu leurs appareils photo et leur caméra… Nous sommes restés en contact avec eux ensuite, ils ont agi très décemment, ils ont compris que la police n’avait aucune raison d’agresser des journalistes. En tout cas, vous pouvez imaginer un petit groupe de policiers sur lequel on précipite un bus qui a failli en tuer plusieurs. Et aucun d’eux n’a utilisé ses armes ni n’a même tiré en l’air, et les autres en ont profité pour tenter d’entrer par la brèche que le bus avait ouverte. Je crois savoir, parce que j’ai demandé des informations, que c’est à ce moment-là, vers 22 h 30, que les journalistes ont été pris dans la mêlée parce que, en bonne logique, ils voulaient suivre les événements de près.

Je ne sais pas si d’autres gardiens sont apparus ensuite dans le coin avec des chiens. Je ne m’explique pas ce que faisaient ces chiens à cet endroit, parce que nous n’en utilisons jamais pour maintenir l’ordre dans des circonstances pareilles. Nos hommes ont assez de courage à eux tout seuls. En tout cas, je ne sais pas comment ces chiens sont apparus là, on l’a vu à la télévision. Non, nous, nous n’utilisons pas les chevaux, ni les gaz lacrymogènes, ni les lances d’arrosage, ni rien de tous ces appareils qu’on utilise tous les jours en Occident pour réprimer les travailleurs en grève et les manifestants. Je me demande quel rôle auraient pu jouer les chiens…

Notre honneur, notre gloire, c’est d’agir sans protection quand il s’agit de gens désarmés. Et si les autres sont armés, eh ! bien, nous avons tout le courage nécessaire pour les affronter à la loyale. Notre peuple l’a prouvé plus d’une fois. Je ne sais pas qui a eu l’idée de faire venir des chiens… Les chiens, que je sache, servent à d’autres missions. Dans des cas pareils, il existe des moyens plus efficaces. Il suffirait de lancer des gaz lacrymogènes pour disperser tout le monde, mais nous n’avons jamais utilisé ce genre de moyens. C’est justement parce que nous sommes décents qu’il a fallu se battre à bras-le-corps contre ces individus bernés et confondus. Les nôtres n’ont pas utilisé d’armes. Si non, combien aurait-on compté de blessés, s’il y avait plus de deux cents personnes camouflées derrière le bus… ?

Randy Alonso. Ç’aurait été une provocation encore plus grave si on n’était pas parvenu à freiner cette avalanche de gens.

Fidel Castro. Mais non, mais non, souviens-toi que c’est une « petite provocation ». Tout ce que j’ai raconté n’était qu’une « petite provocation ».

Qui aurait pu nous imposer la manière dont nos hommes devaient agir et dont ils devaient se défendre ? Nous étions les seuls à pouvoir donner des ordres. Et nous n’aurions pas admis de conditions, car nous aurions répondu non. Et nous continuerons de faire notre devoir, qui est de protéger les ambassades.

Penser que nous aurions pu accepter des conditions qui mettaient en cause la droiture et la netteté avec lesquelles nous agissons toujours, c’est mal nous connaître ! Nous n’avions aucun intérêt à envahir le territoire mexicain, ni à y pénétrer, tant s’en faut. Et si les intrus avaient été armés ? De quel droit aurait-on pu dire à nos hommes : « Allez-y sans armes » ?

Et pourtant, nous avons couru le risque. Il fallait aussi connaître la psychologie, l’état d’esprit des occupants, jouer avec le facteur surprise, faire confiance à l’habileté de nos hommes, à leur bon entraînement qui leur aurait permis de les déloger même s’ils avaient été armés.

En tout cas, tout ce que je veux dire, c’est que ce genre de déclarations, ces à peu près nous blessent. Il n’y avait pas à nous imposer de conditions. C’est nous-même qui avons introduit cette phrase, parce que le vice-ministre, je l’ai dit, nous a ratifié que les occupants refusaient d’abandonner l’ambassade volontairement et il a suggéré la possibilité de les expulser au petit matin, discrètement, sans recourir à une force excessive.

Bien mieux : si nous voulions coopérer avec le gouvernement mexicain à une solution juste et honorable, nous devions nous escrimer pour qu’aucun des assaillants ne soit frappé ou blessé. Il ne s’agissait pas seulement d’une tradition de notre Révolution que nous avons toujours maintenue, mais d’une déférence envers le gouvernement mexicain. Personne n’avait à nous le demander comme si nous n’étions pas dignes de confiance, comme si nous étions des sbires, comme si nous allions lancer des grenades, tirer ou faire quelque chose de ce genre ! Donc, je le regrette, mais j’ai été contraint d’éclaircir ce point. De la fiction, je le répète, et je l’ai prouvé. En tout cas, oui, on nous a pressés fortement, et à plusieurs reprises, pour que nous agissions vite.

Arleen Rodríguez. De toute façon, comandante, la première condition n’en est pas une, de mon point de vue. Ne pas poursuivre les assaillants, ce n’est pas une condition.

Fidel Castro. C’est leur affaire à eux de ne pas les poursuivre, mais nous, nous avons la juridiction sur notre territoire.

Devons-nous permettre que de tels faits restent impunis ? Quelle garantie resterait-il alors aux autres ambassades que des gens du même acabit ne tentent de pénétrer en lançant un bus, un camion ou un engin blindé ? Nous l’avons dit et redit : personne ne partira de ce pays-ci après avoir pénétré de force dans une ambassade ! Et ça ne date pas d’hier, et ceux qui le prétendent devraient le savoir. Ils se convertiront en locataires permanents, ce dont aucune ambassade ne veut, parce que certaines ont connu ce genre de situations. Parce que comme ces locataires permanents sont des délinquants, si les fonctionnaires n’y prennent garde, ils se transforment en maîtres de l’ambassade…

Ce problème du droit d’asile, il faudra aussi l’analyser un jour ici, parce qu’on en a beaucoup abusé. Il suffit de lire les journaux des premières années de la Révolution. Des milliers de gens sont partis comme ça, et certaines ambassades étaient pleines comme un œuf. Les ambassades les laissaient entrer parce que ça faisait partie de la propagande et des campagnes contre Cuba, au nom du très fameux droit d’asile.

Durant toutes ces années de Révolution, Cuba n’a jamais usé du droit d’asile ; personne n’a demandé asile dans une ambassade, autant que je me souvienne. J’ai beau me creuser le crâne, je ne me rappelle aucun cas. Alors comme ça, maintenant, les gens auraient le droit d’entrer de force dans une ambassade ? Eh ! bien, non, nous ne le permettrons pas ! C’est notre prérogative et notre devoir, et je vous assure que nous le regrettons quand des situations pareilles se présentent.

En fait, l’ambassadeur mexicain est un reporter. J’ai parlé plusieurs fois avec lui, je l’ai même reçu le jour de son arrivée à La Havane, et le lendemain j’ai lu dans la presse mexicaine toute une série de reportages sur cette rencontre. Il aime bien être reporter. Chaque fois que j’ai une rencontre avec lui, il en fait le reportage dans des tas d’organes différents. Oui, mais un reportage, c’est un reportage, et vous pouvez même y admettre un peu de fiction. En revanche, sur des questions aussi essentielles, sur des questions de principe, je ne peux pas me résigner à accepter la fiction.

Quoi d’autre ? Que voulez-vous savoir de plus ?

Randy Alonso. Je suis d’accord avec Arleen que le premier point ne peut être considéré comme une condition, à plus forte raison quand l’ambassadeur en personne a reconnu à la conférence de presse que Cuba avait tout le droit de juger les assaillants et de faire appliquer les lois cubaines en territoire cubain. Donc, que le Mexique ne veuille pas engager des poursuites contre ces gens-là ne peut être considéré comme une condition.

Fidel Castro. C’est incontestable. Il ne le conteste pas, d’ailleurs, mais il enrobe tout ça dans d’autres choses qui n’ont rien à voir. Le fait est que nous avons subi des pressions pendant plusieurs heures pour donner une réponse. Nous lui avons même demandé son avis sur la note, et nous avons agi en fonction de ce qu’il souhaitait lui-même que nous fassions. Et nous avons aussi agi en fonction de nos principes, et parce que nous voulions aider le président mexicain. Nous voulions aussi collaborer à établir la vérité face la mafia et aux scélérats qui ont aussitôt commencé à dire des insanités, à déclarer la guerre, à prôner un boycottage ridicule du Mexique. Dans ce cas, ils devraient boycotter les voitures fabriquées au Mexique et qu’ils achètent, ou boycotter les milliers d’articles qui sortent des ateliers de montage à la frontière mexicaine. C’en est risible, et j’imagine que les Mexicains en rigolent…

Voilà donc les faits, et tout le reste ne tient pas debout. Je défie quiconque de me démentir.

Quelque chose de plus ? Avez-vous d’autres choses à demander ? Moi, il me resterait deux ou trois petites choses, mais j’ai peur pour l’heure. L’autre jour, nous avons fini presque à onze heures du soir, et je ne voudrais que l’histoire se répète aujourd’hui.

En tout cas, je voudrais signaler à quel point nous avions raison dans la première note de dire que c’étaient des délinquants, des malfrats. J’ai ici le dossier complet qui contient les antécédents policiers des cent vingt-deux personnes arrêtées dans la nuit du 27 et le 28 pour tentative de pénétration de force dans l’ambassade. Cent vingt-deux personnes, en plus des treize autres.

Randy Alonso. Treize délinquants sur les vingt et un qui ont bel et bien pénétré, ça fait 64 p. 100. Plus de la majorité, donc.

Fidel Castro. Et le taux de dossier-ci est à peu près similaire, au moins la moitié, parce que certains sont parvenus à s’enfuir sans être arrêtés. Après ça, bien entendu, on a redoublé les forces de police à l’entrée de l’ambassade. En tout cas, vers 21 h 30, la quantité de gens qui voulaient entrer a augmenté, et ça s’explique.

Ici, j’ai donc les noms et prénoms, les numéros de cartes d’identité, l’emploi, le lieu de résidence de tous ces gens-là. Là-dedans, vous avez des individus qui ont été punis, et parfois plus d’une fois, ou qui étaient alors en liberté sous caution, ou qui encore, parce qu’ils n’étaient pas dangereux, avaient fait l’objet d’un avertissement et avaient été relaxés. Il y a par exemple très peu de femmes, mais je ne vais pas en donner les noms pour ne pas les humilier. Elles sont très peu nombreuses, de toute façon ; certaines avaient fait l’objet d’un avertissement ou de plusieurs pour exercice de la prostitution. Nous ne publierons pas leurs noms. Peut-être qu’elles parviendront un jour à se réinsérer socialement et à devenir des femmes honorables.

Oui, ils sont tous là. Je peux ouvrir une page au hasard. Casier judiciaire : inculpé pour vol qualifié en 1999 (dénonciations 1367/99, 1487/99, 3317/99 et 3357/99). J’en ouvre une autre : arrêté en 1994 pour vol qualifié ; inculpé en 1996 pour port d’arme blanche (dénonciation 11412/96) ; toujours en 1996, inculpé pour désordre en établissement pénitentiaire (dénonciation 11021/96) ; en 1997, inculpé pour désordre sur la voie publique (dénonciation 11313/97) ; toujours en 1997, incarcéré pour vol qualifié ; en 1998, inculpé pour vol qualifié ; en 2001, arrêté pour investigation. Un autre, au hasard : en 1998, puni pour vol qualifié ; en 1999, inculpé pour violation de domicile (dénonciation 376/99 ; en 2000, puni pour vol qualifié. La liste va jusqu’au numéro 122. Et il y a des cas pires. Un vrai ramassis de personnes au casier judiciaire chargé arrêtées quand elles tentaient d’entrer dans l’ambassade mexicain, plus les treize entrés dans le bus. On peut dire que 2 sur 5 sont des délinquants. Et le reste, des marginaux et des asociaux. Que se serait-il passé si tous ces gens-là étaient entrés dans l’ambassade à l’invitation de la sinistre Radio Martí.

Quatre ou cinq ont dit qu’ils étaient des étudiants. Après enquête, aucun ne l’était. Un seul, des douze de l’ambassade, je crois, était élève d’une école d’arts et métiers.

Randy Alonso. Aucune profession libérale ?

Fidel Castro. Un moment. (Il révise sa liste.) Aucun. Aucune profession libérale, aucun intellectuel, aucun artiste. Peut-être y en avait-il un qui jouait de la guitare dans son quartier (rires). Pas un seul étudiant non plus. C’est d’ailleurs ce point que j’avais noté ici en conclusion :

« Il faut signaler que sur un total de plusieurs centaines de personnes, presque aucune n’avait un travail stable… » A moins qu’on ne considère comme travail stable le harcèlement des touristes ou des choses de ce genre. Pour nous, en tout cas, ce n’est ni stable ni honorable. « Il s’agissait en règle générale de désœuvrés habituels, qui gagnaient leur vie dans des activités illicites… » Attention, je dis bien « en règle générale », il peut y avoir des exceptions. Très peu ont dit qu’ils l’avaient fait par enthousiasme ou par esprit d’aventure. « La qualification de voyous et de délinquants leur va comme un gant, dans la mesure où aucun d’eux n’exerçait une profession libérale, alors que notre pays en compte des centaines de milliers, ni n’était intellectuel, artiste ou étudiant. Cuba, la vraie Cuba, n’a absolument rien à voir avec cette lie irresponsable et marginale utilisée pour cette provocation impérialiste. »

Non, rien à voir avec ce pays-ci. Nos nouvelles écoles sont pleines. Trois mille cinq cents élèves ici, deux mille là, des écoles d’animateurs culturels, de musique, des écoles de travailleurs sociaux, les écoles de formation intégrale que nous sommes en train de créer pour des dizaines de milliers de jeunes de dix-sept à trente ans qu’on appelait encore tout récemment « le chaînon manquant ». Pas un seul de ces jeunes, et pourtant ils étaient nombreux dans la capitale !

Et ceci nous ramène à la réalité, justifie l’effort colossal que consent notre pays aujourd’hui, parce que cette catégorie-là doit disparaître de notre société, et par la seule voie possible : par des programme d’éducation et de culture, exactement ce que nous sommes en train de faire.

Il existe un rapport, je l’ai dit, entre l’éducation et la culture d’une part, la délinquance de l’autre. Nous avons beaucoup d’informations à ce sujet : toute cette lie provient des imperfections du socialisme, du fait qu’il n’existe pas encore des chances vraiment égales pour tous les enfants. On en a parlé à bien des endroits. N’est-ce pas pour ça que nous formons des milliers de travailleurs sociaux et créons les écoles dont j’ai parlé ? N’est-ce pas pour ça que nous avons pesé 2 200 000 enfants âgés de jusqu’à quinze ans ? N’est-ce pas pour ça que nous distribuons 97 000 suppléments alimentaires à ceux dont le poids est inférieur à la norme de leur âge ? Qui ne sait en effet que l’intelligence d’un enfant subit des préjudices s’il est mal nourri ? N’est-ce pas pour ça que nous avons rendu visite à 505 000 familles de la capitale ? N’est-ce pas pour ça que les Brigades universitaires de travail social ont rendu visite à 76 400 enfants vivant dans ce qu’on appelle les quartiers marginaux ? Pourquoi tout ça ? Parce que nous sommes très conscients de ce que doit être une société vraiment juste et que nous sommes fermement décidés à l’atteindre !

N’est-ce pas pour ça que nous allons révolutionner l’enseignement primaire, bien que nos élèves de ce niveau et ceux du secondaire aient deux fois plus de connaissances en moyenne que ceux du reste de l’Amérique latine ? N’est-ce pas pour ça que nous cherchons à réduire la quantité d’élèves par classe ? N’est-ce pas pour ça que nous nous proposons de révolutionner de fond en comble l’enseignement secondaire, qui est celui de l’âge la plus importante et la plus critique des adolescents ?

Et nous ne rêvons pas, nous faisons des choses et nous avons vu les résultats. Ce ne sont pas des théories fumeuses. Pourquoi ? Parce que nous avons tout le capital humain, toute l’expérience et toutes les motivations du monde pour le faire.

Que les Etats-Unis votent, comme l’a dit quelqu’un, une loi d’ajustement pour l’Amérique latine, qu’ils ouvrent leurs portes aux Mexicains au lieu de les assassiner quand ils traversent la frontière ; qu’ils ouvrent ces portes dont ils disent qu’elles sont ouvertes aux Cubains, alors que ça leur importe comme leur première chemise que des enfants, des femmes et surtout des adultes meurent en traversant la frontière mexicaine – bien plus de victimes chaque année que de morts au Mur de Berlin pendant vingt-neuf ans – et on verra bien ce qu’il se passe !

Pourquoi les Etats-Unis ne légalisent-ils pas la situation des quatre millions de Mexicains illégaux qui ne peuvent pas rendre visite à leur famille, parce qu’ils ne peuvent risquer leur vie à la frontière à chaque allée et venue ?

J’ai posé des questions au président sur toutes ces questions. Je ne vais pas dire ce qu’il m’a répondu, mais c’est en tout cas un thème extrêmement important que celui des migrations. Je lui aussi expliqué en quoi consistait la loi d’Ajustement cubain. Pourquoi n’en demandons-nous pas une pour d’autres pays ? Eh ! bien, parce que c’est une loi assassine. Nous demanderions plutôt des ressources pour le développement, la fin de l’exploitation et du pillage, nous demanderions plutôt de l’éducation, de la santé et des emplois pour les peuples latino-américains, et non une loi d’ajustement. En tout cas, je me demande bien pourquoi, si les frontières entre les USA et le Mexique se sont ouvertes au passage des capitaux et des marchandises, elles ne le sont pas pour des êtres humains, au lieu de les abattre… C’est bien ce que je demanderais au porte-parole du département d’Etat, qui a dit tant d’âneries. Qui donc va croire ces contes à dormir debout, ces mensonges, cette hypocrisie, cette démagogie ?

Idem pour ce libelle qu’ils rédigent tous les ans au sujet des droits de l’homme dans d’autres pays. C’est là quelque chose de si hypocrite, de si mensonger, de si démagogique, de si cynique, que la seule destination d’un document pareil ne peut être, de mon point de vue, que sanitaire. C’est tout ce à quoi peut servir ce document sur lequel ils passent tant de temps, avec tout le respect que je dois à ce qui a trait au sanitaire (rires). Ce sont des fadaises, des mensonges. Ils n’ont pas d’arguments, ils n’ont rien, ce sont de vrais orphelins dans ce domaine. Sans parler de leurs contradictions. Oui, ma question est la suivante : quand allez-vous cesser d’abattre des Mexicains qui émigrent vers le territoire que vous leur avez arraché de force et qui y font les travaux les plus durs que personne ne fait ? Alors que là-bas ils gagnent… tout le monde sait ce qu’ils gagnent.

Toutes ces questions, tous ces thèmes, ces choses communes entre les Mexicains et nous, nous pouvons en discuter. Nous demandons que les USA suppriment cette loi assassine d’Ajustement, tandis que les Mexicains s’efforcent d’obtenir des relations plus humaines, de régler leurs problèmes migratoires.

Que de choses ne pourrait-on pas dire et discuter au sujet des droits de l’homme ? Mais les USA ne parlent pas de ça, ne s’inquiètent pas des enfants qui meurent comme des punaises en Amérique latine et dans le monde sous-développé. Evidemment, vous ne pouvez pas leur demander d’aller crier sur les toits que moins d’enfants meurent à Cuba que chez eux pour 1 000 naissances vivantes ; ou que les enfants cubains sont vaccinés contre treize maladies ; ou que notre taux de sidéens est le plus faible d’Amérique latine ; que la santé et l’éducation y sont les meilleures. Oui, même ça, parce qu’il est très probable que les voyous dont j’ai parlé avaient au moins le brevet !

Nous savons ce que nous faisons, mais ils n’ont aucun argument, eux, pour discuter avec nous. Et ils ragent d’impuissance pour n’avoir pas pu détruire la Révolution. Et ils ne le pourront jamais, malgré toute leur perfidie, leurs agressions, leurs calomnies et leurs mensonges.

Personne n’a plus confiance que moi dans notre pays, dans la Révolution, dans son œuvre, dans la classe de peuple sur lequel nous pouvons compter et dont aucun des excellents citoyens n’apparaît sur cette liste-ci.

Et même pour ceux-ci qui ont un casier judiciaire chargé, il faut se battre. C’est pour ça que nous faisons des programmes dont nous n’avons pas parlé.

Il s’agit de rééducation. Mais moi je dis qu’on ne peut rééduquer quelqu’un qui n’a pas été éduqué. Nous avons des idées sur la question. Mais avec réalisme, en sachant bien ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas. Ça prendra du temps, mais au rythme où nous allons, ça ne tardera pas trop. On verra bien dans cinq ou dix ans.

Nous n’éprouvons pas de mépris pour ces gens-là. Mais il faut les punir. Pas tous, mais au moins ceux qui ont lancé des pierres et ont blessé d’autres personnes. Je calcule qu’au moins cent trente devront passer devant les tribunaux pour des délits de droit commun. Qu’ils n’aillent pas dire que ce sont des prisonniers de conscience et des dissidents ! Ceux d’en face cherchent à tirer parti de l’incident et voir comment défendre ceux qui ont été arrêtés à cause de la provocation impérialiste.

Pas la peine, d’ailleurs, parce que c’est nous qui allons les défendre, même si nous devons les punir. Tous ? Non, celui qui n’est pas dangereux, ce ne sera pas nécessaire, il faut faire des distinctions, travailler auprès de chacun indépendamment de la punition qu’il lui correspond, voir comment il vit et l’inciter à un engagement envers la société.

Ceux du bus, c’est grave ; les agressions contre d’autres personnes, c’est grave. Voilà pourquoi nous avons répondu aux fonctionnaires mexicains que nous ne pouvions pas nous engager. Quiconque fait quelque chose de ce genre doit savoir qu’il sera puni ; quiconque entre dans une ambassade de cette façon ne partira jamais de Cuba. La sécurité des ambassades, nous la garantissons mieux que nulle part ailleurs, et nous ne ferons jamais de concessions qui la mette en danger.

Maintenant, on connaît mieux les coordonnées de tous ceux qui ont été sur place, qui ont jeté des pierres, parce qu’ils n’avaient pas tous été envoyés au même endroit, au même commissariat. Mais ils seront présentés devant les tribunaux en conformité avec leur faute et leurs caractéristiques. Qu’ils le sachent dès à présent ! Ah ! oui, il y avait aussi un certain nombre de ceux qui se disent dissidents, cherchant à provoquer, à cause des désordres, mais ils ne savaient pas à qui ils avaient à faire. Et ils l’ont su !

J’ai ici les opinions émises par un certain nombre de compatriotes. Si vous voulez, je peux même vous lire celles d’hier, 2 mars, pour que vous voyiez à quelle vitesse nous prenons l’avis des gens afin d’en tenir compte ensuite. J’ai ici 742 opinions de treize provinces. Je vais les lire, quoi qu’en dise.

Les Etats-Unis se sont trompés de nouveau. Ces idiots, ils ratent à chaque fois.

Ce sont des opinions représentatives, parce que nous ne manquons jamais de mettre les opinions contraires, même s’il n’y en a qu’une.

Ils ont voulu répéter le cirque de l’ambassade du Pérou, mais on les a attrapés et on les a fait sortir. Le spectacle qu’ils avaient préparé a été un four.

Le cirque de l’ambassade du Mexique a été préparé pour nous accuser devant la Commission des droits de l’homme de Genève.

Il n’y a que dans notre pays qu’on fait ça : entrer sans armes dans une ambassade pour en faire sortir les gens qui y sont entrés. Ailleurs, on les aurait fait sortir à coups de pied.

Le gouvernement mexicain saura ce qu’il en coûte de se réunir avec les contre-révolutionnaires à La Havane.

La réponse aux provocateurs de la mafia de Miami a été massue. Pour chaque fou, il y a à Cuba des centaines de jeunes plus que méritants.

Ici, nous sommes prêts à tout. Que les groupuscules contre-révolutionnaires de Miami ne pensent qu’il vont renverser ça.

Très bonne la conférence de presse de l’ambassadeur mexicain.

Apparemment, l’ambassadeur mexicain à Cuba et son ministre ne parlent pas la même langue.

On dirait que le ministre mexicain des Affaires étrangères ne sait pas qu’ici la république et la Révolution ne font qu’un.

Nous espérons que le président Fox fera des déclarations concrètes sur ce problème et qu’il ratifiera ou rectifiera.

Le gouvernement mexicain fait maintenant la sainte-nitouche, mais dans le fond tout est de sa faute.

La position de Mexique par rapport à Cuba ne me paraît pas claire, il veut manger à tous les râteliers.

Il est en train de se produire exactement ce que je craignais, ce genre de réactions, alors que la visite avait été si aimable, si agréable. Je dis que le président n’est pas coupable. Je me borne à lire les opinions telles que nous les avons collectées.

Le gouvernement cubain est favorable au dialogue avec le Mexique, alors qu’il se porte bien avec nous.

La preuve a été de nouveau faite que Radio Martí ne fait que dénaturer les nouvelles en sa faveur.

Il faut féliciter la police d’avoir si bien agi pendant les événements de l’ambassade mexicaine.

La peine capitale, voilà ce que méritent tous ces délinquants.

Il faut être dur avec ces gens qui violent la loi, pour empêcher le b… dans les ambassades.

Ceux qui sont entrés dans l’ambassade étaient sûrement des délinquants avec un casier judiciaire bien chargé et une bonne carrière derrière eux.

Les tribunaux cubains doivent adopter d’autres méthodes, serrer la vis pour que ces choses ne se répètent pas.

Les délinquants doivent être en prison.

Vous avez ici un exemple de la philosophie selon laquelle tout se règle par la prison. Soit dit en passant, compte tenu de ce que j’ai dit avant. Eh ! bien, il faut s’inspirer ou s’imprégner de la philosophie selon laquelle il y a d’autres voies bien plus efficaces, qui sont d’ailleurs les seules voies si on veut en finir avec ce genre d’individus, autrement dit les voies que nous sommes en train de suivre qui viennent compléter les punitions et la répression sociale. Ce n’est pas pour rien que nous sommes entrés en contact avec les sept mille jeunes et quelque de la capitale qui, après le brevet, avaient abandonné leurs études, ce qui nous a permis de constater que six cents d’entre eux, entre seize et vingt ans, avaient commis des délits d’une certaine gravité. Il faut étudier toutes les causes de cette situation : pourquoi ils ont abandonné les études, pourquoi ceci et pourquoi cela. Il y a bien des choses à analyser et à approfondir.

Le torchon de Miami, comme vous l’appelez, a eu le front de publier une accusation infâme : que les femmes étaient discriminées, qu’il y avait du racisme… Les séquelles du racisme dans ce pays, je suis le premier à les stigmatiser. Ah ! parce qu’il écrit : « Castro en personne a dit que… » Eh ! bien, oui, j’ai dit en public que la pleine égalité pour tous n’existait pas encore. Parce qu’il y a des familles noires pauvres, mais il y en a aussi des blanches. Il y a une marginalisation blanche et une marginalisation noire. Je ne vais pas en dire plus. En tout cas, je n’ai jamais hésité à parler de ces problèmes et de la façon dont nous allons les éliminer. Quel culot, tout de même !

Je poursuis, il ne me reste que quelques minutes.

Les tribunaux…

Je l’ai déjà lu. Oui, les gens critiquent les tribunaux, parce qu’il y a cette idée de la prison et d’encore plus de prison : la répression, la prison.

Je ne m’explique pas comment des gens avec des antécédents pareils sont libres. Ils devraient être en prison.

Notre peuple soutient les mesures prises envers ceux qui sont entrés dans l’ambassade mexicaine.

Le gouvernement mexicain a répondu comme il fallait et les autorités cubaines ont complété l’opération en expulsant ces délinquants.

Le gouvernement a éclairci la situation entre Cuba et le Mexique : les vermines doivent être toutes tristes.

La réponse de l’ambassadeur mexicain aux journalistes a été ambiguë, je n’y ai rien compris. (Quelqu’un de La Havane.)

Dès que les faits de l’ambassade mexicains se sont passés, deux camions du contingent Blas Roca ont fait leur apparition et ils ont castagné dur. Bravo. (Quelqu’un de La Havane.)

A vrai dire, les gens du Blas Roca « castagnent dur » contre le moustique. N’oublions pas que le pays est lancé dans la bataille contre les séquelles du cyclone, dans la bataille contre le moustique du dengue, et avec toujours plus de succès, dans la campagne sucrière et dans un tas de programmes que nous nous proposons de réaliser coûte que coûte. Le Blas Roca se bat contre un ennemi vraiment dangereux.

Cette opinion qu’ils ont « castagné dur »… c’est la première fois que je l’entends. Je ne sais pas s’ils sont apparus. Ce contingent de travailleurs et d’autres, des milliers d’hommes, se battent contre le moustique du dengue, l’Aedes aegypti, et on ne les a pas démobilisés pour ça. Là-dessus, nous sommes tranquilles, nous ne voulons pas épuiser nos énergies, parce que nous avons assez d’autres forces pour organiser des protestations retentissantes. Nous pouvons utiliser l’arme de la vérité, l’épée de la vérité, pour démasquer et pour faire participer tous nos compatriotes à la bataille.

C’étaient tous des délinquants ? Qu’il n’arrive pas comme lors de l’ambassade du Pérou où on a dit que c’étaient des délinquants et il y avait des personnes décentes. (Une opinion de La Havane.)

C’est le gouvernement qui est coupable que des choses comme ça arrivent, parce qu’il est trop tendre envers les délinquants.

Si on laissait l’opinion publique prendre des mesures, ce serait le diable, parce que je sais ce que les gens pensent de ces choses-là et combien ça les irrite. L’idée que le gouvernement est fautif, c’est une opinion de Santa Cruz del Sur, en Camagüey.

Très tôt, on a vu des gens en train de rôder. Pourquoi la Sûreté n’a-t-elle pas pris les mesures à temps ? (Une opinion de La Havane, un de Cienfuegos et un de Granma.)

C’est comme ça qu’on nous attaque. Il faut mieux se garantir. (Une opinion de La Havane.)

Tu vas voir ce que ces gens qu’on a expulsés de l’ambassade, ils vont leur faire un sermon et les relâcher, et vogue la galère. (Rires.) (Une opinion de Cienfuegos.)

Vendredi, un individu est entré dans la Section d’intérêt et on n’en a rien dit. (Une opinion de La Havane.)

C’est vrai. Au beau milieu de tout ça, quelqu’un a sauté à l’intérieur de la Section d’intérêt des Etats-Unis. On allait bien voir ce qu’ils feraient, eux, qui n’arrêtent pas de parler, qui ont critiqué l’ambassade du Mexique de les avoir fait sortir. Eh ! bien, ils ont attrapé le type, ils l’ont délogé très discrètement, ils ont fait des manœuvres de diversion et ils l’ont ramené chez lui. Là, tout le voisinage était au courant et savait qui c’était : après enquête, on s’est aperçu que c’était un malade mental. Alors, vous comprenez qu’il ne valait pas la peine de consacrer cinq lignes à cette personne. Ça n’avait pas la moindre importance. Mais puisque que quelqu’un a donné son avis là-dessus, je suis contraint de faire des commentaires. Un malade mental. Je ne dirais pas son nom.

Il vaut la peine de lire les opinions des citoyens, et je vous ai lu les pour et les contre.

En fait, je dois préciser les choses. Au départ, il y avait deux gardiens devant l’ambassade. Les premières nouvelles sont arrivées vers midi, parce que nous avons du personnel qui suit systématiquement les transmissions ennemies. Cela fait des centaines d’informations par jour qui sont adressées normalement aux intéressés. Il faut vous mettre à la place de ceux qui les reçoivent, les analysent et doivent prendre ensuite une décision. Ceux qui les reçoivent sont en règle générale des gens qui occupent des postes déterminés et s’occupent de beaucoup de choses dans la journée. Ceux qui écoutent, eux, informent.

Randy Alonso. Périodiquement.

Fidel Castro. Le problème, c’est que ce qu’a dit la radio subversive dans la matinée du 27 a été différent de ce qu’elle a dit dans l’après-midi. Le ton, le caractère même des informations avaient changé. Elle a insisté sur deux choses, mais surtout que les relations de Cuba et du Mexique étaient rompues, que les portes de l’ambassade étaient ouvertes. Surtout le deuxième point. Nous savons bien ce que font les délinquants si vous leur dites que les portes des ambassades sont ouvertes !

Rappelez-vous en 1994, quand les délinquants ont commencé à détourner des vedettes qui faisaient la navette à travers la baie de La Havane, et à faire des tas d’autres choses, en pleine Période spéciale, et que nous avons déclaré aux Etats-Unis que nous n’étions pas obligés de leur protéger leurs côtes et que nous nous sommes déclarés en grève, les voyous, les asociaux et même des personnes qui voulaient émigrer ou retrouver leurs familles se sont aussitôt mobilisés.

Randy Alonso. Tout ceci provoqué par cette même radio anticubaine.

Fidel Castro. Exactement. Ce que nous avons fait alors, c’est tenter de dissuader ceux qui partaient en radeaux de le faire, parce que c’était risqué, et ensuite, nous les escortions jusqu’aux limites où se trouvaient les garde-côtes nord-américains.

Maintenant qu’il existe un accord migratoire entre Cuba et les USA, nous continuons de faire pareil avec ceux qui ne reçoivent pas de visas et veulent émigrer illégalement. Nous ne tentons pas d’intercepter les embarcations pour ne pas provoquer d’accidents. Surtout que maintenant de plus en plus de vedettes rapides en provenance de la Floride se consacrent au trafic de personnes. Tout ce que tu peux faire, c’est les arraisonner avant qu’elles n’arrivent ou découvrir là où les attend. Nous avons capturé plus de cent pirates, des trafiquants d’immigrants qui vivent tous aux Etats-Unis d’où ils partent, mais les autorités de là-bas n’en veulent pas et, comme elles n’osent pas les juger, elles nous les laissent sur les bras. Pas folle la guêpe ! C’est la vérité vraie, mais elles préfèrent ne pas en parler.

Il n’est pas mauvais que les gens critiquent.

En fait, je m’explique le mécanisme. Que s’est-il passé ? Nos autorités se sont rendues compte de quelque chose d’anormal et elles ont consolidé la garde par quelques renforts. Dans l’après-midi, tout était apparemment calme. A la tombée de la nuit, aussi. On avait renforcé la garde par une vingtaine d’adjoints, qui sont des bénévoles qui coopèrent avec la police, et quelques petits groupes de policiers. A la tombée de la nuit, il y avait une soixantaine d’hommes, si je me rappelle bien, soixante-trois, je crois, et on ne constatait encore rien d’anormal. La tranquillité était presque totale.

C’est vers neuf heures du soir que des dizaines de personnes ont commencé à se concentrer aux deux bouts de la rue.

Randy Alonso. L’intitulé de l’émission de huit heures était fait pour frapper : « Les portes sont ouvertes. »

Fidel Castro. La dernière a été à huit heures. A la tombée de la nuit, les renseignements avaient adressé un rapport écrit informant de ce qu’il s’était passé dans la journée et des mesures adoptées. Vu le peu d’importance des faits, ils avaient fait un rapport écrit. Ils n’imaginaient pas… Ils ont été pris par surprise par la manipulation de la radio subversive. Les rumeurs de la rupture des relations et des « portes ouvertes » s’étaient multipliées. Presque aucun de ceux qui ont tenté de pénétrer dans l’ambassade n’avait écouté la radio ; la plupart avaient entendu les rumeurs et pensé que le soir était le meilleur moment. Ceux de la radio subversive connaissaient bien ce mécanisme et l'ont provoqué délibérément. C’est ça leur pire perfidie. Nous savons bien ce qu’il se passe. Dites voir un peu que le Capitole est ouvert aux gens qui veulent émigrer aux Etats-Unis, et vous verrez tous ces individus s’y précipiter…

Nous savons bien que ces individus se sentent privilégiés par le gouvernement des Etats-Unis, et l’ennemi a manipulé tout ça. Mais jusqu’à présent, l’impérialisme n’a pas fait preuve de beaucoup d’intelligence et toutes ses manœuvres ont avorté.

En revanche, nous, nous avons la confiance la plus absolue dans ce que nous faisons, la confiance la plus totale en l’avenir.

Je pense que les hommes des renseignements et tous ceux qui sont intervenus face à la provocation ont bien agi, que l’unité spéciale a agi à la perfection. En fait, c’est une poignée d’hommes, parce que les unités spéciales ont été réduites. Cette expérience nous incitera peut-être à analyser ce qu’il faut faire. Il y des forces suffisantes dans notre pays, depuis la possibilité de mobiliser cent mille hommes de notre capitale en quelques heures, en passant par le fort potentiel de nos forces armées et leurs troupes spéciales, jusqu’à un peuple entier organisé, entraîné et armé pour la guerre populaire. Ici, nous pouvons mobiliser des centaines de milliers d’hommes en un clin d’œil.

Mais il ne faut pas abuser. De petites forces bien entraînées peuvent régler rapidement des situations de ce genre. Mais ceux qui étaient là sur place, c’étaient des forces auxiliaires, pas le Blas Roca. Au moment où le bus a foncé sur la grille, il devait y avoir de soixante à soixante-trois hommes, qui ont repoussé les assaillants et les ont empêchés d’entrer. Je pense qu’on aurait dû les renforcer davantage, parce que c’est vers neuf heures du soir que les asociaux ont commencé à se concentrer.

Les services de renseignements avaient adressé un rapport de quatre pages, qu’il leur avait fallu rédiger après avoir collecté toutes les données, précisé les chiffres, etc. Dès que j’ai été informé vers onze heures du soir, je me suis rendu sur place, bloc-notes en main. Le rapport a dû arriver à peu près à l’heure où le bus a foncé sur l’ambassade. Des bousculades s’étaient déjà produites vers neuf heures, parce que ceux qui étaient là avançaient sur l’ambassade, et là il aurait fallu des renforts à partir du moment où une centaine de personnes s’étaient présentées à un bout de la rue et une centaine d’autres à l’autre bout.

Les gardes ont fait un excellent travail. Et ces petites remarques, ils les connaissent déjà. Certaines personnes s’étonnent qu’ils aient été si peu nombreux. En effet, ça étonne un peu compte tenu de deux facteurs : la forte campagne de rumeurs qui durait depuis presque treize heures, ou douze heures et demie, de 7 h 35 du matin à 8 heures du soir. Comme la tranquillité régnait, malgré les rumeurs et les nouvelles, et qu’ils avaient reçu quelques renforts, ils ont pensé que ça suffisait. Mais une fois les échauffourées commencées, ils ont agi avec beaucoup de courage : vous imaginez, quelques hommes à peine qui n’avaient pas le droit d’utiliser leurs armes face à des émeutiers qui savent pertinemment que la police ne va pas leur tirer dessus…Qui savent qu’ici on n’utilise pas les méthodes qu’on voit tous les jours ailleurs à la télévision.

Voilà ce que je peux préciser de cette histoire. Il y a d’autres choses dont nous pourrons un jour discuter. C’est à vous, de la table ronde, d’en décider. On peut même passer une semaine à en discuter, nous sommes prêts.

Randy Alonso. On vient de me remettre une dépêche de Prensa Latina, datée voilà quelques minutes de Mexico, qui dit ce qui suit :

Le président mexicain Vicente Fox a affirmé aujourd’hui à Prensa Latina que les liens entre son pays et Cuba sont à leur meilleur niveau et que les deux parties travaillent à les renforcer avec le même enthousiasme qu’avant.

« Les relations sont pareilles qu’avant, voire meilleures, parce que j’ai eu l’occasion de parler directement au président Castro en personne », a-t-il affirmé. Il a expliqué que son gouvernement avait coutume d’agir ainsi, de décrocher le téléphone et de parler avec qui que ce soit dans des situations pareilles.

En conférence de presse avec des correspondants étrangers, cet après-midi, Fox a déclaré : « Les relations bilatérales sont à leur meilleur niveau et nous continuons de travailler avec le même enthousiasme qu’avant. »

Interrogé sur la réaction que l’entrée au siège diplomatique de La Havane avait provoquée à Miami et aux Etats-Unis, il a répondu : « Il me semble que chacun, que chaque groupe a le droit d’interpréter et de penser comme il veut les événements. » Il a qualifié d’intempestive l’entrée de ce groupe de Cubains dans la mission officielle mexicaine, dans la mesure où ils n’ont jamais fait état de la moindre demande d’asile politique ou fait mention de la moindre persécution politique. Ils ont tout simplement foncé sur l’ambassade dans un bus.

« C’est ça qui nous a conduits à demander au gouvernement cubain de protéger dûment notre ambassade, et de déloger ces personnes, car elles n’avaient aucune demande à faire, elles ne sont pas venues demander des visas ou une protection politique ou rien de ce genre. »

Fidel Castro. Une déclaration nette, honnête, qui prouve ce que j’ai dit. Je me réjouis énormément que la table ronde s’achève sur ça.

Randy Alonso. Comandante, nous vous remercions tout spécialement d’avoir participé à notre table ronde, car je crois que ça a contribué à donner à notre peuple plus d’informations sur cette provocation financée, stimulée par la mafia anticubaine en collaboration avec ses mercenaires d’ici et en utilisant des asociaux qui, comme vous le dites, existent encore dans notre société. Mais cette provocation a fait long feu, une fois de plus, et a abouti à un nouvel échec de cette mafia aux visées si perfides.

Les arguments présentés ici à la table ronde pendant deux journées ont donc contribué à mieux informer notre peuple qui l’avait été de toute façon, dès le début, grâce aux deux notes officielles émises aussitôt après les faits de l’ambassade.

Fidel Castro. Il reste encore quelques nouvelles. Je veux parler d’une en particulier que nous n’avons pu le temps de divulguer suffisamment, à savoir ces criminels qui ont assassiné sur l’autoroute, pour les voler, des émigrés de Miami qui étaient venus ici rendre visite à leur famille. Il a fallu travailler très dur et avec beaucoup d’intelligence pour éclaircir le cas, qui était difficile. C’est fait. Et même si nous n’avons pas l’habitude dans notre presse de parler de ce genre de faits divers qui sert bien souvent à stimuler les crimes plutôt qu’à les combattre, de toute façon nous n’avons pu eu le temps d’analyser les faits avec toute la profondeur requise.

Certaines personnes se demandent comment cela s’est passé et quels sont les résultats de l’enquête. Je peux dire que tous les responsables ont été arrêtés. L’assassinat a été commis sur l’autoroute, et beaucoup de gens en avaient entendu parler. Il a fallu enquêter à fond, réunir toutes les preuves et disposer de tous les détails nécessaires pour l’instruction et pour éviter l’impunité. Il fallait un Sherlock Holmes, car l’affaire était bien compliquée, mais enfin, à plusieurs Sherlock Holmes, ils ont découvert la vérité jusqu'au dernier détail. Et la vérité est assez répugnante, croyez-moi, parce les criminels ont même tué un enfant. Et de tout ça, il faudra aussi tirer des leçons (applaudissements).

Randy Alonso. Nous remercions une fois de plus le comandante et les intervenants de la table ronde, ainsi que les invités présents dans les studios, en particulier notre ministre des Relations extérieures et le compañero Lage.

Demain, nous serons de nouveau en table ronde.

Bonsoir à tous.

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